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Portraits du soi impérieux (4) : le soi impérieux est rebelle

Portraits du soi impérieux 4

Cet article s’inscrit dans notre série consacrée aux « portraits du soi impérieux » :
► lire la présentation générale de la série : Portraits du soi impérieux (1) : une éthique de la transformation
► voir tous les articles de la série : Portraits du soi impérieux

 

Le soi impérieux est un anti-moi, c’est-à-dire une force contraire, rétive et tirant systématiquement dans la direction opposée à celle où veut nous mener notre moi réel, notre âme. Si l’on veut rencontrer le soi impérieux, rien n’est plus simple, il suffit de faire un mouvement dans le sens de l’éthique et du divin : aider quelqu’un sans rien attendre en retour, se taire là où on voudrait médire ou frimer, faire un effort pour nettoyer son esprit des pensées négatives, etc. La réaction est immédiate et l’on peut distinctement percevoir toute la force de résistance du soi impérieux cherchant à me freiner dans l’accomplissement de cet effort.

J’ai été blessé par les critiques de mon chef sur mes compétences professionnelles : je n’arrête pas de penser à ce qu’il m’a dit, à ce que je lui ai répondu, à ce que j’aurais dû lui répondre, à ce que je pourrais faire pour corriger cette impression qu’il a de moi ou mieux : pour me venger de l’humiliation qu’il m’a fait subir. J’ai beau faire, je ne peux pas m’empêcher de ressasser des pensées négatives sur lui : je le trouve injuste, rigide, obtus, caractériel…

Chacun a probablement eu ce genre d’expérience, celle d’une pensée obsédante, plus ou moins négative, qu’on tourne et qu’on retourne dans son esprit. Même si on essaie de s’en débarrasser, de « penser à autre chose », elle revient à la charge et ne nous laisse pas en paix. La plupart du temps, on s’en tient là et on ne cherche pas à lutter plus longtemps. Mais si d’aventure on tente de faire un effort réel pour chasser ces idées négatives et améliorer la qualité éthique de ses pensées, on a toutes les peines du monde à le faire. Faites l’expérience, essayez dans une situation semblable de considérer la situation avec objectivité. Par exemple, voir pourquoi vous avez subi ces critiques, considérer qu’elles sont peut-être justifiées, et même si elles ne sont pas justifiées, essayer de comprendre le point de vue de l’autre avec indulgence, calmer simplement sa rancune et sa colère. Vous verrez qu’il suffit d’envisager de changer votre vision sur l’événement pour que le soi impérieux provoque en vous une résistance acharnée, une véritable levée de bouclier émotionnelle (Comment ? Comprendre son point de vue ? Mais tu as vu le ton sur lequel il m’a parlé ? C’est injustifiable, il n’y a pas à sortir de là ! etc.). Pour réussir à donner à vos pensées un tour éthique (autrement dit, pour réussir à faire reculer le soi impérieux et en l’occurrence, l’orgueil) il faut un effort de volonté qu’il est en général impossible de fournir « à chaud ». Ce n’est que plus tard, quand les émotions négatives produites par l’événement se seront un peu calmées avec le temps, que vous pourrez revenir dessus pour essayer de vous raisonner et d’injecter dans votre esprit des pensées plus positives. Et encore, cela vous demandera de toute façon un très gros effort et une énergie qui ne peut vous venir que d’une très forte motivation éthique et spirituelle.

Autre expérience, qui permet de se rendre compte de la force de résistance du soi impérieux et qui peut être réalisée par tous ceux qui se sont fixé une pratique de prière régulière : essayez de prier de façon non pas automatique mais en vous concentrant sur le sens de chacun des mots que vous prononcez, comme lorsque vous parlez avec quelqu’un qui se trouve en face de vous. Soyez vigilant sur les pensées qui vous viennent à l’esprit dès que vous essayez de fournir cet effort. Il arrive forcément un moment où elles « décrochent », en général très rapidement, au bout de quelques minutes, souvent même quelques secondes. Au lieu de se concentrer sur le divin, et alors même que la langue continue à réciter, la pensée dévie et revient vers le terrain plus familier et plus facile des petites et grandes choses de la vie matérielle. Et cela ressemble assez rapidement et en exagérant à peine, à ceci :

Ô mon Dieu louange à Toi je Te prie parce qu’il faut que je sorte le linge de la machine sinon il sera jamais sec pour ce soir Toi qui es plein de miséricorde, zut ça me gratte dans le dos… de miséricorde, il faut que j’essaie de me concentrer, c’est pas facile Toi qui es bon, il fait pas chaud mais qu’est-ce qu’elles sont belles les étoiles ce matin, je Te supplie de m’absoudre heu… à quelle heure j’ai rendez-vous avec Géraldine de mes fautes et de mes péchés j’aime pas ce mot vraiment ça fait grenouille de bénitier Aide moi à être soumis à Ta volonté, préserve moi de tout ce qui est contraire à… fatigue… emmener les enfants à l’école… retard… Ta volonté… m’énerve cette alarme de voiture en plein quand je fais ma prière en plus… Allez, amen, il faut que je file.

Le soi impérieux dans toute sa force est dans cette résistance intérieure extraordinaire que l’on ressent dès qu’on veut se tourner, ne serait-ce que quelques minutes, vers le divin pour se rappeler sa dimension spirituelle et se détacher un peu des valeurs matérielles.


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11 commentaires

  1. A. le 12 Mar 2020 à 8:19 1

    Merci de cet article formidable!!!

    « Il faut un effort de volonté qu’il est en général impossible de fournir « à chaud ». Ce n’est que plus tard, quand les émotions négatives produites par l’événement se seront un peu calmées avec le temps, que vous pourrez revenir dessus pour essayer de vous raisonner et d’injecter dans votre esprit des pensées plus positives. »
    Ce paragraphe résume bien une expérience vécue ce weekend. Mon fils s’est blessé et a dû aller aux urgences. De retour, j’ai insisté qu’il fasse ses devoirs pour des cours de langue qu’il suit en plus de son école normale. Face à son refus obstiné, je me suis énervé (même si extérieurement j’ai gardé mon calme) et je l’ai menacé de ne pas être autorisé d’aller à une fête d’anniversaire (qui aura lieu ce weekend prochain). Puis j’ai ruminé des pensées négatives pendant quelques temps et je me suis plaint de son comportement auprès de ma femme.
    Ma femme, au contraire, l’a encouragé 3-4 fois d’une façon bienveillante et ensuite a laissé tomber car la journée avait été rude pour lui.
    Le lendemain, après avoir fait ma prière, l’absurdité de mon comportement m’est apparue dans toute sa splendeur ainsi que la simplicité/signification du scénario : d’un coté ce qu’il ne fallait pas faire (=mon comportement) et de l’autre ce qu’il fallait faire (le comportement de ma femme). C’est incroyable comment le soi impérieux et les émotions qu’il engendre, créent un telle confusion dans mes pensées, qu’elle me met à genoux même pour des choses simples et évidentes.

  2. MH le 12 Mar 2020 à 10:49 2

    EXCELLENT! C’est « du vécu »…
    Même tout en lisant ce texte, mon esprit a été plusieurs fois attiré par autre chose dans la pièce: une notification sur mon téléphone, une pensée sur mes enfants, sur ce que j’ai à faire aujourd’hui, etc.
    Evidemment, c’est aussi une question de concentration… que j’ai toujours eu du mal à avoir… et qui ne s’arrange pas avec le temps!
    Un gros travail sur moi…

  3. LA le 12 Mar 2020 à 23:10 3

    Il est on ne peut plus difficile de lutter contre mon soi impérieux, sans avoir, à chaque fois, consciemment imploré Son aide au préalable. Aucune victoire, si petite soit-elle, ne m’est acquise si mon attention et mon intention ne sont pas tournés vers Lui

  4. aL06 le 12 Mar 2020 à 23:31 4

    Article parfaitement ajusté à mon vécu, tant sur des pensées négatives envahissantes que sur la difficulté à concentrer mon attention sur la Source, le Point d’Unicité, l’Un… Une solution que j’ai trouvé pour la prière c’est de concentrer ma pensée pendant que je fais mon exercice physique. Cela m’aide à garder mon attention tournée vers le divin et rend mon exercice moins monotone. Merci pour ce témoignage

  5. Bob le 13 Mar 2020 à 8:04 5

    C’est fou ce que ça tombe à pic! Comme si c’était publié pour moi: situation au travail de critique injustifiée, ego remonté (en partie positivement: travail fait sur sentiment de fierté et de dignité et ne pas se placer en carpette et manquer de reconnaissance dans un certain sens de ma vie, mes compétences, la capacité que j’ai à une pensée complexe quoique inhabituelle, ne pas me laisser bousculer par le premier venu; d’autre part négativement par le soi impérieux: médisances de la et les personnes concernées: mais oui, ils sont tous trop c*…Alors même que ma pratique porte sur éviter les paroles négatives et Le voir comme l’efficient en toute chose et d’augmenter ma confiance en Lui…)
    Et concernant la prière…ah, haha, c’est si juste. Mais je ne me rendais pas compte que c’était pour tout le monde aussi diffus.
    Hmm, alors, me représenter plus clairement que ce sont des attaques du soi impérieux, le reconnaître, l’identifier, et me mettre au travail pour lutter contre.

  6. DD le 13 Mar 2020 à 15:25 6

    A peine exagéré! Je m’y suis bien retrouvée dans vos exemples en tout cas…
    C’est « amusant » d’imaginer cette résistance intérieure extraordinaire pour parler du soi impérieux mais que va t-on dire alors de cette résistance qu’on doit lui opposer qui doit être bien plus extraordinaire encore pour réussir à lui rabattre son caquet?
    Car sans l’aide du Tout-Puissant on ne peut y arriver!

  7. Sh le 14 Mar 2020 à 5:15 7

    En lisant cet article, je me trouve parfaitement dans cette situation, sous prétexte que je n’ai pas le temps alors que je passe énormément de temps à regarder des films, YouTube, discuter au téléphone…. Et juste pour la formalité je consacre à une lecture spirituelle pendant 2 à 5 min, et la moitié de ma prière je m’endors et je constate combien suis négligent….
    En tout cas merci pour ce message très utile.

  8. Charlotte le 15 Mar 2020 à 9:26 8

    Merci pour les expériences partagées qui me sont d’une grande aide pour voir mieux les ruses intarissables du soi impérieux. Je me trouve souvent dans des situations extrêmement ridicules qui me font honte. Par exemple: ne pas frimer, un jour en discutant avec quelqu’un que je connaissais à peine, j’ai frimé sur le fait que j’ai 3 enfants sans me demander est-ce que la personne à des enfants? A-t-elle des difficultés à en avoir, etc… ?
    N’est- pas pathétique de frimer pour un droit dont la plupart des gens bénéficient et à leur yeux c’est normal et naturel?!
    Mais j’ai perdu face à mon soi impérieux. Je suis persuadée que sans l’énergie métacausale de l’Un, c’est impossible de lutter et qu’Il vienne à notre secours. Des exemples il y’en malheureusement beaucoup.

    1. Mike le 18 Mar 2020 à 20:59 8.1

      C’est la réalité malheureusement.
      J’ai pratiqué l’attention-dialogue en me représentant le schéma en gros plan de l’ego et du guide intérieur comme recommandé dans « Fondamentaux du perfectionnement spirituelle, Guide Pratique » de Bahram Elahi, et ça aide bien plus à se concentrer.
      C’est sûr les autres sont notre miroir et les événements qui nous arrivent sont autant de signe de travail sur soi.
      Merci belle analyse !

  9. Radegonde le 24 Mar 2020 à 0:42 9

    Quelle merveilleuse période que ces temps de confinement..vivre avec son conjoint jour et nuit, et arriver a un modus vivendi plutôt agréable.
    De quoi traquer le soi impérieux qui est comme à l’affut. Heureusement j’ai un chien que je peux sortir 3 fois par jour…du coup mon soi peut fureter à l’extérieur…je remarque que des personnes font du sport en groupe..mais cela ne me gêne pas trop..par contre je n’aime pas leur musique de salle de sport à fond, et je râle…Ainsi je découvre que je suis très partiale dans mes réactions ..très déconcertée aussi..
    A travailler..

  10. mike le 17 Mai 2020 à 18:53 10

    ça m’arrive tous les jours!
    pour la prière j’ai expérimenté le dialogue avant la récitation et ça marche bien, ‘merci mon Dieu de m’avoir existencié et de m’avoir donné la possibilité de connaître un jour le bonheur total, Aide moi à mettre à suivre la voie de Ton contentement’ puis après je récite une prière que je connais par coeur.
    Je pense être spécialiste des ruminations négatives et effectivement quand je réussis à donner un coup de balai des pensées sombres, c’est le jour et la nuit!
    Et pour éviter qu’elles ne reviennent trop vite, se poser les questions dont vous parliez, se mettre à la place de l’autre et voir aussi ce qui dans mon comportement peut déclencher ce genre de réaction chez les autres (que notre ego trouve négatives mais qui en fait sont là pour que l’on progresse dans la connaissance de soi). Et là on découvre que nos défauts sont la causes de nos malheurs…

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