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Mon intention, mon arbre de bienfaisance

Par , le 17 Mar. 2024, dans la catégorie Articles - Imprimer ce document Imprimer
Arbre fruitier

L’enfer est pavé de bonnes intentions dit l’adage… Le paradis aussi, serait-on tenté d’ajouter. Car quelle bonne action, quel bon comportement, ne prend pas racine dans une intention bonne ? La question de l’intention est au cœur de la pratique spirituelle d’Ostad Elahi. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’intention signifie.

L’intention

Nous reprenons ici la définition qu’en donne Bahram Elahi dans les Fondamentaux du perfectionnement spirituel : le guide pratique :

Le « comportement » désigne à la fois la pensée (intention) et l’action : on pense à quelque chose, puis on prend la décision ferme de l’accomplir (intention), et enfin on l’accomplit (action). C’est cet ensemble qui forme le comportement.

Bahram Elahi, Fondamentaux du perfectionnement spirituel : le guide pratique, Paris, Dervy, 2019, p. 189.

L’intention est donc définie à partir de sa conséquence (un acte, une parole, une pensée) plus que par elle-même (pensée plus ou moins explicite selon laquelle s’exprimerait un but à atteindre). C’est dans ce renversement – partir du résultat pour remonter à la source, en non pas partir d’une pensée vague qui a toutes les chances de n’aboutir à rien – que se situe la différence entre le contre-adage et l’adage évoqués en introduction. Dans un cas, une décision ferme est forgée qui aboutira concrètement, sauf si on en est empêché. Dans l’autre cas, un désir vague s’échoue au rivage du réel et se fond dans les sables.

L’intention, c’est le lieu même de l’exercice de notre libre arbitre. On décide de faire telle chose, afin de de se rapprocher de tel but. On corrige, on ajuste son intention, et cela fait en réalité partie intégrante de ce que Bahram Elahi appelle la pratique in vitro des vérités et des principes – plus particulièrement, la pratique de l’autosuggestion, c’est-à-dire l’art de s’exhorter à regarder dans une certaine direction, d’infléchir le cours de sa pensée, pour diriger ses pas, ses actes, dans le sens d’un accomplissement spirituel.

L’intention bonne

Mais qu’est-ce que l’intention bonne, celle vers laquelle nos efforts intérieurs devraient constamment nous faire tendre ? Ostad Elahi aborde cette notion centrale dans de nombreuses Paroles de Vérité, par exemple dans celles-ci :

Dieu a à faire avec l’intention et c’est sur elle que Sa balance est réglée, du moment que cette intention est suivie d’effet. Par exemple, dans l’amour que nous portons à Dieu, si nous agissons sincèrement, selon notre compréhension, cela suffit. Parole 13

Si l’homme corrige son intention, que, dans les affaires spirituelles, son intention est le contentement divin et que, dans les affaires matérielles, il veut pour autrui ce qu’il veut pour lui-même et agit en conséquence… Parole 225

La première condition, c’est donc d’avoir une « intention bonne ». Quand vous serez engagés à dire le bien, à vous imprégner de bien, à rechercher le bien, cette intention deviendra votre « arbre de bienfaisance », qui donnera des fruits délicieux dans ce monde et dans l’autre. Parole 415

Ostad Elahi, Paroles de Vérité, Paris, Albin Michel, 2014.

Nous vous proposons d’explorer cette notion, et les moyens de cultiver en soi l’intention bonne, de planter notre « arbre de bienfaisance », à travers deux contes persans. Ils sont rapportés par Ostad Elahi[1] et ont été mis en mots par Leili Anvar[2]. Nous les reproduisons ici (cliquer sur chaque titre pour faire apparaître le texte) :

« Le chaton » – L’intention et l’effet d’un bon acte

Un mollah très savant qui avait étudié les sciences islamiques à la madrasa de Chiraz et qui, sa vie durant, avait servi Dieu en pratiquant assidûment tous les piliers de l’islam : jeûne, prière, aumône, pèlerinage à La Mecque et surtout, surtout, exhortations à faire le bien et à éviter le mal. Connu pour son érudition et sa sagesse, il jouissait d’une réputation sans faille et tous les habitants de la ville le respectaient comme il se doit.

Sentant sa mort prochaine, il promit à son fils de revenir lui rendre visite en rêve pour l’informer de l’au-delà et de ce qu’il y verrait.

Il mourut donc car, même ceux qui connaissent par cœur le saint Coran, parole éternelle de Dieu, finissent pas mourir un jour. Quelque temps plus tard, comme promis, il apparut en songe à son fils qui s’informa de son état.

« Quand je suis arrivé devant le Juge suprême qui devait décider de mon sort dans la vie éternelle, on me demanda ce que j’avais apporté avec moi. Je répondis que j’avais appris par cœur le Coran et étudié la théologie, que j’avais scrupuleusement obéi aux commandements divins, que j’avais éclairé les croyants sur le chemin à suivre, bref que toute ma vie, je m’étais consacré au service de l’islam. Je pensais dans mon for intérieur que cela méritait bien un petit coin de paradis…

« Mais quelle ne fut pas ma stupéfaction de m’entendre dire qu’en échange de tout cela, j’avais déjà reçu ma récompense dans le bas-monde puisque j’y avais joui des honneurs attachés à ma charge, que j’avais été respecté et craint, que j’avais vécu dans la sécurité et le confort. On déroula sous mes yeux toute mon existence et je vis qu’en effet, j’avais été comblé dans ma vie terrestre et que je me retrouvais devant le tribunal divin, les mains vides. La balance de mes actes était à l’équilibre et si rien ne justifiait que je fusse précipité en enfer, rien non plus ne me donnait droit au paradis. C’est alors qu’un ange apparut et intercéda en ma faveur : “Cet homme a pourtant un acte de grande valeur à son actif. Souviens-toi, c’était un jour de neige et de froid dans les rues de Chiraz. Tu as vu dans le caniveau un petit chaton malingre et tremblant, vraisemblablement égaré et affamé. Tu l’as pris sous ta grande cape, tu l’as emmené chez toi, lui as donné un abri, tu l’as nourri de lait, sans que personne n’en sache jamais rien puisqu’un grand personnage aussi respecté ne pouvait pas s’abaisser publiquement à prendre soin d’un chat errant. Tu as attendu qu’il ait repris des forces pour le laisser partir. À tes propres yeux, cet acte était insignifiant et tu n’en attendais rien en retour. Et c’est justement cet acte de bonté gratuite, cet élan de pure humanité qui aujourd’hui va faire pencher la balance du bon côté et t’ouvrir les portes du paradis.” »

Dans le rêve, le tableau changea alors et le fils aperçut son père, assis dans un beau jardin, au bord d’un cours d’eau, entouré de verdure et de fleurs, et, malgré l’absence notable de houris aux yeux de biche, il en conclut que son père avait rejoint le paradis des bienheureux.

>>Cliquer ici pour écouter ce conte dans sa version Audiobook<<

« Qu’est-ce qui est plus grand ? » – L’intention et le repentir

Un brigand sans foi ni loi qui régnait sur la pègre de Kandahar. Il avait accumulé une vaste fortune en volant, tuant, trafiquant. Tous le craignaient car c’était un vrai dur. Rien ne lui faisait peur et il ne reculait devant rien pour étendre son pouvoir et grossir son capital. Dieu l’avait abandonné à son triste sort de pécheur en le laissant prospérer. Et, chaque jour qui passait, son âme devenait plus noire. Impitoyable avec tous, il n’avait qu’une faiblesse : son fils unique qu’il aimait tendrement.

Un jour de printemps, il se promenait avec ce fils bien-aimé dans une plaine entourée de hautes montagnes. Sa grosse main, qui avait commis tant de crimes, tenait la petite main de l’enfant et tous deux goûtaient cet instant vert et or arraché aux ténèbres. Çà et là, des coquelicots au cœur noir et des jasmins sauvages enchantaient le regard. La nature incarnait jusque dans les fibres de la moindre brindille, une idée de l’infinie douceur. L’enfant, qui voyait en son père un homme grand, bon et sage, lui demanda : « Père, qu’y a-t-il de plus grand que vous dans le monde ?

– Eh bien…, répondit le père, par exemple, cet arbre de Judée que tu vois là-bas.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que l’arbre de Judée ?
– Le grand saule pleureur qui a poussé sur le bord de la rivière.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que le saule pleureur ?
– La rivière qui coule à ses pieds.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que la rivière ?
– La colline qui se dresse devant nous.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que la colline ?
– La montagne où nous nous trouvons.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que la montagne ?
– Le ciel étoilé au-dessus de nous.
– Et qu’est-ce qui est plus grand que le ciel étoilé ? »

Soudain, le père tomba à genoux et dit en sanglotant :
« Hélas, mon fils, ce qu’il y a de plus grand que tout cela, ce sont les péchés de ton père ! »

Alors, au tréfonds de son âme, il entendit une voix qui disait :

« Et ce qu’il y a de plus grand que tes péchés, ô mortel, c’est le pardon de Dieu ! »

Et un rayon de lumière traversa son cœur.

On dit qu’il rentra chez lui, quitta sa vie d’avant, distribua tous ses biens aux pauvres et se mit au service des plus démunis. On dit aussi qu’à sa mort, il rejoignit l’océan de la Miséricorde qui est plus grand que tous les péchés et tous les bons actes réunis, plus grand que le ciel, plus grand que l’Empyrée.

>>Cliquer ici pour écouter ce conte dans sa version Audiobook<<

Ces deux histoires jouent, chacune à sa façon, sur le rapport inversé entre les apparences et la réalité de nos actes en lien avec notre intention. Un acte en apparence spectaculaire peut en réalité ne pas valoir grand-chose ; un acte en apparence insignifiant ou banal peut en réalité constituer un trésor, voire peut sauver. Toute la difficulté est de trouver le chemin étroit qui y mène : celui de l’intention bonne.

Nous vous proposons de lire ces contes, d’en tirer vos leçons et vos idées de pratiques. Si vous le souhaitez, vous pourriez partager vos réflexions et expériences ici-même sous forme de commentaires.


[1] Voir Paroles de Vérité, parole 256, et Âsâr ol-Haqq [« Paroles de Vérité »], vol. I, Téhéran, Nashr-e Panj, 5e éd., 1997, parole 1805.

[2] Leili Anvar, Contes des sages persans, Paris, Seuil, 2019.


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1 commentaire

  1. A. le 19 Mar 2024 à 7:28 1

    Merci de cet article et de ces contes très touchants !

    Il est intéressant de comprendre ses intentions à partir des réactions de ses actes. Récemment au travail j’ai envoyé un courriel à une cliente en mettant un collègue en copie afin d’éviter des réactions négatives de sa part (alors que je n’y étais point obligé). Oh quel fût mon étonnement de voir ce collègue s’énerver et me critiquer devant tout le monde, à cause de ce courriel. Après coup je me suis rendu compte que l’intention « d’agir par crainte de » avait fait que cette crainte (la réaction de mon collègue) se matérialise. Conclusions : même dans les petites choses il faut corriger son intention et mettre son espoir dans la Source seulement.

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