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Se transformer, c’est possible !

Par , le 18 Oct. 2009, dans la catégorie Lectures - Imprimer ce document Imprimer
Psychologie de la vie quotidienne, Jacques van Rillaer

Van Rillaer, J. (2003)Psychologie de la vie quotidienne, Éditions Odile Jacob

En lisant le titre de ce livre, le lecteur ne peut s’empêcher d’y voir un clin d’œil au célèbre ouvrage de Freud : Psychopathologie de la vie quotidienne. L’ouvrage n’a pourtant rien d’un traité de psychanalyse et pour cause. L’auteur, Jacques Van Rillaer, psychologue de formation qui a commencé sa carrière en expérimentant la psychanalyse freudienne, est connu pour sa critique de la méthode psychanalytique. Déçu par la psychanalyse (il est notamment l’auteur des Illusions de la psychanalyse), il s’est orienté vers les thérapies comportementales et cognitives. Il est actuellement professeur à l’Université de Louvain-la-Neuve et aux Facultés universitaires de Saint Louis.

La première partie du livre, qui retrace l’histoire de la psychologie, examine la différence entre les approches psychanalytique et comportementaliste des réactions humaines. Les grandes théories et concepts de cette discipline y sont développés, ce qui permet de situer la psychologie cognitive et comportementale dans le champ plus vaste et parfois déroutant de la psychologie.

Le comportement est entendu ici au sens large, désignant « toute activité signifiante, directement ou indirectement observable ». Il revêt trois dimensions : « cognitive, affective et motrice ». Or, contrairement à la psychanalyse qui se base sur l’interprétation, la psychologie comportementale passe d’abord par l’observation de nos comportements (la connaissance de soi) pour ensuite changer les comportements grâce à des processus cognitifs ainsi que par l’action : « voie royale du changement ».

Selon Van Rillaer, la « réflexion sur notre propre comportement facilite les apprentissages et est un puissant outil de changement. Elle nous donne un moyen de prendre du recul vis-à-vis de nous-même, de nous réorienter et d’expérimenter de nouvelles réactions ». Il ne peut donc y avoir d’évolution sans réflexion et connaissance de soi, mais celle-ci peut s’effectuer à « des niveaux d’abstraction très différents. Elle peut porter sur quelques comportements, sur des ensembles de conduites et leurs conditions environnementales, sur des habitudes, sur des caractéristiques centrales observables dans un grand nombre d’activités. Elle peut mettre l’accent sur des données connues de la personne seule (secrets, etc.) ou sur des jugements d’autrui (parents, psy) ».

La première étape dans ce processus est l’observation, qui prend en considération « les six variables de l’ « équation comportementale » (cognitions, affects, actions, stimuli antécédents, conséquences anticipées, état de l’organisme) et leurs interactions ». Mais pour que cette observation soit efficace, il convient de la quantifier : noter le nombre d’occurrences du comportement ainsi que les situations et les moments dans lesquels elle apparaît. Cela nous permettra au mieux d’en comprendre la cause, et au minimum, de pouvoir l’anticiper et mettre en place des stratégies adéquates. Pour reprendre un exemple du livre : une personne déprimée pourra, en notant ses moments de déprime, se rendre compte qu’ils ne sont pas si fréquents dans la journée et qu’ils apparaissent toujours au même moment.

Parallèlement, l’auteur insiste sur le fait que « la quantification [est] indispensable pour réaliser des changements durables de réactions problématiques bien ancrées ». Il est donc nécessaire de s’imposer des objectifs quantifiés lorsqu’on veut changer un comportement.

Cependant, dans ce processus de travail sur soi, Van Rillaer nous met en garde contre les échecs qui peuvent nous démotiver dans cette tâche, et propose « de noter systématiquement les échecs et succès, de manière à situer les échecs dans une évolution globalement encourageante, même si celle-ci est en dents de scie. ». Dans cette perspective, un outil permettant d’analyser au mieux ses comportements y est également présenté : il s’agit d’une échelle d’intensité d’affect, en fonction de la problématique en question (peur, douleur, colère, etc.) sur laquelle se positionne la personne dès que la réaction apparaît. Cela permet ainsi de suivre sa progression dans le temps.

Une fois nos comportements analysés, l’étape suivante consiste à agir : à la fois sur nos pensées et sur nos comportements. On peut déplorer le fait que la partie dédiée aux actions à mettre en place ne soit développée que dans les deux derniers chapitres (chap. 8 Parler, penser et agir et chap. 9 la pratique de la gestion de soi), ce qui semble déséquilibré par rapport à la très large partie consacrée à l’histoire de la psychologie et la présentation des différentes théories. Ainsi, l’interprétation d’un événement et par conséquent la réaction que l’on va mettre en place dépendent largement de nos croyances, nos pensées automatiques, etc. L’auteur nous présente quatre types de restructurations cognitives qui peuvent modifier notre façon de réagir : ré-étiqueter (par exemple, si on a tendance à avoir des pensées qui nous dévalorisent : au lieu de se dire qu’on est nul suite à un échec, on remplace cette idée par le fait que nous n’avons pas suffisamment travaillé), relativiser, recadrer (donner une nouvelle perspective pour transformer la situation), réattribuer des causalités (évaluer objectivement les proportions relatives des uns et des autres : par exemple dans une dispute de couple il s’agit de reconnaître, la part de responsabilité de chacun).

Enfin, pour ce qui est de « la gestion de soi », l’auteur souligne l’importance de piloter un « dialogue intérieur », autrement dit de se donner des instructions, notamment lorsqu’on se trouve en présence d’un « stimulus incitant » qui est néfaste pour nous (ex. alcool pour un alcoolique). Mais le contrôle des stimuli sera différent selon la dépendance de la personne : cela peut aller de la neutralisation de ceux-ci (forte dépendance), se rendre difficile leur accès, ou encore mettre en place un « autocontrat » de réduction du nombre de stimuli (ex. pour un fumeur, ne fumer qu’à des endroits ou des moments définis).

Ainsi la psychologie de la vie quotidienne révèle de quelle manière l’homme peut être à l’origine de son propre changement, et passer d’une disposition plutôt passive à une position centrale dans le processus de changement. Et, même si nous pouvons « trouver du bonheur à résister à des impulsions », ces méthodes cognitivo-comportementales demandent de la persévérance, puisque nous sommes irrémédiablement voués à des rechutes. Pour faciliter ce travail sur soi, Van Rillaer encourage les expériences de joie et de bonheur, et parmi celles-ci les activités altruistes : « se rendre utile, apporter du bonheur aux autres, soulager leurs souffrances » qui selon lui représente « peut-être le meilleur moyen de trouver un sens à la vie ».


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6 commentaires

  1. mila le 19 Oct 2009 à 11:47 1

    Un grand merci, enfin quelque chose qui sembles bien concret et susceptible d’être un bel outil pour envisager une façon de s’y prendre avec ce drôle de casse-tête: le travail sur soi. Ouf, vous arrivez alors que je commençais à désespérer. Je vais m’empresser de me procurer cet ouvrage, en attendant, je continue d’exploiter cet article qui donne de vraies pistes de travail. MERCI.

  2. siata le 19 Oct 2009 à 22:31 2

    Bravo et mille merci pour ce résumé clair et motivant grâce aux nombreux exemples. Le côté très « pratique » de cet ouvrage le rend particulièrement intéressant, et à ce titre j’ai hâte de le lire !

  3. KLR le 22 Oct 2009 à 21:07 3

    J’ai pu récemment faire l’expérience de ce que conseille Van Rillaer à propos des expériences de joie et de bonheur, et des activités altruistes : « se rendre utile, apporter du bonheur aux autres, soulager leurs souffrances ».
    C’est en effet cette sorte d’acte qui apporte un état de légèreté intérieure.
    Récemment j’étais angoissée et surtout totalement absorbée par des préoccupations d’ordre professionnelle. J’ai senti que cela créait chez moi un état de lourdeur et de mécontentement, et que je me renfermais un peu sur moi-même : une sorte de poids…
    J’ai donc essayer de transformer mon état en me mettant un peu plus au service d’autrui, et je dois dire qu’à chaque fois qu’au lieu de m’apesantir sur mes préoccupations matérielles, je cherche à agir dans le sens de l’altuisme, mon état s’en trouve changé et je ressens une joie et une légèreté qui est très agréable !

  4. andreu le 23 Oct 2009 à 2:53 4

    Merci beaucoup pour cet article qui décrit avec précision un processus pratique de développement de soi à travers l’introspection et l’étude de son propre comportement. En revanche, il me semble manquer à cet exposé, une dimension essentielle qui est la dimension spirituelle de l’homme. Se transformer, mener sur soi un travail en profondeur nécessitant d’apprendre à contrôler, voir comme le dit l’auteur de résister à des impulsions, nécessite sur la durée une motivation particulièrement puissante. Cette motivation, je ne suis pas sûr que l’on puisse la trouver seulement dans la simple envie, certes légitime, de vivre mieux, d’être en paix avec soi-même et avec les autres, de moins souffrir, etc. Il me semble que pour inscrire une transformation de soi dans la durée, jusqu’au fond de nous même, afin que cela soit comme une deuxième nature, il faut l’inscrire dans une démarche de foi. Dans mon expérience personnelle en tous cas, le peu de résultats que j’ai pu obtenir, notamment la jalousie, l’ont été lorsque j’ai pu justement mener ce travail de polissage de mon comportement en recherchant l’aide divine. À ce propos, je nous renvoie à l’excellent article présent sur ce site sur l’énergie métacausale : http://www.e-ostadelahi.fr/eoe-fr/energie-metacausale/

  5. KLR le 25 Oct 2009 à 12:12 5

    @ andreu. Pour aller dans votre sens, je suis quelquefois agacée de tous ces gens qui écrivent des livres sur la psychologie et la maîtrise de soi avec beaucoup de recettes et d’exemples pratiques, car j’ai le sentiment en les lisant que tout est simple, et qu’il suffit d’appliquer ces méthodes pour transformer ses défauts et « voir la vie en rose »…
    Moi j’ai tellement de mal à me transformer, à me motiver chaque jour, que je me demande comment ils font, je les envie…
    En particulier lorsqu’une épreuve apparaît, je vous rejoins la motivation de « vivre mieux » n’est pas suffisante.

  6. mike le 24 Déc 2009 à 0:45 6

    @KLR et Andreu
    votre réflexion est bonne mais elle ferme la porte à ceux qui n’ont pas la foi et qui peuvent tout de même se transformer progressivement en des gens meilleurs, plus humains…il est bien dit dans d’autres conférences sur le site que l’important est l’effort de mettre en pratique des principes divins justes…cet effort d’écouter sa conscience, de chercher à se connaître c’est le début de la connaissance de Dieu, c’est déjà se mettre sur le même longueur d’onde pour chercher à Le connaître… @ Andreu, le foi est une aide mais elle ne fait pas tout; d’ailleurs si on attendait moins d’elle et que par un effort de volonté on mettait en pratique comme le scientifique se met à la tâche par devoir et des fois même de manière ‘froide’, sans cette chaleur de la foi, on avancerait plus vite et les effets ressentis nous aideraient beaucoup plus à persévérer. @ KLR, chaque minute de la vie est une épreuve, se lever le matin est une épreuve, la personne qui a écrit ce livre a passé aussi bcp d’épreuve..

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