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L’altruisme (3) : Défendre le droit d’autrui

Par , le 10 Jan. 2010, dans la catégorie Pratiques - Imprimer ce document Imprimer
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Un véritable être humain donne toujours à l’intérêt d’autrui la priorité sur son propre intérêt. Il n’adopte pas le comportement habituel qui consiste à rechercher avant tout son propre intérêt, et ne s’intéresser que de manière facultative à l’intérêt d’autrui. (BG, parole 5)

L’altruisme commence par la défense du droit d’autrui ou de son intérêt légitime : s’opposer à une injustice ou un abus, adoucir la peine ou éliminer une source d’inconfort ou de désagrément pour autrui … C’est ce qu’on pourrait appeler l’« esprit chevaleresque », qui est un trait frappant qui ressort des deux expériences d’altruisme examinées dans cet article. Avant même de chercher à « faire du bien », il s’agit donc d’empêcher qu’un mal soit fait.

En cela, ces expériences ont une filiation avec la parabole du bon Samaritain, avec cette particularité : une certaine finesse psychologique, ou intelligence de situation, guide l’attention à l’autre, ce qui est indispensable pour que des situations apparemment insignifiantes de la vie quotidienne deviennent des occasions de pratiquer l’altuisme.

L’attention à l’autre

Un jour, je me trouvai dans la rue pour une affaire urgente lorsque je rencontrai une paysanne, accompagnée d’un enfant, qui cherchait l’adresse d’un médecin. Elle avait l’air très naïve et ne connaissais pas le milieu citadin. J’ai pensé que si je me contentai de lui indiquer le chemin, elle risquait de faire de mauvaises rencontres. Je l’accompagnai donc jusqu’au cabinet du médecin et une fois là-bas, je fis des recommandations pour qu’on veille à ce qu’elle rentre chez elle sans problème. (AH2, parole 18)

Il faut s’imaginer le contexte de cette parole : l’Iran des années 50 ou 60, une jeune paysanne arrive pour la première fois de sa vie dans la grande ville où elle est perdue – et n’a d’autre choix que de recourir aux passants pour trouver son chemin. En l’absence de transports en commun, le chemin à pied jusqu’au cabinet du médecin prend peut-être jusqu’à une heure de marche…

On retrouve dans cette anecdote toutes les caractéristiques principales de l’altruisme identifiées précédemment, notamment :

  • L’abnégation ou le renoncement : le mot peut sembler fort, pourtant, quelle ressource précieuse que notre temps personnel, surtout lorsqu’une affaire urgente nous attend.
  • L’attention à l’autre : il se sent concerné, si bien qu’il va au-delà de la demande de la jeune femme, ne se contentant pas de lui indiquer son chemin.

L’intelligence de situation

A l’époque où j’étais procureur, une valise contenant quelques bijoux avait été oubliée à la gare et remise aux services municipaux. Des petits malins de la mairie ont contacté des employés du tribunal pour trouver un moyen de ne pas déclarer la valise et s’approprier son contenu. Quelqu’un qui avait assisté de loin à la découverte de la valise m’a appelé pour me mettre au courant de l’affaire. Immédiatement, j’ai demandé qu’on m’amène la valise. Comme je ne pouvais faire confiance à personne, j’ai moi-même enregistré un à un les objets contenus dans la valise avant de les mettre sous scellés. C’est seulement alors que je me suis senti tranquille. (AH1, 5e édition, parole 1645)

On retrouve des caractéristiques similaires à l’expérience précédente – l’abnégation dans le temps passé à cette opération, et surtout :

  • La conscience du détail : C’est la volonté d’assumer jusqu’au bout l’acte altruiste, dans l’image de ce travail pénible et méticuleux de mise sous scellé, un par un, des bijoux, travail qui ne fait pas partie de ses attributions de procureur. Il ne se contente pas de donner des instructions à ses collaborateurs, mais prend personnellement à sa charge le travail qu’il ne veut pas prendre le risque de leur confier.
  • L’intelligence de situation concernant le sort des bijoux, s’il n’intervient pas, prend la forme particulière d’une finesse psychologique (concernant les collaborateurs) et d’une conscience des droits et devoirs en jeu. Le simple fait qu’il soit conscient que le droit d’un inconnu est en passe d’être bafoué et qu’il a le pouvoir d’agir, crée pour lui une responsabilité, un devoir – c’est ce qu’exprime le soulagement exprimé à la fin de l’histoire : « je me suis senti tranquille ».

Cette intelligence guide l’attention à l’autre et désigne l’action altruiste opportune qui pourrait être accomplie. C’est l’alliance de l’attention à l’autre, de l’intelligence de situation et de la conscience du détail qui ouvre la possibilité fugace d’une action altruiste éminente à côté de laquelle on aurait sinon eu toutes les chances de passer. L’altruisme ne se limite donc pas à de grandes actions héroïques, mais concerne peut-être en priorité des événements insignifiants du quotidien.

Défendre les droits au quotidien

Ces deux expériences nous amènent à compléter notre schéma de base de l’altruisme avec, en prime, les nuances qui ressortent plus particulièrement de la pratique altruiste d’Ostad Elahi :

Les qualités altruistes (3)

Pour conclure ce nouvel épisode de notre série consacrée à l’altruisme, retenons deux idées clés :

  • Une manière de pratiquer l’altruisme, c’est de défendre le droit d’autrui : Sommes-nous attentifs à ces situations où le droit d’autrui est en situation d’être bafoué et où nous pouvons intervenir ? De quelle ressource disposons-nous alors pour nous motiver à agir ?
  • La pratique de l’altruisme concerne moins des actes héroïques que des petits gestes au quotidien : Il ne s’agit donc pas forcément de coiffer le heaume du chevalier blanc en quête de grandes causes à défendre, mais de repérer ces situations d’injustice dont notre quotidien fourmille – dans notre famille, parmi nos collègues, avec nos voisins… – Pour tenter d’intervenir avec finesse et intelligence.

Dans notre prochain article et les suivants, nous continuons notre réflexion sur l’altruisme, en nous inspirant des paroles d’Ostad Elahi.


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22 commentaires

  1. chapi le 10 Jan 2010 à 22:43 1

    Cette série d’articles est toujours aussi intéressante!!!
    ça motive pour essayer de penser un peu plus à ceux qui nous entourent…
    On se rend compte que l’altruisme peut se pratiquer au quotidien et qu’il n’est pas nécessaire de chercher des personnes dans le besoin à secourir pour être altruiste! Faire attention à ceux qui nous entourent, aller au devant de leurs besoins, c’est déjà de l’altruisme et ce n’est déjà pas si évident que cela à pratiquer!

  2. Bernard Grandadam le 10 Jan 2010 à 23:56 2

    Je trouve cette approche de l’altruisme très originale. En effet, c’est la première fois que je prends conscience que l’altruisme « commence » par la défense du droit d’autrui, à savoir, s’opposer à une injustice ou un abus. Ce qui me parait intéressant dans les exemples cités, c’est que les actions accomplies ne paraissent pas au premier abord des actes héroïques. Néanmoins, leur accomplissement nécessite une forme d’intelligence émotionnelle « aiguisée » qui est de se mettre à la place de l’autre de manière « proactive » pour anticiper à ce que leurs droits ne soit pas lésés.

    J’ai juste une question : est-ce que dans l’acte d’altruiste il est préférable de défendre le droit d’autrui plutôt que de lui rendre des services ?

  3. Esther le 11 Jan 2010 à 21:59 3

    Je remercie très chaleureusement les auteurs de ces articles sur l’altruisme : cela m’encourage à réaliser des actes difficiles, notamment le dépassement de la perception négative de l’autre dans le cas d’expériences où je me suis sentie blessée par autrui. Cela reste un grand effort de continuer à être agréable et disponible pour l’autre (famille, travail) alors que la veille ou un certain jour la relation a été tendue, voire critique (règlement de comptes) !

  4. KLR le 11 Jan 2010 à 23:00 4

    Ce que je trouve très intéressant dans les exemples cités, c’est le fait finalement d’anticiper les situations à venir. Dans les deux cas, l’auteur a envisagé ce qui pouvait arriver s’il n’intervenait pas et ne rendait pas service, c’est-à-dire toutes les conséquences et les droits qui pourraient être bafoués…
    Je dois dire que c’est une vision extrêmement large, c’est le point de vue de la hauteur…
    Ce qui me frappe également c’est que sa vision est en même temps tout à fait réaliste en ce sens qu’il connaît les penchants négatifs des êtres humains, il peut les envisager sans affectation et du coup y faire face avec détachement.

  5. MKN le 12 Jan 2010 à 0:12 5

    Ce qui me frappe, c’est qu’au premier abord ces actes ne paraîssent pas altuistes mais c’est en développant que l’on comprend où ce situe l’altruisme.
    En effet de petits gestes au quotidien, apparamment non altruistes, vus sous un certains angles, sont en réalité hautement porteur d’altruisme.

  6. Sebastien le 13 Jan 2010 à 23:38 6

    @Bernard

    A titre personnel je pense que défendre le droit d’autrui et de lutter contre la racine du mal est plus difficile que de rendre des services. A titre, d’exemple, il est plus difficile de prendre la défense d’un collegue sur qui on médit que de d’apporter un café pour un collègue.

    Mais au delà la leçon que je retire de ces publications sur altruiste c’est qu’il faut dévélopper en nous une attention envers les autres et particulièrement nos proches pour observer et d’anticiper leurs besoins. Cela peut alors se traduire autant en prenant la défense de quelqu’un que de soulager son conjoint par des tâches simples quotidiennes.

  7. Cogitons le 14 Jan 2010 à 23:52 7

    Approche très intéressante.
    « Un véritable être humain donne toujours à l’intérêt d’autrui la priorité sur son propre intérêt »
    J’ai un peu du mal à comprendre cette phrase. Je me demande dans quel contexte elle a été dite, et si la traduction exprime exactement ce que voulait dire l’auteur. Car on est obligé pour simplement vivre en société, où l’on entre nécessairement en compétition avec nos semblables, de faire souvent passer son intérêt avant celui des autres. A moins peut-être d’être un Saint, ce que certains reprochent au modèle du Christ: impossible à atteindre pour le commun des mortels, donc très dangereux à appliquer à la lettre. Bref, cette citation me travaille. Me trompais-je?
    Quant au deuxième exemple, j’y lis surtout un souci viscéral de l’éthique, de faire « ce qui est juste » quoi qu’il en coûte. C’est beau.

  8. claire le 15 Jan 2010 à 23:09 8

    @cogitons

    je comprends différemment cette phrase. Pour moi la question n’est pas de savoir ce qu’on fait en situation de compétition. Mais plutôt de penser un peu plus aux autres, d’être attentif, de tenir compte de leur intérêt dans les décisions que l’on prend. Ne pas se concentrer exclusivement sur soi et son intérêt.

  9. Serena le 17 Jan 2010 à 16:11 9

    @cogitons
    Je comprends aussi cette phrase dans un contexte plus général de la vie de tous les jours et non dans un contexte particulier de situation de compétition.

    En fait, je crois qu’un véritable être humain c’est aussi celui qui sait placer l’intérêt de l’autre avant le sien avec équilibre et sait détecter les situations dans lesquels ce serait nuisible pour lui ou interprété comme le signe d’une faiblesse. Typiquement, dans une situation de compétition, il serait incohérent de laisser le droit de l’autre prévaloir sur le sien. Ce serait du « fatalisme » et contraire au principe de l’intelligence de situation. L’intelligence de situation ce n’est pas seulement détecter le moment où l’autre a besoin d’aide c’est aussi être conscient des potentiels « dangers » à vouloir être trop gentil.

  10. MKN le 17 Jan 2010 à 19:19 10

    Le problème dans ce genre de situation, c’est qu l’on trouve mille prétextes pour mettre notre propre intérêt avant celui des autres. On fait inconsciement une équation qui établit une balance entre mon intêrét et celui d’autrui
    Par exemple si je peux ramener quelqu’un chez lui après une soirée, au prix d’un petit détour, je vais me dire que « c’est dangereux car il peut y avoir du verglas sur la route là où il habite », ou bien « tu as eu une dure journée et tu as vraiement besoin de te reposer sinon tu ne pourras pas faire ton boulot correctement », etc.
    On a tendance, artificielement, à gonfler nos propres intêrets et à minimiser ceux des autres.
    Je pense donc lorsque Ostad Elahi demande de mettre nos intêrets au second plan, il faut d’abord voir objectivement l’intêret de chaque partie de façon impartiale.

  11. MH le 24 Jan 2010 à 12:53 11

    Je rejoins ce que dis Cogitons:
    Il est très difficile de savoir quoi faire, lorsqu’il y a compétition… Je veux dire: dans le milieu du travail, bien entendu! milieu bien différent du cocon de la famille ou de celui des amis!

    Il m’est arrivé d’avoir pour mission de vérifier le travail d’un collaborateur et de reporter toutes ses fautes… pour pouvoir le virer! C’était une personne qui faisait mal son travail, mais je connaissais sa situation familiale, et elle n’était pas facile…
    Mais j’étais obligée de rempir cette mission, car le fait que ce collaborateur ne faisait pas son travail retombait sur le mien: j’étais obligée de le refaire… Je n’en pouvais plus de fatigue et de stress!

    D’autant plus que mon supérieur s’ingéniait à diviser pour mieux régner!
    Je me suis retrouvée coincée entre les deux! mon chef et cette personne, qui s’est mise à me détester, bien évidemmment…

    On ne rencontre ce genre de situation que dans cette jungle du boulot, et ceux qui ne le connaissent pas, ne savent pas leur chance!
    Je parle de mon exemple, mais je sais que d’autres salariés se retrouvent tous dans une situation où il est parfois impossible de savoir où est son droit et celui de l’autre!
    🙁

  12. MKN le 24 Jan 2010 à 16:10 12

    MH, j’ai eu, à plusieurs reprises, à faire avec des collègues paresseux, incompétants voire dangereux pour les autres. Au départ, je ne faisais rien et je restais passif. Les conditions de travail faisaient en sorte que ces gens, le temps passant, se mettaient du monde à dos et partaient d’eux-mêmes en raison des conflits engendrés.
    J’ai « su » avec le temps, que les collègues qui font mal le travail pour divers raisons, ont peut-être besoin d’aide au départ. Il faut les épauler en leur disant amicalement ce qui ne va pas et les conséquences de leur négligeance. Si malgré tous nos efforts et tous les avertissements, ils restent négligeants, il n’y a aucun mal à les remercier. Mais dans un premier temps il faut essayer de leur donner leur chance. Tout cela demande un effort colossal, et personnellement je pense que l’altruisme se situe à ce niveau là.

  13. Cogitons le 24 Jan 2010 à 18:16 13

    En ce qui concerne la vie en entreprise, il semble qu’à partir du moment où l’on travaille pour une entreprise, qu’elle nous rémunère pour ce travail, il faut servir “l’intérêt de l’entreprise” et “ne pas rechercher avant tout son propre intérêt, et ne s’intéresser que de manière facultative à l’intérêt de” l’entreprise (pour reprendre la citation en exergue de l’article).
    Par conséquent, il faut essayer de faire soi même du bon boulot, et ne pas avoir l’esprit de “profiteur” qui nous pousse à chercher comment être le mieux rémunéré tout en travaillant le moins possible. On le sait tous, l’entreprise est un extraordinaire lieu de travail sur soi. La salle de sport de l’esprit. Le Pilates de l’âme. Jalousies, rivalités, droits, devoirs, émotions contre raison, tentation de la paresse, voire, de l’infidélité, de la méchanceté, de la revanche, tout y est!
    D’ailleurs, avant même de parler d’altruisme, il y a déjà beaucoup de travail pour… faire son travail, et être quelqu’un de droit, tout simplement. Mais même dans ce contexte, je pense que la phrase d’Ostad Elahi qui est mise ici en exergue, va au delà de ce que voulait dire son auteur. Il y manque, à mon avis, le contexte, voire, l’élaboration. Bref, je me méfie des « grandes phrases ». A mon humble avis, il ne faut pas « toujours » donner à autrui la priorité sur son propre intérêt. C’est assez évident. Peut-être l’objet d’un futur article (à moins qu’il en existe déjà un).

  14. MH le 27 Jan 2010 à 14:57 14

    @ MKN & Cogitons
    Hum… le milieu du travail, en effet, est un ‘excellent laboratoire’, pour schématiser et positiver… Mais justement si difficile à s’y retrouver!!! Si complexe!

    Bien sûr, on tâche de ne pas incriminer d’emblée un collègue qui ne travaille pas; on cherche à savoir pourquoi et tenter de l’aider au départ…
    Mais lorsque ce n’est pas possible, que ce collègue se révèle être un bluffeur, qui met tout son talent non pour travailler mais pour seulement le faire croire…, ce serait au bénéfice de l’entreprise, et donc du sien, de le signaler!
    Mais lorsque c’est plus subtil, que le supérieur hiérarchique ‘en ajoute du sien’ pour compliquer les choses en étant injuste, on ne sait plus toujours où est sa place, la place ‘juste’ et altruiste!

    « Donner la priorité à autrui sur son propre intérêt »? Comme dit Cogitons, je ne suis pas si sûre que ça doive fonctionner ainsi dans cette jungle… et que lorsqu’on tâche de gagner la vie de sa famille!!

    Que de stress, de soucis quotidiens qui nous minent…

  15. Fréderic Perrault le 28 Jan 2010 à 1:13 15

    Suite aux remarques formulées, voici une traduction (personnelle) de la suite de la citation d’Ostad Elahi mentionnée en exergue, et qui a posé question (BG, 5) :

    « Un véritable être humain donne toujours à l’intérêt d’autrui la priorité sur son propre intérêt. Il n’adopte pas le comportement habituel qui consiste à rechercher avant tout son propre intérêt, et ne s’intéresser que de manière facultative à l’intérêt d’autrui.

    Considérez une action qui ne nuise à personne, et qui bénéficie ne serait-ce qu’à une seule personne : ne vous y opposez en aucun cas, n’empêchez pas que du bien soit fait. Un véritable être humain doit faire le bien autant qu’il le peut. Et même si, en retour de ce bien [qu’il a fait], il reçoit du mal, il doit persévérer, car dans tous les cas c’est dans son intérêt et il en récoltera les fruits. »

    Je ne pense pas que le cas évoqué dans l’échange ci-dessus (se laisser piétiner au boulot en donnant la priorité aux intérêts des autres) soit le sujet. Il me semble que l’enjeu de cette citation, c’est surtout d’éviter de nuire à autrui, plus ou moins consciemment, parce qu’on est à la recherche de son seul intérêt à soi.

    Par ailleurs, « faire du bien autant qu’on le peut, même si en retour on reçoit du mal » ne peut pas être compris comme « se laisser faire » en toutes circonstances notamment dans un contexte professionnel. Il me semble que c’est plutôt l’idée que parfois, un acte altruiste nous coûte « en retour » (par exemple, l’ingratitude ou le jugement des autres) mais que cela ne devrait pas nous décourager.

  16. Cogitons le 28 Jan 2010 à 14:06 16

    @Fréderic Perrault
    Merci beaucoup pour cette traduction, qui éclaire, me semble-t-il, la phrase en question. Pour être tout à fait complet, il faudrait probablement y ajouter le contexte de la formulation de l’extrait entier.
    Encore une fois, la raison de mon insistance, est qu’on garde facilement à l’esprit telle ou telle phrase, parfois pour en faire une devise. Moi j’aime beaucoup les slogans, et celui-ci semblait parfait… Sauf qu’hors-explication et contexte, il est faux, et sans doute contraire à l’intention de son auteur.
    Dans le contexte, cette phrase me semble être un appel à l’altruisme, dans le sens de « penser à l’autre », et sortir un peu de notre égoïsme naturel. Plutôt que de « toujours donner à l’intérêt d’autrui la priorité sur son propre intérêt », je le prend comme « se mettre à la place de l’autre », « considérer ce qu’il exprime », lui « donner de l’importance », et pour y parvenir, il faut obligatoirement combattre l’égocentrisme, le « je » avant tout autre.
    Dans la deuxième portion, je lis « ne pas nuire à autrui », ne pas chercher à se venger, ne pas faire de l’obstruction, et agir de manière contructive « par principe ».
    Et je peux vous dire que pour des raisons de situation professionnelle, tout ceci est tout à fait pratique et pertinent pour moi. Comment réagir aux coups-bas, aux animosités, aux jalousies, comment ne pas y participer, et comment combattre son propre orgueil et sa propre arrogance, sans pour autant apparaître faible… Tout un programme.

  17. MH le 28 Jan 2010 à 14:35 17

    Merci pour ce commentaire, Frédéric Perrault…
    Mon commentaire a débordé vers le problème du DROIT et n’est pas resté centré sur celui de l’altruisme… Mais: tout est lié!
    Le fait de ne pas se laisser piétiner, de défendre son droit: avoir un choix à faire entre le droit d’autrui et le sien…
    Le fait d’avoir à dénoncer quelqu’un pose un gros problème de conscience… il m’a été très difficile et culpabilisant d’avoir eu à le faire… j’étais toujours en train de me demander si j’agissais de manière juste… et si mon intention était (la) bonne!

  18. Bernard Grandadam le 28 Fév 2010 à 0:14 18

    Bonsoir

    Il y a quelques mois j’avais posté un commentaire avec une question ? est-ce que dans l’acte d’altruiste il est plus facile de défendre le droit d’autrui plutôt que de lui rendre des services ?

    J’ai eu la réponse il y a quelques semaines, lorsque j’ai eu l’occasion au sein de mon travail de tenter de prendre la défense d’un collège qui était injustement critiqué par d’autres collèges. En pensant, à cette leçon j’ai alors tenté de le défendre. J’ai tellement été maladroit dans mes arguments de défense que non seulement ça n’a convaincu personne mais en plus je me suis ridiculisé ! Cette situation s’est répétée à plusieurs reprises avec à chaque fois les mêmes conclusions :
    1. Il est plus difficile pour moi de défendre le droit de mes collèges que par exemple leur rendre un service comme offrir un café.
    2. La défense d’un collège demande une forme d’intelligence de situation voire l’acquisition de nouvelles compétences !. Il faut analyser le contexte objectivement : qui est la personne critiquée, qui sont ceux qui la critique, dans quel contexte. De cette analyse du contexte il faut déduire une stratégie de défense et l’argumentation associée. Le plus difficile c’est que tout ce travail doit se faire dès fois en 1 à 2 seconde dans le feu de l’action et sans se laisser submerger par ses émotions !

    C’est pourquoi, en pratique, il est très difficile de défendre le droit d’autrui, car cela nécessite de développer beaucoup de qualités, l’intelligence émotionnelle, l’intelligence de situation, l’intelligence et subtilité dans l’argumentation ; pour preuve il y a des gens qui en font leur métiers : les avocats !

  19. mike le 15 Mar 2010 à 1:27 19

    « Il n’adopte pas le comportement habituel qui consiste à rechercher avant tout son propre intérêt, et ne s’intéresser que de manière facultative à l’intérêt d’autrui »
    – d’une part, naturellement l’homme tend à chercher son intérêt avant celui des autres : ceci n’est pas grave tend qu’il n’empiète pas sur le droit des autres : c’est déjà tout un programme! pouvoir vivre en communauté, se développer ‘matériellement’ sans léser le droit de l’autre : ex : un médecin peut devenir une sommité, une référence dans un domaine par son travail et son mérite mais il n’est pas obligé pour cela de critiquer le confrère à la moindre occasion pour y arriver! Et si en plus de tout cela il aide cet autre collègue à se développer en lui enseignant son savoir point par point, les pièges à éviter, alors il passe au niveau supérieur de l’altruisme
    – d’autre part : la notion de sincérité est également présente : l’autre ne doit pas être facultatif même dans l’intention de l’aider, ne pas lui faire croire que l’on s’intéresse à lui pour se donner bonne conscience, celui qui aime Dieu, reconnait en l’autre la présence divine et y porte un vrai intérêt et pas seulement pour son travail de perfectionnement de soi… (c’est peut-être très idéaliste et beaucoup de blabla…) mais je me rend souvent compte qu’en essayant de pratiquer certains principes éthiques, j’inclus l’autre dans un programme pour satisfaire à cette pratique et une fois achevé l’autre redevient facultatif et l’a peut-être toujours été, c’est mon programme qui primait!

  20. Arno le 07 Sep 2010 à 20:25 20

    En faisant l’analyse de mes expériences de pratique de l’altruisme, et après relecture de l’excellente trilogie d’articles sur le sujet, j’en ai tiré quelques conclusions (personnelles bien entendu) :

    – être altruiste, c’est agir dans l’intérêt d’autrui, ce qui me parait être une idée plus générale que celle de « défendre le droit d’autrui » qui s’applique plutôt à des cas particuliers, le droit d’autrui n’étant pas nécessairement bafoué dans toutes les occasions qui s’offrent à nous de pratiquer l’altruisme. Quand à l’extrait de parole « donner toujours à l’intérêt d’autrui la priorité sur son propre intérêt », je le comprends dans le sens où un acte altruisme nous coute en général quelque chose, comme l’a précisé l’auteur dans un de ses commentaires : si je fais le choix de configurer le boitier TNT de ma voisine âgée de 85 ans et que je sais que je vais y passer une heure pour lui expliquer le fonctionnement, cela va me couter en dépense d’énergie mentale, et je vais le prendre sur mon temps personnel. Quand je cherche à défendre une personne que l’on critique (cf. exemple de B. Grandadam), je passe du temps à réfléchir à la stratégie de défense, je prends le risque d’écorner ma propre image, etc. tout cela me coute ! Maintenant de là à en conclure qu’un acte altruiste doit nécessairement nous couter en retour…

    – autre constat : agir dans l’intérêt d’autrui, ce n’est pas chercher à lui plaire ou aller dans son sens, du moins pas toujours. Expérience personnelle : des collègues souhaitent passer un examen professionnel mais n’ont aucune envie de faire l’effort de le préparer. Cela faisait quelques années qu’ils se portaient candidat, mais ils le rataient à chaque passage. Je leur ai alors proposé de les « former », en partageant avec eux la méthode que j’avais moi-même utilisée pour y parvenir. Au départ, le programme de travail ne leur plaisait pas du tout, certains ne venaient pas aux rendez-vous que l’on s’était fixé durant la pause déjeuner. Il a alors fallu les motiver, les encourager, les persuader qu’ils étaient capables de réaliser ce travail. Souvent il a fallu être ferme, employer des mots un peu durs – mais pas trop quand même ! – au risque de les heurter, de les dégouter, mais toujours dans le but de les inciter à travailler pour qu’ils réussissent. Cela nécessitait de faire preuve de finesse car il ne fallait pas que je leur donne l’impression de leur forcer la main, que j’agissais dans un intérêt personnel dont la finalité leur aurait échappé. C’est dans ce contexte que le « bon Samaritain » n’a absolument plus rien à voir avec la bonne poire ou le naïf, mais serait plutôt une personne qui cherche à agir fermement dans l’intérêt d’autrui, tout en sachant (ou plutôt en essayant de) faire preuve de finesse et de calcul le cas échéant.

    – ainsi, agir dans l’intérêt d’autrui, mais sans nécessairement chercher à lui plaire, c’est souvent prendre le risque qu’il ne le comprenne pas de la même manière, ou ne remarque pas d’emblée notre intention bienveillante et ‘‘désintéressée’’. Cela peut effectivement paraître étrange d’avoir en face de soi une personne qui insiste pour que nous réussissions un examen professionnel, surtout de nos jours, dans notre société occidentale très individualiste. Dans la première expérience d’Ostad Elahi, on retrouve aussi cette idée : si la paysanne avait été un peu moins naïve, elle aurait pu réagir négativement à l’idée qu’un homme l’accompagne ainsi jusqu’au cabinet du médecin. Elle aurait pu penser que cet homme souhaitait en réalité l’emmener ailleurs, dans un endroit qui lui aurait été préjudiciable, voire fatal, etc., et finalement refuser sa compagnie. J’ai constaté que lorsque je persévérais à agir dans l’intérêt d’autrui, me venaient souvent à l’esprit des pensées du genre : « mais que va-t-il (l’autre) finir par penser ? », « ça fait bizarre une personne qui insiste comme cela… », « je risque de gâcher ma relation… », etc. Ces pensées ont souvent tendance à démotiver et donner un coup d’arrêt à notre élan altruiste. On pourrait penser qu’elles sont à ranger dans la catégorie des pensées négatives mais en réalité elles ont une utilité : elles permettent de remettre en question notre stratégie d’agir dans l’intérêt d’autrui et d’affiner cette stratégie afin d’éviter justement de gâcher l’acte altruiste en donnant l’impression de forcer la main aux autres ou d’agir dans un intérêt douteux.

  21. radegonde le 05 Fév 2012 à 17:32 21

    il faut penser à « perdre son temps » pour les autres.. pourtant nous courrons toute la journée après le temps…Cela parait en opposition avec notre civilisation de gens pressés…
    Pourquoi faire un détour pour montrer son chemin à un parfait inconnu alors que je vais rater mon bus ???? et pourtant.. il arrive que l’on ne rate même pas le bus en aidant son prochain !!

  22. Yannick le 26 Août 2014 à 15:16 22

    D’après les écritures Toltèques… Dont le 4 ème accord toltèque. Il faut toujours faire de son mieux. Même si le mieux parfois c’est de dormir.

    Mais le mieux rend toujours meilleur, la perfection n’existe pas, mais on peut toujours devenir meilleur.

    Et ce dans tous les aspects de la vie, ainsi que l’altruisme. Pour un monde meilleur.

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