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Une stratégie du pardon

Par , le 31 Jan. 2009, dans la catégorie Articles - Imprimer ce document Imprimer - English version
coeur rouge brisé

Les récits de la vie de Jésus-Christ ont nimbé les dimanches matins de mon enfance d’une touche miraculeuse, mais qui restait irréelle. Après avoir coupé les ponts, bien plus tard, aux prises avec les pressions intérieures et les agressions extérieures, certains textes sacrés ont ressurgi dans ma mémoire, et c’est alors que j’ai réalisé leur portée spirituelle, toujours opérante, plus que jamais actuelle. Prenons par exemple, en ce qui concerne le pardon, cette parole bouleversante du Christ crucifié, s’adressant à Dieu : « Pardonnez-leur Seigneur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Bouleversante, cette parole l’est à plusieurs égards : meurtri, bafoué, vilipendé et finalement mis en croix, Jésus agonise et pourtant pas la moindre trace de colère ni de ressentiment, le comble de la compassion : l’impact émotionnel est énorme et force la vénération. Elle bouleverse aussi l’ordre établi – la loi du talion au nom de laquelle en riposte à la pulsion de l’agresseur est autorisée la pulsion du vengeur – en instaurant une justice différente, révolutionnaire, fondée sur une rationalité intériorisée, éclairée. En effet, comment raisonnablement en vouloir à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il fait ? La foule, moutonnière comme toute foule, qui suivait Jésus dans son calvaire et le harcelait de quolibets, savait-elle ce qu’elle faisait ? Ceux-là même qui avaient organisé ce sordide guet-apens dans le but de se débarrasser d’un homme dangereux pour l’establishment, au-delà de leur calcul utilitaire, savaient-ils ce qu’ils faisaient ? Non, bien sûr, l’enseignement du Christ était bien trop novateur, bien au-delà du cercle étroit de leur savoir et de leur expérience : ils ne savaient pas. Comment peut-on en vouloir à quelqu’un qui ne sait pas ?

Mais, allez-vous me dire, en quoi cela nous concerne-t-il et comment cette parole peut-elle être opérante en nous ? Je réponds que nous pouvons la rendre opérationnelle.

Reprenons la raison invoquée : ils ne savent pas ce qu’ils font. Dans la vie quotidienne, tous les désagréments ressentis comme des offenses infligées par l’autre sont soit voulus, voire prémédités, soit involontaires.

Occupons-nous d’abord du désagrément causé involontairement, le plus évident. Une personne m’irrite, me vexe ou me blesse par ses paroles ou son comportement, mais elle ne le fait pas exprès. Je peux penser qu’elle est maladroite, irréfléchie, trop impulsive etc. Mais pas réellement responsable en ce sens qu’elle n’a pas voulu me faire du mal. En réalité elle ne savait pas ce qu’elle faisait et il est raisonnable, dans un tel cas de figure, de dissocier l’agent (non responsable bien qu’il en ait été la cause) de la souffrance subie et d’analyser celle-ci, car se sentir agressé par une parole ou un comportement révèle à coup sûr l’existence en nous-même d’une zone obscure non élucidée ou d’un point faible non résolu. En l’occurence donc, c’est le soi-disant offensé qui fait problème, et non l’offenseur présumé.

Considérons maintenant le cas du désagrément infligé de manière consciente, spontanément ou avec préméditation. Que faire devant quelqu’un qui manifestement vous veut du mal ? Surtout ne pas s’appesantir sur le ressenti, mais plutôt chercher à comprendre. Éclairer une situation aide beaucoup à l’accepter. L’analyse de la situation peut me faire prendre conscience que je suis peut-être partiellement responsable – directement ou indirectement – du comportement vindicatif de cette personne à mon égard, auquel cas je n’ai qu’à me dire que j’ai ce que je mérite et essayer le cas échéant, d’arranger les choses ; mais il est plus efficace encore de se dire que celui qui agit sous la pulsion de sentiments négatifs envers autrui souffre et se nuit à lui-même, qu’il met en danger sa santé spirituelle et s’engage dans un engrenage redoutable dont il ne se rend pas compte. C’est, je pense, à cette ignorance-là que le Christ faisait allusion.

Toutes proportions gardées et à notre niveau d’être humain lambda, réagir en situation lorsque quelqu’un vous témoigne de l’animosité en se disant « il ne se rend pas compte de ce qu’il est en train de faire » a un effet radical. Je l’ai expérimenté ; non seulement on n’en veut plus aux gens, mais quelque chose en soi se met à croître : la fleur de la compassion.


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18 commentaires

  1. Marco le 01 Fév 2009 à 16:36 1

    Je comprends l’esprit de cette parole et sa portée spirituelle mais elle me paraît bien difficile à mettre en oeuvre. Il ne faudrait pas non plus que face à une situation inacceptable sur le plan de l’éthique le « il ne se rend pas compte de ce qu’il est en train de faire » induise une passivité et un nivellement des valeurs.

  2. BOLO le 02 Fév 2009 à 3:18 2

    @Marco

    Le pardon n’a rien avoir avec la justice. Pardonner , c’est , à mon sens, se mettre en position d’éviter une réaction de vengeance, qui serait à terme soit disproportionnée, soit nuisible à moi-même en fin de compte.
    Mais cela n’enlève en rien le devoir de justice, qui doit être rendu, si l’éthique ou le droit est bafoué.
    Jesus savait ne plus pouvoir attendre de justice terrestre possible quand il a dit ça.
    De même , il est des situations quotidiennes , où l’énergie déployée pour faire entendre sa raison ou juste pour ne pas s’énerver contre une injustice, est supérieure à celle à produire pour pardonner à son agresseur.Surtout, si , en fin de compte, on pense avoir assez d’arguments pour faire reconnaître à son ennemi ses erreurs .( il ne sait pas ce qu’il fait)

  3. Marco le 02 Fév 2009 à 23:49 3

    Certes, le pardon est un « acte de grâce » « libre » et « gratuit » qui n’appartient qu’à l’offensé et dont le champ d’application n’est pas celui de la justice apparente.
    Néanmoins, il me semble que le pardon, pour peu qu’il soit véritablement sincère, est un acte profondément juste (juste pour l’offensée et juste pour l’offenseur).
    Il me semble que cette sincérité ne peut s’acquérir qu’après un long travail intérieur, d’exploration et de compréhension de la situation à pardonner (comme le dit DAC)
    Tout ça pour dire que le pardon est un acte « lourd » qu’on ne peut pas décider simplement, comme ça, en se disant « il ne se rend pas compte de ce qu’il est en train de faire »…donc je le pardonne.
    Il me semble que le pardon n’a de l’impact sur soi-même et sur autrui que s’il est débarrassé de tout ressentiment et que s’il entre en cohérence avec une forme d’équité.

  4. Cogitons le 03 Fév 2009 à 13:29 4

    Je prends cette “parole du Christ » comme un point de réflexion. Sa véracité historique étant une toute autre affaire, car que savons nous vraiment du Christ et de ce qu’il aurait murmuré sur la croix (si croix il y a eu). J’insiste là dessus, ayant moi-même commis des erreurs dans ma jeunesse (comme des millions d’hommes et de femmes à travers l’histoire) par une application puérile de certaines paroles, auxquelles je n’avais, au bout du compte, rien compris, et qui de plus, je m’en suis aperçu bien plus tard, n’avaient probablement jamais été prononcées par le Christ, ou nous étaient arrivées déformées par des années de tradition orale (les évangiles datant de plus de 70 ans après le Christ, imaginez un peu), de mauvaises traductions, d’erreur de copie (hé oui, avant Gutenberg, tous les textes étaient recopiés à la main pendant des siècles – résultat: des milliers de « bibles » contenant des différences majeures) et d’altérations. (Ouf! c’était la phrase la plus longue de l’année).
    « Pardonnez-leurs, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Hé oui, il faut dire que les manuels d’éducation spirituelle laissent plus qu’à désirer (je me suis déjà trop étendu là dessus). Donc, pardonnez nous, on ne sait vraiment pas ce qu’on fait!
    Cela ne fait que renforcer, d’ailleurs, l’intérêt d’une réflexion rationnelle sur ces paroles et sur le concept de « pardon ».
    L’une des réflexions d’Ostad Elahi, apparemment anodine, mais à laquelle je pense souvent, est lorsqu’il dit (grosso modo – corrigez moi s’il vous plait) qu’il ne s’est jamais laissé “affecter” par les évènements de sa vie. Cette équanimité est, me semble-t-il, une des clés de la question du pardon.
    Mon interprétation, dans ce contexte, est la suivante: tant que l’on est prisonnier de nos émotions, de nos colères, de nos déceptions, de nos jalousies, de nos ressentiments, etc, il est extrêmement difficile d’une part, de juger correctement des situations, et d’autre part, d’être capable du détachement sans lequel il est pratiquement impossible de pardonner vraiment. « Ne pas se laisser affecter », cela ne veut pas dire devenir insensible, comme un automate, mais ne pas laisser nos émotions prendre le dessus. Les ressentir, mais les observer à mesure qu’on les ressent, les prendre comme un phénomène qui nous arrive, mais qui n’est pas « nous ». Savoir en rire, aussi: comment une aussi petite chose peut-elle provoquer en moi une telle tempête, au point d’obscurcir tout le reste?! C’est à se rouler par terre d’absurdité! Si l’on arrive à prendre un peu de recul, et à ne pas prendre tellement au sérieux nos bourrasques émotionnelles, on se sent moins souvent offensé et on a donc moins souvent à devoir pardonner. Et puis, les bourasques changent de nature, et deviennent moins fréquentes.
    (Mais peut-être est-ce l’âge… Je crois être plus sage, je suis juste plus vieux.)
    Bien entendu, plus l’offense envers nous est grande, plus l’équanimité est difficile à maintenir, et le pardon à accorder vraiment. N’est pas Ostad Elahi qui veut 🙂

  5. DAC le 04 Fév 2009 à 14:41 5

    Marco, Bolo : « Jesus savait ne plus pouvoir attendre de justice terrestre » Jésus, me semble-t-il, n’attendait rien de la justice humaine, qui ne le concernait pas : il avait une mission à accomplir, ce qu’il fit.
    Bolo, vous avez raison lorsque vous dites que pardon et justice n’ont rien à voir. Vous parlez aussi de « devoir de justice ». C’est juste mais cela ne nous concerne pas : il y a pour cela les tribunaux ou la justice divine ; je ne me risquerais pas à rendre justice, que ce soit pour moi ou pour les autres. En revanche je considère que, pour chacun d’entre nous, le pardon est bien notre affaire, mais également la défense de nos droits, avec cette différence que le pardon est un travail intérieur (Marco : je parle du pardon sincère, qui exclut donc tout ressentiment) et la défense des droits une démarche extérieure, il est donc possible de conjuguer les deux. Pour traiter ces problèmes d’ordre privé entre offenseur et offensé il me semble que plus que la notion de justice, c’est celle de justesse qu’il faut faire intervenir : raisonner juste et agir en conséquence, chaque cas exigeant un traitement spécifique. [Pour de plus amples explications voir les commentaires de l’article sur « Difficultés et vertus du pardon » oct/nov/déc. 2008].

  6. DAC le 05 Fév 2009 à 17:33 6

    Cogitons : qu’importe que Jésus ait existé ou non, qu’il ait été crucifié ou non ; qu’importe que les textes des évangiles aient été tronqués, falsifiés ou simplement transcrits de manière erronée : le sublime est ailleurs.
    Il est dans l’impact du Verbe. Il y a comme ça dans la Bible certains dits – qu’importe qui les a formulés, où et quand – qui bouleversent l’âme et ne peuvent avoir été conçus et proférés que par un esprit d’une grande élévation. Le « pardonne-leur Seigneur car ils ne savent pas ce qu’ils font » en fait partie.
    Devant une attitude intérieure aussi innovante, je vois trois réactions possibles. Le scepticisme ou l’indifférence : tout ça c’est du blabla, on n’y croit pas, on a mieux à faire … (tant mieux s’ils savent ce qu’ils font) ; une grande estime et de l’admiration : nous sommes transportés mais ce n’est pas pour nous … (dommage ! Ils manquent d’ambition). Et puis il y a ceux que cette parole galvanise, qui y décryptent une manière féconde de se comporter, un défi à relever … (peut-être ne savent-ils pas dans quoi ils se lancent, mais ce qu’ils savent, c’est que ça vaut la peine d’essayer !).

  7. MH le 07 Fév 2009 à 22:13 7

    Quelle belle parole que celle du Christ sur la Croix! Elle m’avait déjà marquée étant petite, tant cette compréhension de l’autre est « parfaite »…
    J’ai tenté de l’appliquer moi-même lorsque j’ai eu des voisins qui me gênaient beaucoup… Impossible de leur faire entendre raison… J’ai donc conclu qu’ils étaient « ignorants de ce qu’ils faisaient »! Et depuis que je leur ai pardonné, ils me gênent beaucoup moins!
    Je me souviens aussi d’une anecdote: je prenais le train dans la journée et en entrant dans le wagon, j’aperçois un jeune garçon (15/16 ans tout au plus) avec ses pieds sur la banquette d’en face. Sans vraiment réfléchir aux conséquences, je lui dis assez bas, exactement comme j’aurais dit à mon fils « Ne mets pas tes pieds sur la banquette! Des gens vont s’asseoir et ça sera tout sale! » Aussitôt, le jeune a retiré ses pieds: j’ai compris à ce moment-là qu’on ne lui avait tout simplement jamais dit! Education défaillante… Il est vrai aussi que je ne l’ai pas humilié devant les autres: personne n’a dû faire attention!
    Et comment expliquez-vous que les hommes ont pollué la planète pendant des siècles (!) sans s’en soucier, sans savoir ce qu’ils faisaient? A présent les choses sont différentes: on a pris conscience de cette pollution, et on peut difficilement ignorer la protection de l’environnement!
    Sauf qu’il y a encore des gens sales qui jettent des papiers ou des mégots de cigarette sur la voie publique ou le bord de la route : c’est un manque d’éducation !
    Conclusion : si on n’est pas éduqué, on ne peut pas prendre conscience de ce qu’on fait, on est ignorant…
    on est donc pardonnable?

  8. MKN le 08 Fév 2009 à 13:48 8

    « Pardonnez-leur Seigneur, car ils ne savent pas ce qu’ils font »
    Peut-être que Jésus l’a dit mais il n’avait ni sentiment de vengeance ni d’orgueil ni d’animosité. Il était pur. Cette parole me semble plus adaptée aux personnes pures qu’à moi simple mortel. D’ailleurs qui suis-je pour demander au « Seigneur » de pardonner qui que ce soit.
    Mettez-vous un instant dans une situation où vous pensez profondément cette phrase. Dans une situation de choc émotionnel « d’injustice », cette phrase ouvrira la porte pour que l’orgueil puisse rentrer et dire : « calme toi, ce n’est pas grave, ils ne savent pas ce qu’ils font … tu es au dessus de tout ça » et après plusieurs minutes de dire : « ces pauvres gens, ils ont encore du chemin à parcourir pour comprendre ». Il est toujours plus facile de pardonner lorsque l’on est en position de force (qui peut être une position mentale)
    Je rejoins donc entièrement la réfléxion de Cogitons. Il le fait très bien remarquer : dans la pensée d’Ostad Elahi, il faut travailler sur ses faiblesses et non rechercher la faiblesse des autres.

  9. Black Cat le 08 Fév 2009 à 14:05 9

    Bonjour,

    Si la personne qui nous offense et empiète sur nos droits est ignorante de ce qu’elle fait, faut-il lui pardonner?

    parce que sinon c’est un peu la porte ouverte pour se laisser marcher sur les pieds et dans ce cas là ce n’est pas « juste »!

  10. DAC le 08 Fév 2009 à 20:58 10

    MKN, J’avoue que l’interprétation que vous donnez de « ils ne savent pas ce qu’ils font » ne m’était pas venue à l’esprit ; il est improbable que ceux qui se remémorent cette phrase du Christ alors même qu’ils sont confrontés à un affront, réagissent de cette manière. Essayez, vous verrez. Aux prises avec la déroute intérieure que suscite le « choc émotionnel d’injustice » dont vous parlez, je ne suis guère en position de me sentir « supérieure », je dirais plutôt que je me trouve en position de faiblesse puisque se déclenchent en moi des manifestations psychologiques et psychosomatiques que je ne maîtrise pas. La meilleure chose que je puisse faire, c’est d’exonérer l’autre par principe, l’expérience m’ayant appris que le ressenti d’injustice n’a en général rien à voir avec la réalité et qu’en fait c’est en moi que je trouverai la raison de ce qui m’arrive. Or pour arriver à exonérer l’autre et ne pas se sentir offensé, rien de plus efficace que cette parole du Christ « ils ne savent pas ce qu’ils font », à laquelle on peut ajouter : qu’est-ce qui se passe, pourquoi cette agression ? Pourquoi cette réaction en moi ? Alors automatiquement une distance intérieure s’installe, l’offense devient objet de réflexion et les battements du coeur s’apaisent.

  11. Gin le 09 Fév 2009 à 10:22 11

    Je suis d’accord avec DAC et COGITONS.

    Pour moi, Dieu est partout, il est la vie. Dieu est aussi en moi. Enfant, cette phrase « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » me laissait assez frustrée. Elle me mettait même en colère. Je la trouvais injuste. Comment ? En plus d’être blessée, je dois, moi, demander le pardon ? J’efface tout alors ? On est quitte ? … maintenant je me pardonne de ma colère car je ne savais pas moi meme ce que je faisais en pensant ainsi LOL. Avec l’âge, j’ai appris à interpréter (avec tout ce que cela comporte comme erreur de ma part) ces paroles. Il a fallu bien-sûr que je passe par un cheminement personnel. Un travail personnel qui m’aurait été facilité si, par exemple, j’avais trouvé ce site plus tôt. C’est la psychanalyse qui m’a permis pour ma part d’avancer. J’ai dû un moment donné lâcher ma religion qui était devenue incompréhensible, injuste pour moi. En me cherchant, en cherchant à m’améliorer j’ai rencontré la psychologie. Aujourd’hui j’arrive à concilier les deux. Psy et religion. La psychologie m’a permis de comprendre ma religion. Mais j’aurais pu comprendre ma religion si l’on m’avait montré comment la comprendre, comment me questionner, comment me remettre en cause. Et c’est un prètre et une soeur qui m’ont montré le chemin. Sans eux je n’aurais pas fait la démarche de vouloir me comprendre, de vouloir trouver Dieu, connaitre Dieu. A l’époque j’étais jeune et ne comprenait pas ce qu’ils voulaient me dire. Chez moi, on ne se pose pas de question. C’est comme ça et puis c’est tout. Chaque phrase, chaque mot est pris au premier degré et ne se discute pas. On applique même si on ne comprend pas le sens des mots. On l’applique parce que « cela nous échappe à nous humains ». Et c’est vrai que vu comme ça, une religion sans discussion, sans remise en cause ne peut que nous échapper. A l’époque, j’essayer d’appliquer ce que l’on me disait d’appliquer et je demandais à Dieu de me pardonner pour toutes les fautes que j’avais faites. Sans savoir quelle faute, sans comprendre en quoI cela était des fautes et donc sans savoir comment réparer, me réparer pour ne plus les faire. Je tournais en rond et n’avançait pas d’un poil. Je me mettais en colère contre la religion, contre ce Dieu que je ne comprenais pas, qui n’attendait de moi que je l’implore , qui bien qu’il disait ne pas me juger, me juger moi et les hommes car il appliquait des punitions.

    Aujourd’hui donc je peux comprendre cette phrase (celle dont il est question ici ..sur le pardon). Enfin du moins je lui ai trouvé une interprétation qui me parle, qui résonne en moi, qui raisonne en moi. Je demande à Dieu qui est en moi, qui est en esprit avec moi, de pardonner. Je me demande à moi-même de pardonner. Je me prie de pardonner. Je me demande de me montrer le chemin du pardon. Mon propre pardon qui va passer (pour moi) par la compréhension de la situation. Il me faut d’abord comprendre l’autre. Je découvre alors ce qui a fait que cette personne ait été amenée à se conduire de telle façon. Bien souvent je découvre l’ignorance. L’ignorance de l’autre. Tout le monde ne sait pas tout. Tout le monde ne se remet pas en question. Tout le monde ne réflechit par à ses actes. Je découvre aussi mon ignorance car à chaque fois c’est une remise en cause pour moi. Chaque blessure, permet de me comprendre. Une fois que je me comprends, que je comprends l’autre, la blessure guérit par miracle (façon de parler car elle guérit parce que je l’ai comprise et cela m’apparait magique car aussitôt compris, aussitôt envolée). Et à chaque fois que je rencontrerai la même situation, il n’y aura plus blessure. Pardonner me soulage d’une souffrance, d’un poids. Allège mon esprit, vide mon esprit et me permet de passer à autre chose. Pardonner ainsi me fait du bien. Le non pardon me fait souffrir, me fait du mal.

    Le pardon accordé est en fait, toujours pour moi, un pardon que je me fais. Un pardon libérateur qui me permet d’avancer, de dépasser les maux, les blessures que j’ai pu avoir. Un pardon qui me permet de ne plus en vouloir à la personne, de ne plus avoir mal à cause d’elle. Elle ne peut plus atteindre mon esprit. Cela ne lui enlève pas toutes responsabilités de ses actes. L’autre personne doit aussi avancer et règler ses propres problèmes. Elle doit prendre conscience. Mon pardon n’empêche en aucun cas, la justice humaine de se faire. La justice humaine (logiquement) va pouvoir faire prendre conscience à cette personne en quoi elle a mal agi, en quoi elle n’a pas respecté autrui, en quoi elle lui a fait mal et comment réparer. La justice humaine (normalement) va pouvoir faire entendre ma voix auprès de cette personne. Je vais pouvoir lui expliquer ma propre vérité, ma propre vision de la situation. La personne va pouvoir (si elle me comprends) ressentir ma souffrance. Va pouvoir être en empathie avec moi, et prendre conscience de ce que j’ai pu ressentir, de ce que son comportement à eu comme conséquences sur moi.

    Au passage, je viens de réaliser autre chose lol. Souvent je me suis dit  » pourquoi perdre des mois ou des années avant de juger (selon la loi humaine) quelqu’un ? je pensais plutôt à un encombrement des tribunaux qui faisaient que les affaires « importantes » étaient jugées en retard…mais je me demande si ce n’est pas pour plus de justice… le temps que chaque partie puisse prendre du recul. Un recul nécessaire pour pouvoir se remettre en cause, comprendre et analyser ce qui s’est passé. La victime pourrait comprendre et pardonner. Le « bourreau » pourrait aussi se comprendre, comprendre la victime et réparer. Une prise de conscience du « bourreau » qui lui permettrait de passer d’un « je ne sais pas  » à « maintenant je sais » et je reconnais mes erreurs , en demande le pardon (à la victime mais aussi à lui meme) et j’accepte de réparer. Quand on comprends , quand on se pardonne , on peut réparer et « s’acquitter » de la victime, de la société pour pouvoir « repartir à zéro ». Un rachat de nos fautes. Une nouvelle naissance. Une erreur que l’on ne recommencera pas (enfin normalement).

    Pardonner , selon mon interprétation, me permet de me libérer de l’autre. De ne plus avoir de lien avec lui…et s’il reste un lien c’est celui de la compassion car je sais qu’il a un dur chemin à accomplir encore.

    Voilà comment je comprends « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

  12. DAC le 14 Fév 2009 à 22:33 12

    Gin : merci de votre contribution, qui contient des idées qui m’intéressent particulièrement. Tout d’abord , fondée sur le principe premier que Dieu est partout, cette intuition que Dieu est donc en moi, que c’est avec Lui en moi que je dialogue lorsque je me remets en question ou que j’essaie d’évaluer ma part de responsabilité quand je me trouve en situation « d’offensé(e) ». Bien sûr, il est difficile d’authentifier « scientifiquement » ce caractère divin en chaque être humain, et pourtant il est des évidences qui s’imposent à notre entendement avec une telle force qu’il serait déraisonnable de les ignorer ; cela fait partie de ces données immédiates de la conscience qui, bien qu’elles ne soient perceptibles ni par nos sens physiques ni par nos instruments les plus perfectionnés, n’en sont pas moins réelles et agissantes en nous, et de la façon dont nous traiterons ces données, la direction spirituelle de notre vie dépend.
    Je connais bien ce monde dont vous parlez, ce monde où « chaque phrase, chaque mot est pris au premier degré et ne se discute pas. On applique même si on ne comprend pas le sens des mots. On l’applique parce que « cela nous échappe à nous humains ». La tyrannie de « l’amour du prochain » et l’emprise désastreuse du sentiment de culpabilité chez les chrétiens (je me souviens que dans mon enfance, dans le confessionnal, je m’inventais des péchés parce que dans ma vie de pensionnaire chez les religieuses, je n’en trouvais pas et j’avais honte de n’avoir rien à déclarer…) ; le « ceci est mal, cela est bien », sans explication aucune, de toutes les religions devenues des entreprises trop humaines, sans compter toutes les idées reçues, qui dérivent souvent de notions religieuses valables à certaines époques mais qui se délitent avec le temps et perdent tout contenu – tout cela a fait qu’un beau jour, au sortir d’une messe dominicale, je me suis dit « non, c’est terminé, je n’adhère plus » et j’ai cessé d’être pratiquante, et même pour quelque temps, d’être croyante.
    Gin, vous écrivez « Le pardon accordé est en fait, toujours pour moi, un pardon que je me fais. Un pardon libérateur qui me permet d’avancer, de dépasser les maux, les blessures que j’ai pu avoir. Un pardon qui me permet de ne plus en vouloir à la personne, de ne plus avoir mal à cause d’elle » : je trouve très juste et très réelle cette analyse du pardon et de ses effets. Elle est tout à fait dans la ligne du dialogue entre soi et soi. Il me semble en effet, que c’est toujours pour soi que l’on travaille sur soi. Or le pardon est un énorme travail sur soi. Rien à faire, que l’on fasse du bien ou du mal aux autres, c’est toujours à soi qu’on le fait d’abord et ensuite ; j’ai aussi remarqué que l’acte positif envers les autres booste le positif en soi, donne accès à une connaissance positive de soi, issue de l’expérience ; tandis que l’acte négatif contre les autres obscurcit notre conscience éclairée, la paralyse par sa négativité. Qu’est-ce que vous en pensez ?
    Pour ce qui est de la justice des tribunaux, laissons-les faire leur travail. Je doute que le retard dans le traitement des affaires soit dû à la volonté d’arbitrer avec plus de recul … De toute façon, leur tâche est de rendre la justice ; ils doivent rétablir les droits des uns et des autres et non faire preuve de compassion. Justice et compassion sont des notions antinomiques, du moins quand il s’agit de la justice des hommes. En revanche l’individu – dans la mesure où il ne lèse personne – est libre d’agir dans une optique compassionnelle, il me semble qu’il en ressortira grandi … non ?

  13. MH le 15 Mar 2009 à 15:14 13

    Bravo à Gin et à Dac pour ces commentaires qui m’ont ouvert l’esprit…
    Mon problème a toujours été de « faire face à mes émotions »! Si j’arrive à prendre du recul, je ne suis plus « dans l’émotion » et ma raison peut agir, enfin.
    J’y travaille depuis des années… et je n’arrive toujours pas à NE PAS AVOIR D’ÉMOTIONS!
    Ce qui me désolait… jusqu’à ce que je comprenne (il y a peu!) qu’en fait en tant qu’être humain, je NE PEUX PAS ne pas avoir d’émotions!
    Le principal est d’arriver à les maîtriser le plus rapidement possible pour que ma raison puisse dominer ces émotions et me laisse enfin réfléchir.
    C’est alors que je pourrais tenter de comprendre l’autre… et lui pardonner.

  14. Ms le 01 Juin 2011 à 20:40 14

    Pour rebondir sur la notion de « pardon », j’aimerai faire partagé une maxime des « 100 Maximes de Guidance » d’Ostâd Elahi: « Quelle noblesse d’âme il y a à pardonner à celui à qui l’on a fait du bien et qui nous l’a rendu en mal ! »

    Je dois dire que pardonner ou même demander pardonner n’est pas facile pour moi. Dans les deux cas, je trouve que mon égo est atteint: dans le premier cas, on m’a fait du mal donc j’éprouve des difficultés à passer à autre chose et, dans le second cas, je trouve qu’il faut pas mal de courage pour aller vers une personne dans l’optique de lui demander pardon et, là encore, mon égo en prend un coup !

    En somme, dans ces situations, je manque d’un concentré d’humilité ce qui, je trouve, peut être très dangereux de manière générale, quelle que soit la situation envisagée… A mon avis, cette parole est intéressante pour répondre à ce frein que peut constituer l’égo dans le processus du pardon (encore une fois, que ce soit le fait de pardonner ou de demander pardon…).

    Au final, on se rend compte que c’est tout le contraire, ce qu’on a tendance à oublier bien souvent 🙂

  15. radegonde le 14 Août 2011 à 15:35 15

    une amie, mère d’un adolescent vient de me confier qu’elle avait fait 11 H de garde à vue avec son mari , sur la plainte de son fils qui avait des bleus sur le corps suite à une forte crise de nerf.. et que l’école était intervenue auprès des autorités!!!

    Cet adolescent devenait difficile sur le plan psychologique et la maman avait demandé de l’aide auprès des services sociaux, qui l’ont ignoré….

    Je me demandai si je serais capable de pardonner à mon enfant une telle « experience » qui a aussi mis en péril le couple de cette dame!!! si mon affection pour lui ne serait pas anéantie ???

  16. Cogitons le 15 Août 2011 à 0:04 16

    Dur, dur. Mais il peut être utile, une fois la colère et les émotions redescendues d’un cran, de prendre en compte le fait que les adolescents ont les lobes frontaux du cerveau « mal connectés », pas finis. Quant on sait que les lobes frontaux sont essentiels à la formation du « bon sens », au raisonnement et à la faculté de planifier, on sait aussi que les ados sont nécessairement mentalement déficients. Débiles par design, donc pas totalement responsables. Evidemment, y’en a (j’en vois un chaque jour dans mon miroir) chez qui ça dure au delà de la trentaine (le cerveau termine cette « croissance » entre 25 et 30 ans).
    Là, c’est un autre problème.

  17. Cogitons le 15 Août 2011 à 0:37 17

    Assez fascinant d’ailleurs, quant on y pense, compte tenu de l’espérance de vie des hommes au cours de leur bien courte histoire (30 ans dans le meilleur des cas jusqu’au 20è siècle), de se dire que la terre a été longtemps peuplée essentiellement de déficients mentaux. D’où probablement les guerres incessantes et autres croisades, généralement menées par des hommes-enfants incapables de réfléchir et de prendre la pleine mesure de leurs actes. Ajouté à cela le manque absolu (sauf rares exceptions) de culture et de nourritures intellectuelles, et l’humanité a fonctionné, pourrait-on dire, comme un robot pas fini doté d’un logiciel simplet. Ce que diront sans doute de nous nos descendants bioniques, hommes-machines…

  18. KLR le 17 Août 2011 à 14:59 18

    A propos de demander pardon, il m’est arrivé une expérience il y a quelques années:
    Un collègue me propose de faire une interview sur mon parcours pour le journal d’une petite association artistique qui rassemble environ 300 personnes.
    L’interview est enregistrée, et au passage, je cite en négatif l’exemple de l’un de mes confrères et mentionne son nom.
    Une fois l’interview tapée, le collègue me l’envoie pour la corriger. Je ne percute pas sur le fait que le nom de la personne figure dans l’interview, étant d’ailleurs persuadée que cette personne ne lit pas ce journal.

    Bien sûr mon intention n’était pas « jojo », je me mettais en avant et au passage égratignait cette personne qui ne m’avait rien demandé ! Je dirai même que je l’avais rayé des listes, que je la considérais comme insignifiante puisque je subodorais qu’elle ne suivait pas les activités de cette association.

    L’interview paraît dans le petit journal, certains me disent déjà que j’y suis allée un peu fort… Et je commence à prendre conscience de mon erreur.
    Quelques temps après, ce confrère écrit un droit de réponse dans le même journal, et je comprends alors à quel point je l’ai blessé et lui ai fait du tort.
    J’étais très embêtée, j’avais agit avec négligence et légèreté mais n’avait pas imaginer ni souhaiter les conséquences réelles de cet acte. Je sentais un gros poids…
    Souhaitant vraiment rattraper mon erreur, et me faire pardonner, j’ai demandé l’adresse de cette personne et lui ai écrit une lettre d’excuse en mettant en avant mon immaturité et mes regrets.

    A ma grande surprise, cette personne m’a répondu une lettre d’une grande maturité dans laquelle il remettait même en cause son droit de réponse, et j’ai senti comme un grand apaisement dans le coeur : son pardon.

    j’ai pensé après coup à cette phrase que j’avais lue : »Quand, par exemple, on fait injustement et intentionnellement du mal à quelqu’un, on contracte auprès de cette personne une dette. Cette dette ne sera pas effacée tant que la personne lésée ne nous aura pas elle-même pardonné. »

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