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Ostad Elahi, un destin accompli

Par , le 2 Mar. 2008, dans la catégorie Ressources , Ressources - Magazines - Imprimer ce document Imprimer
Ostad Elahi à son bureau

Nouvelles clés, printemps 1996, « Ostad Elahi, un destin accompli ».

En 1995, en commémoration du centenaire de la naissance d’Ostad Elahi, un symposium sur le thème « la spiritualité : pluralité et unité » a réuni en Sorbonne plus d’une trentaine de spécialistes en sciences, religion, droit et sciences humaines. Le magasine Nouvelles clés, dans un article intitulé « Ostad Elahi, un destin accompli », a publié un compte rendu détaillé des différentes tables rondes qui se sont tenues entre le 7 et le 10 septembre.

« Tout être porte en lui ce désir incoercible de rejoindre son origine primordiale. » Ces quelques mots d’Ostad Elahi prononcés lors de la cérémonie d’ouverture donnent le ton de cette rencontre interdisciplinaire hors du commun. Plusieurs tables rondes ont en effet planchés pendant quatre jours sur le thème du rapport entre la religion, la science, et l’art avec le spirituel. Des conférenciers prestigieux tels qu’André Chouraqui parlant de « l’unité des religions », Jean During (2) ou James Morris (3) qui ont présentés respectivement la musique et la pensée d’Ostad Elahi, ont conféré à cette manifestation une saveur toute particulière. Deux axes forts, autour desquels un consensus semble avoir été atteint, se dégagent des principales conclusions des débats. En premier lieu : la réalité d’un authentique « besoin » spirituel chez l’homme. Un besoin universel, irrésistible, incontournable, voire inné. Athée, croyant, pratiquant ou non, peu importe, tout individu sera tôt ou tard animé par le désir puissant de retourner à la Source. C’est bien là le constat primordial, celui sur lequel, au sein de ce symposium, tout le monde s’accorde, la première pierre du grand édifice de l’unité. Scientifiques, artistes, poètes, juristes, homme d’affaires, religieux reconnaissent en l’homme cette intime nostalgie de la terre perdue et la nécessité pour lui d’un retour futur. Deuxième axe fort, dégagé notamment autour de la table ronde « la science et le spirituel » : tout se passe en effet comme si la création s’articulait autour d’un ordre et d’un but préétabli.

La science et le spirituel

C’est cette même notion d’ordre et d’harmonie omniprésents dans l’univers, reconnus par les plus grands savants de notre temps, qui amène le scientifique Jean Dorst (4) à dire haut et fort : « Du chaos n’a pas pu sortir un ordre quelconque. Il y a incontestablement une puissance supérieure qui a réglé, dirigé un certain nombre d’opérations que nous pouvons analyser dans nos laboratoires. La constitution du monde des vivants ne peut donc se concevoir que par un dessein, un arrangement téléologique. » Et Jean Kovalevsky (5) d’ajouter : « Un scientifique est un croyant qui s’ignore. » Cette quête de sens de la part des scientifiques, croyants ou non, montre bien que le mystère du « pourquoi » reste entier. Echaudée par certaines « déviations » de la science, la communauté scientifique semble aujourd’hui moins catégorique dans son rejet d’une dimension transcendantale, voire même divine de l’univers. Cette réserve permet à certains hommes de science de réclamer maintenant le retour d’un « dialogue entre les différents domaines de la connaissance, entre les différentes religions. entre science et religion », comme le souligne Basarab Nicolescu (6), un dialogue qui mènerait à « une espèce de Yalta de la connaissance. » Et ce ne serait pas un fait nouveau car jusqu’au XIIIe siècle, rappelle Michel Cazenave (7) la science et le spirituel n’étaient guère dissociés. Le très grand Isaac Newton avait répondu à l’un de ses détracteurs sur la question de l’origine de la force de gravitation : « À l’évidence, c’est Dieu »… Cette amorce de réconciliation laisse présager une convergence de ces deux domaines d’investigation. Pour Pierre Karli (8), « nos expériences subjectives sont tout à fait objectives, je ne vois aucune raison sérieuse de nier la réalité de nos expériences subjectives. » Si pour les intervenants il n’y a pas encore de science dans le spirituel, il se pourrait donc bien qu’il y ait alors du spirituel dans la science. Il cite plus loin Ostad Elahi dont la pensée rejoint celle des scientifiques sur la notion de l’expérience en tant que nécessité première : « Un savant qui met sa voie en pratique peut être comparé à un homme qui parcourt un trajet en avion. Le pratiquant sans connaissance est comme l’homme qui voudrait parcourir le même trajet à dos d’âne. Mais il est pire d’être savant sans pratique, que pratiquant sans connaissance. » Les scientifiques s’accordent ainsi pour dire que science et spirituel apparaissent désormais comme complémentaires et nécessaires à notre éthique de vie. Au rythme où vont les choses, la science ne s’approprierait-elle pas à l’avenir ce champs d’investigation formidable qu’est le spirituel ? Jean-Paul Guetny (9) se pose en effet la question : « Il y a un espèce de no man’s land que la religion abandonne et que la science n’a pas investi, et beaucoup parient que ce no man’s land sera demain le no man’s land de la spiritualité. »

La religion et le spirituel

Que pensent les représentants des quatre religions (judaïsme, christianisme, islam et bouddhisme) de la table ronde « la religion et le spirituel » ? Monseigneur Lorenzo Frana (10) souligne que « toutes les religions ont en commun la spiritualité du lien homme-dieu. » C’est donc dans les entrailles des religions que se situe encore le spirituel. Ce spirituel, c’est l’esprit qui ne saurait être « confisqué par personne » selon Armand Abecassis (11), est un, et chacun y converge comme vers le sommet d’une pyramide. Il pose néanmoins la question de savoir si toutefois l’être humain peut être sauvé « sans croire en Jésus, en Moïse ou en Mahomet. » À cela, répond Ali Amir-Moezzi (12), « ne peut-on penser àl’existence d’un spiritualité libre ? Une spiritualité qui aurait ses racines dans les religions existantes, mais en même temps qui parlerait le langage de l’homme moderne avec ses tensions, ses déchirements, ses violences ? » Selon lui, « la spiritualité reste peut-être la seule issue de survie de l’humanité », d’où la nécessité de savoir « quelle spiritualité peut exister pour la jeunesse à qui les religions ne parlent plus et qui ne se reconnaît plus dans le langage religieux. » Voilà où se situerait probablement le fameux no man’s land de Jean-Paul Guetny : ce besoin d’un spirituel adapté au temps et au lieu. Marc-Alain Descamps (13), quant à lui, se réfère aux paroles d’Ostad Elahi sur la relation entre spirituel et religion : « Tant que l’on n’a pas atteint l’étape de l’unicité, dans laquelle la pensée ne se disperse plus, on a besoin de rituels religieux ; celui qui a atteint l’étape de l’unicité et qui voit Dieu lorsqu’il regarde en lui, celui-là est anéanti en Dieu et il n’a plus besoin de la discipline élémentaire des rites religieux. » Peut-on alors dire que l’homme d’aujourd’hui, au-delà de cette discipline élémentaire des rites religieux, serait justement en quête d’unité ou d’unicité autour du spirituel ? Les Américains qui, grâce aux sondages d’opinion, l’ont bien compris, ont déjà établi leur nouveau credo, les trois « S » : Soul, Sacred, Spiritual, des mots aujourd’hui très à la mode. En France, la tendance, plus discrète, se veut aussi plus sélective, plus exigeante. car le besoin spirituel est, comme le souligue Jean-Paul Guetny, « biface ; on y trouve le meilleur et le pire », notamment le spiritual business.

Les pièges du spirituel

Le danger du spirituel vient souvent du fait que « la soif spirituelle mène la plupart du temps à la recherche d’un maître à penser », remarque Jacqueline Kelen (14). Marc-Alain Descamps reconnaît en effet la nécessité d’un vrai guide, terme qu’il préfère à « maître » :   En haute montagne vous êtes capables d’aller à mille cinq cents mètres, mais avec un bon guide vous pouvez aller jusqu’à trois mille mètres. C’est exactement la même chose dans la vie spirituelle. » Mais prudence, car comme le disait il y a déjà fort longtemps un grand lama tibétain : « Un maître authentique est plus rare que l’or, les charlatans sont plus nombreux que des fourmis dans un nid. » D’où la nécessité de pouvoir faire la distinction entre les bons et les faux maîtres. Pour Marc-Alain Descamps : « Le danger dans le domaine du spirituel est le manque de discernement. Quand on apprend que quelqu’un a douze Rolls-Royce en argent, comment peut-on devenir un disciple ? » Bernard Bourgeois (15) évoque plutôt comme critères « les exigences de la rationalité, du discours, de l’exotérisme, de la manifestation et l’action. »

Trois principes clés

Mais selon le professeur Babram Elahi, « l’unique façon de lutter contre la spiritualité dévoyée n’est pas de faire la chasse aux sorcières mais plutôt de faire connaître à tous les hommes les règles et les lois de la spiritualité “naturelle” qui constituent des repères sûrs. » Ces repères, quels sont-ils ? Selon Ostad Elahi l’homme peut se baser sur trois principes clés : le premier est l’application des « principes fondamentaux originels de l’éthique et de la religion tout en menant une vie normale dans la société et avec la société, car pour avancer dans la science spirituelle il faut affronter des épreuves et la source réelle des épreuves est la société. » Deuxième principe : subvenir soi-même à ses besoins, fonder une famille, avoir un comportement exemplaire dans la société, venir en aide aux autres. Enfin troisième principe : « Créer un équilibre entre notre âme, notre corps, notre vie spirituelle et notre vie matérielle », en respectant les droits de notre « moi total », c’est-à-dire de l’ensemble formé par notre moi physique et notre moi métaphysique. » La règle d’Or étant d’avoir « constamment le Créateur présent à l’esprit » comme notre meilleur point de repère ce qui nous procure « une énergie positive, motivante et mobilisatrice. »

L’art et le spirituel

Tout se passe dans l’âme, le coeur et le cerveau ne sont que des instruments, ils sont pour ainsi dire les lieux de « manifestation de ces phénomènes. » Cette citation d’Ostad Elahi reprise par Alain Valade pour introduire le spirituel dans l’art, fait mouche. Dominique Ponnau enfin conclut en citant les propos de Paracelse tirés de l’Evangile d’un médecin errant : « Ce qui est attendu de toi, ce qui est vraiment en toi, cela naîtra en temps voulu de toi. Tu ne sauras pas comment ni d’où cela vient, ni où cela tend, mais en fin de parcours, tu trouveras ce que tu n’as pas appris, ni su. Tu verras le fruit. »

S. M.

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1. Traducteur, poète, écrivain.

2. Ethnographie, Directeur de recherche au CNRS.

3. Professeur d’histoire des religions à Oberlin University (États-Unis).

4. Zoologiste, membre de l’ Académie des Sciences.

5. Astronome, membre de l’Académie des Sciences.

6. Physicien Théoricien, CNRS.

7. Directeur des programmes à France Culture, modérateur.

8. Neurophysiologiste, Membre des Sciences, Professeur émérite à la Faculté de Strasbourg.

9. Directeur de la Revue « Actualité Religieuse ».

10. Observateur pennanent du Saint-Siège à l’UNESCO.

11. Spécialiste de la mystique juive. Université de Bordeaux.

12. Spécialiste de la mystique musulmane, École Pratique des Hautes Études

13. Psychologue, président de l’Association de Psychologie Transpersonnelle.

14. Producteur à France Culture, écrivain, modératrice.

15. Professeur de philosophie, Université de Paris I Sorbonne.


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