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Vérité scientifique et vérité spirituelle : dichotomie ou unité ?

Par , le 24 Avr. 2009, dans la catégorie Lectures - Imprimer ce document Imprimer
Notre existence a-t-elle un sens ?

Notre existence a-t-elle un sens ? Une enquête scientifique et philosophique, Jean Staune, Editions Presses de la Renaissance, 2008

Y aurait-t-il une séparation entre la vision scientifique du réel et l’approche spirituelle de la vérité ? Pour ma part, il me semble que non. Car qu’est-ce que la science ? La recherche des lois de la causalité qui régissent l’univers. Et pour un croyant ou un spiritualiste ? L’univers matériel visible par nos sens est une des parties de l’univers divin. La différence avec les matérialistes purs réside dans la conviction que la réalité ne se limite pas à la seule réalité physique apparente. Le croyant n’a aucun doute quant à l’existence objective d’une dimension spirituelle, d’un « autre monde ». Or un monde, visible ou invisible, ne peut qu’être régi par une forme de causalité, instituée, pour le croyant, par une Transcendance, une Intelligence divine, créatrice. Il ne peut donc y avoir de séparation, ni de contradiction, entre les lois divines et les lois établies par la science.

Mais de quelle science est-il question ? La science d’aujourd’hui n’est plus la science du XIXe siècle, ni dans ses concepts, ni dans sa vision de la « réalité ». Jean Staune nous rappelle ainsi que très peu de gens, notamment parmi les intellectuels et les penseurs, se tiennent réellement informés des avancées conceptuelles de la science et, surtout, de leurs implications philosophiques. Il faut savoir qu’une découverte scientifique ne se diffuse dans une société et ne devient connue et admise qu’après des dizaines d’années. De même que le concept d’« inconscient », découvert par Freud à la fin du XIXe siècle, a mis plus de soixante ans pour pénétrer les esprits, les concepts inventés par la physique et les sciences de l’univers mettent autant -voire plus- de temps à être assimilés par la société. C’est pour cette raison qu’ils sont en rupture par rapport à une vision naïve et primitive de la réalité. À cet égard, nous vivons et réfléchissons avec les schémas de la fin du XIXe siècle. Combien d’entre nous ont connaissance de ce que sont, même dans leurs formes vulgarisées, la Relativité d’Einstein ou la physique quantique ? Et surtout, quelles sont leurs implications sur notre perception du monde et sur notre relation au spirituel ? La philosophie marxiste s’est développée sur le postulat, admis à la fin du XIXe, que l’univers est infini et éternel. Engels en avait déduit que Dieu n’existe pas. Or, depuis les années 1960, l’ensemble de la communauté scientifique a admis la théorie du « Big Bang » (apparue dès 1925) décrivant un univers ayant un début. Il nous faudrait donc bien accepter de remettre en question notre vision du monde imprégnée de pensée matérialiste.

Je me demandais quand existerait un ouvrage où je puisse trouver une synthèse accessible de l’ensemble des découvertes scientifiques et de leurs implications philosophiques. Je l’ai trouvé. Il s’agit d’un livre qui fait une magnifique synthèse, tout à fait compréhensible pour le non-spécialiste (que je suis), des concepts fondamentaux de la physique, de l’astrophysique, des mathématiques, de la biologie et de l’évolution. Le principal intérêt de l’ouvrage de Jean Staune, réside dans le fait qu’après avoir expliqué les découvertes scientifiques les plus pertinentes de façon compréhensible, il donne la parole à des scientifiques de renom appartenant aux différentes écoles de pensée philosophiques, et fournit une analyse terriblement rigoureuse des implications métaphysiques de notre connaissance du réel.

Son grand mérite est de s’en tenir strictement à la vision rationnelle du savant. Ainsi, grâce à cette actualisation de notre connaissance de l’état des sciences, notre vision du monde peut enfin sortir du rationalisme étroit du scientisme du XIXe siècle et oser s’avancer dans le XXIe siècle ! En effet, il est très important de comprendre que nous avons changé de « paradigme ».

Concept essentiel que l’auteur définit comme : « la vision du monde d’une société à une époque donnée ». Vision qui se substitue progressivement à une nouvelle, en passant par une « révolution ». Ainsi « une bataille se déroule […], qui peut durer de quelques années à près d’un siècle – et qui est parfois violente – entre les tenants de l’ancien et du nouveau paradigme. Puis le nouveau paradigme s’impose et sert de fondement à une nouvelle science qui deviendra à son tour classique. »

Mais qui est Jean Staune ? Diplômé en paléontologie, mathématiques, informatique, gestion, sciences politiques et économiques, il est le fondateur et secrétaire général de l’Université interdisciplinaire de Paris et enseigne la philosophie des sciences dans le MBA du groupe HEC. Ici, il offre au lecteur deux garanties sur sa méthode de travail : d’une part, les faits dont il est question dans son ouvrage ont été « tous reconnus au plan scientifique » et d’autre part, les interprétations des faits qui sont données ont été « toutes partagées par au moins un scientifique de renom ».

Somme de vingt années de travail, cet ouvrage couvre l’ensemble des disciplines scientifiques dont les découvertes ont une pertinence métaphysique forte. Autant de chapitres comme « Qu’est-ce que le réel ? », dans lequel il aborde les conséquences étonnantes de la physique quantique, « D’où venons-nous, où allons-nous ? » éclairé par l’astrophysique, « Sommes-nous ici par hasard ? » où il s’intéresse aux mécanismes de l’évolution. Il étudie également les sciences du cerveau et de la conscience. Enfin, un dernier chapitre étonnant sur les mathématiques où il pose la question : « Les mathématiques sont-elles une simple construction de l’esprit humain ou existe-t-il un monde des mathématiques (…) avec lequel l’esprit humain a un lien privilégié ? »

Cet ouvrage tente donc de renouveler les réponses à la grande question : « Notre existence et celle de l’Univers ont-elles un sens, ou sommes-nous là par un pur hasard ? ». Et cela, non pas par un cogito en chambre, c’est-à-dire une réflexion philosophique coupée du réel, mais par la déduction logique tirée de faits scientifiques.

Pour l’auteur il devient crucial de dire que « cette vision qui imprègne, en Occident, toute notre culture, nos médias, notre éducation n’est pas celle qui correspond à nos connaissances les plus récentes sur le réel. (…) Donc les questions traitées ici n’ont pas qu’un intérêt philosophique ou métaphysique, mais sont fondamentales, parce que ce sont des questions de civilisation. » Il nous demande alors : « Prêt pour le grand voyage à travers le réel, à la recherche de lumières sur la question du sens de notre existence ? »

Oui ? Alors ne laissez pas passer l’occasion d’être émerveillé !


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6 commentaires

  1. Agathe le 26 Avr 2009 à 13:53 1

    Je découvre cet ouvrage et vraiment je suis étonnée… Très surprise par le « courage » de ce scientifique qui parle aussi simplement de métaphysique. C’est très agréable de découvrir avec quel naturel ces deux mondes peuvent se rejoindre. Sans tabou… Vraiment, je cours l’acheter. Merci de nous l’avoir fait découvrir.

  2. cogitons le 27 Avr 2009 à 15:03 2

    Permettez-moi quelques commentaires:
    – D’une part, le titre du livre pose problème: il répond d’emblée à une question philosophique tout en prétendant poser une question d’ordre scientifique. L’auteur semble en effet partir du principe que « l’existence ne peut avoir un sens que dans le cadre d’une explication spiritualiste » (sous-entendu, notre existence ne peut avoir de sens que si l’univers en a un – qu’il y a un « Dieu »). Ce principe est subjectif et contestable. Il est d’ailleurs intéressant de constater que pour de nombreux croyants, la vie n’a de sens que parce qu’il « y a un Dieu », alors que pour d’autres (croyants et non-croyants), la vie a un sens en elle-même et le fait qu’il y ait ou pas un « Dieu » ne change rien à l’affaire. Il s’agit donc de perspectives non pas scientifiques, mais très subjectives et personnelles. Donc, le titre du livre me gêne, mais peut-être est-ce la faute de l’éditeur (les éditeurs imposent souvent des titres « vendeurs » à leurs auteurs).
    – Vous écrivez: « La différence avec les matérialistes purs réside dans la conviction que la réalité ne se limite pas à la seule réalité physique apparente. » Non. La plupart des scientifiques sont des matérialistes ultra-purs, et ils savent pertinemment que nous ne percevons qu’une infime partie de la réalité matérielle. Car, par exemple, qui a vu un de manière directe atome? Personne.
    – Vous écrivez: « Le croyant n’a aucun doute quant à l’existence objective d’une dimension spirituelle, d’un « autre monde » Aucun doute? Autre monde? Je connais des croyants qui doutent et d’autres qui ne croient pas du tout en un « autre monde ». « Avoir la foi » et « n’avoir aucun doute », ce n’est pas du tout la même chose.
    – « Il ne peut donc y avoir de séparation, ni de contradiction, entre les lois divines et les lois établies par la science. » La science n’établit pas de lois (quoiqu’il y ait débat là-dessus dans les cercles philosophiques et scientifiques). Elle les découvre, et souvent, elle s’aperçoit qu’une loi, comme un train, peut en cacher une autre, et elle change de lois. Maintenant, s’il y a un Dieu qui a établi les lois ultimes, l’approche scientifique devrait effectivement permettre de s’en approcher.
    – « Il faut savoir qu’une découverte scientifique ne se diffuse dans une société et ne devient connue et admise qu’après des dizaines d’années. » Je pense, et j’en fais un peu l’expérience, qu’Internet permet d’accélérer considérablement ce processus. Le problème n’est plus du tout l’accès à la connaissance, mais la curiosité des personnes. Ceci-dit, il existe des scientifiques tout aussi dogmatiques que certains croyants, et les paradigmes en science ne changent pas du jour en lendemain.
    – « depuis les années 1960, l’ensemble de la communauté scientifique a admis la théorie du « Big Bang » (apparue dès 1925) décrivant un univers ayant un début. » Le « Big Bang » ne nous dit pas grand chose sur Dieu, l’éternité, Engels ou Marx, puisqu’il peut y avoir une infinité de Big Bangs comme autant de bulles de savon dans un océan éternel, et qu’il est donc possible qu’il y ait une infinité d’univers passés, présents et à venir (quoique ces termes ne veuillent pas dire grand-chose dans ce contexte). Bref, tout est possible, et le « Big Bang » ne donne pas plus raison au pape qu’à Marx ou Engels.
    – Le « Sommes-nous ici par hasard ? » où il s’intéresse aux mécanismes de l’évolution m’inquiète un peu, une fois de plus, quant à l’objectivité de l’ouvrage d’un point de vue purement scientifique. Le débat est féroce et pour l’instant, à ma connaissance, ce que nous savons de l’évolution n’incite pas à la métaphysique.

    Bref, cet ouvrage est peut-être très bien, mais attention à ne pas lire des choses qui ne font que confirmer ce que l’on croit. Ou alors, faisons le tout en étant conscient du processus.
    Tout ceci dit amicalement.

  3. why le 27 Avr 2009 à 18:55 3

    J’accepte »le grand voyage ». Je vais acheter le livre et je reviendrai avec des questions, forcément.

  4. MH le 02 Mai 2009 à 13:54 4

    @ Cogitons
    C’est bizarre que ce titre vous gêne?
    Lorsque j’ai lu votre commentaire, cela m’a « interpellée »… et j’ai tenté de prendre du recul et réfléchir le plus objectivement possible (!), laisser passé du temps…
    Et là, je reviens pour vous dire que je ne vois pas du tout comment vous pouvez déduire du titre que la vie a un sens spirituel???
    Imaginez que l’auteur, athée, veuille insister sur le sens matériel de l’univers?
    il aurait intitulé son livre « Notre existence a-t-elle un sens? » et débattu sur le fait que la science n’a jamais rien prouvé, que l’âme n’existe pas « on ne l’a jamais trouvée sous le scalpel », criant haro sur les illuminés qui veulent à tout prix qu’il existe un Dieu, un Créateur qui ne s’est jamais occupé des humains, etc., et tout le discours des matérialistes purs et durs.
    Ne croyez-vous pas?
    Quant à avoir des doutes ou avoir la foi : c’est un peu contradictoire, non ? Si on a la foi, c’est qu’on n’a pas de doute ! Ou alors, la foi est vacillante ! C’est possible… cela arrive à certains croyants… parfois, lorsqu’ils reçoivent des épreuves terribles.
    En revanche, je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut lire avec le plus d’objectivité possible (ce qui est très difficile !) et évidemment, lorsqu’un livre a l’air de confirmer ce qu’on pense (ce qu’on voudrait !), il est tentant d’en oublier son esprit critique !
    😉

  5. Cogitons le 03 Mai 2009 à 12:52 5

    @MH,
    – Quand on pose la question: « l’existence a-t-elle un sens », on sort, me semble-t-il, du domaine de la science. L’auteur, en choisissant ce titre, postule implicitement que si la version purement « matérialiste » ou « athée » de la cosmologie (pour appeler un chat un chat) est la bonne, l’existence ne peut avoir de de sens. Cela me parait très clair (et m’étant renseigné un peu sur l’auteur, je ne pense pas que ce titre lui ait été imposé). Je n’aime pas ce procédé et j’ai expliqué pourquoi. Si la question posée en titre de livre était « sommes-nous là par hasard », je n’aurais rien à objecter. Un auteur athée, à moins qu’il soit nihiliste, ne liera évidemment pas la question du « sens de l’existence » à la cosmologie ou à la nature de la matière.
    – La foi et le doute, contradictoires? Pas plus que ne le sont l’obscurité et la lumière. L’un se définit et se travaille par rapport l’autre. Avez-vous lu, par exemple, les lettres éloquentes de Mère Thérésa? Elle que tout le monde béatifiait de son vivant, s’est battue toute sa vie contre un doute terrible. Après quelques jeunes années pendant lesquelles elle « ressentait Dieu », elle a perdu ce sentiment et a délibérément vécu 60 années « comme si » elle avait la foi, alors que dans son coeur, il y avait un grand vide. D’une certaine manière, son travail n’en est que plus admirable (quoiqu’il y ait controverse au sujet de sa « foi » et de son travail). Donc on peut décider d’ignorer le doute, de s’imposer à soi même de garder la foi, mais « n’avoir aucun doute » n’est pas, me semble-t-il, une caractéristique nécessaire du « croyant ». Ou alors, il faut redéfinir le terme. D’ailleurs, mieux vaut parfois avoir quelques doutes que de croire aveuglément ou imbécilement en certaines choses (on sait, par exemple, ce que donne le fanatisme religieux).

  6. MH le 05 Mai 2009 à 14:53 6

    @Cogitons
    Merci de m’avoir répondu… c’est sympa!
    😉
    Lorsque je demande à des gens s’ils ont donné un sens à leur vie, très peu imaginent qu’il s’agit d’un sens spirituel!
    Ils pensent plutôt à un but qu’ils visent, but matériel pour la plupart, et nonobstant souvent très louable!
    Bref…. Concernant la foi ou le doute, en effet, ce n’est pas si simple.
    Croire aveuglément en oubliant son esprit critique, comme je le disais, est dommageable car cela mène à des fanatismes!
    Mais on peut avoir « comme une certitude » en soi…
    Quand je lis un livre qui « fait écho » en moi, je ressens cette certitude… je ne suis pas complètement sûre et certaine, mais c’est comme si le doute disparaissait!
    Cela ne m’empêche pas d’écouter tout ce qui se dit et d’y réfléchir… le plus objectivement possible! (cela n’est jamais tout à fait objectif, c’est évident… mais j’essaie!)
    😉

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