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Principes éthiques : quelques conditions d’une pratique efficace

Triangle de penrose ouvert

Cette mise au point fait suite au billet « L’éthique en situation difficile : quel est votre avis ? », qui proposait une réflexion sous la forme d’un cas pratique accompagné d’un sondage — un sondage auquel vous pouvez encore participer si vous ne l’avez pas déjà fait, avant de poursuivre ici votre lecture. Quelques mots pour commencer sur les résultats de ce sondage : dans l’édition française du site comme dans son édition anglaise, c’est la réponse e (Il n’y a fondamentalement pas de différence entre apporter son aide à autrui et consacrer du temps à son conjoint : Charles aurait pu réserver l’exclusivité de sa soirée à son épouse tout en restant dans la pratique de l’éthique), qui arrive très nettement en tête, suivie de la proposition b pour l’édition française (Chacun devrait privilégier le bien être de son conjoint, le préférer à celui des autres et même au sien propre), et de la proposition a pour l’édition anglaise (Les efforts de générosité s’accompagnent nécessairement d’obstacles qu’il faut savoir surmonter pour progresser : Charles aurait dû s’attendre à cette opposition de Nelly et mieux se préparer pour passer l’épreuve sans conflit). De manière générale, à la lecture des nombreux commentaires, c’est peu dire que l’attitude de Charles a été très critiquée, sur le fond — avec de nombreuses suggestions concernant les défauts, points faibles et déséquilibres caractériels qui permettraient d’expliquer ses choix —, comme sur la forme — notamment dans sa manière d’agir avec son épouse. Il a beaucoup été question d’ego, d’altruisme, de respect du droit, de hiérarchie des devoirs, de la règle d’or de l’éthique (se mettre à la place d’autrui), de l’intention, etc. Toutes ces pistes ont donné lieu à des développements très intéressants.

La réflexion peut s’organiser selon trois directions :

  1. l’évaluation des puissances à l’œuvre en chacun des protagonistes : quels sont les symptômes, quelles sont les puissances qui s’expriment, quels sont les déséquilibres caractériels sous-jacents. En somme : quel est le diagnostic ?
  2. la proposition d’un “juste agir” dans cette situation : quels sont les principes éthiques qui seraient à mettre en œuvre idéalement par l’un ou l’autre des protagonistes. Quel est le traitement adéquat ?
  3. les conditions plus générales d’une pratique juste de ces principes éthiques. Quelles sont les conditions de mise en œuvre du traitement ?

Les deux premiers éléments restent très contextuels et c’est à chacun d’en faire sa propre analyse en profitant de la réflexion commune apportée par les commentaires. C’est le troisième élément qui fait ici l’objet d’un approfondissement spécifique. Il ne s’agit pas de préconiser une conduite particulière, adaptée à toutes les épreuves de la vie quotidienne dans les contextes les plus variés, mais de réfléchir à un cadre précisant les conditions générales de mise en œuvre d’une pratique de l’éthique.

Le référentiel que nous proposons ici prend la forme d’un ensemble de recommandations pour une bonne pratique. Il se fonde sur un chapitre de l’ouvrage de Bahram Elahi, Médecine de l’âme (Dervy, 2000), intitulé justement “La pratique de l’éthique”. Dans cette approche, l’éthique est envisagée comme une activité susceptible de nourrir et de développer l’âme, conçue comme un organisme psycho-spirituel. Les nutriments sont les principes éthiques, et leurs vertus nutritives doivent être actualisées sous certaines conditions.

Quelques conditions d’une pratique efficace

Quel est votre avis ? (Suite)

Si vous accédez à cet article depuis l’application mobile, cliquez ici pour participer au sondage.

Parmi les conditions suivantes de la pratique des principes éthiques, quelles sont celles que vous aviez identifiées dans votre analyse initiale du cas pratique ?

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Abandonnons Charles, Nelly, et la réflexion éthique virtuelle : parmi ces conditions, quelles sont les deux qui vous semblent les plus difficiles à intégrer dans votre propre pratique éthique ?

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9 commentaires

  1. Paloma le 10 Mar 2014 à 10:19 1

    Merci pour cette présentation claire et marquante. Ça va beaucoup m’aider à maintenir ma concentration sur les items essentiels de la pratique spirituelle. C’est un plaisir d’étudier de cette façon.

  2. A. le 11 Mar 2014 à 8:02 2

    J’ai récemment vécu une expérience qui ressemble à celle de Charlie/Nelly. Depuis quelques temps je me réveille tôt le matin pour faire une prière avant l’aube car j’ai remarqué que cela avait plus d’effet. Le résultat est que, bien que plus motivé d’un point de vue spirituel, je suis assez fatigué pendant le reste de la journée. Cela ne pose pas trop de problèmes pendant la semaine car je peux faire une petite sieste de 20 minutes lors de mes nombreux déplacements (en train), mais les weekends cela n’est pas possible car j’ai 3 enfants. Le résultat a été que ce samedi dernier je me suis endormi sans le vouloir, vers 22 heures (je n’étais pas non plus très en forme- mal à la gorge etc…) et ma femme était très mécontente. D’après mon intérprétation il s’agit bien là d’une erreur qui provient d’une pratique non variée – cad dévotion sans tenir compte des conséquences sur ma vie de famille, et peut être aussi d’une pratique déséquilibrée (excès de dévotion)? Quelques commentaires?

    (PS suite à cette expérience j’ai décidée de bien profiter du weekend pour me reposer et être en forme pour ma famille)

  3. Charlie le 12 Mar 2014 à 19:31 3

    @A.
    Excellent dilemme. Je crois que la présentation de l’article donne effectivement des pistes pour y répondre. En cas de doute sur ce qui est le mieux, un élément est peut être de se demander ce qu’on a pas envie de faire. J’ai remarqué que c’est parfois un signe que c’est justement sur ce point qu’il faut travailler.

  4. Bouboulina le 12 Mar 2014 à 19:41 4

    Merci pour la présentation prezi 🙂 Cette présentation visuelle est très chouette.
    Sinon, concernant la 2e question, j’ai répondu comme beaucoup « intégrale » et « itérative ». Dans l’exemple donné, celui de l’ingratitude de ceux à qui on fait le bien, il est évident que pour moi, c’est une difficulté majeure.
    On a je pense tous dans notre entourage des personnes qui sont dans le besoin et qui quoi qu’on fasse pour elle reste dans une situation de plainte. Dans ces cas, comment rester patiente et altruiste sans pour autant se transformer en « bonne poire » est quelque chose qui m’est difficile. Des suggestions ?

  5. Ms le 14 Mar 2014 à 13:19 5

    Au sujet des conditions qui sont répertoriées dans l’article, j’ai l’impression qu’il faut constamment être prêt à les réguler en faisant une sorte d’état des lieux pour voir une ajustement est nécessaire. Je vois vraiment cela comme un automatisme à avoir.

    Souvent, je me fixe une pratique et je me rends compte que j’arrive de moins en moins à la faire, que quelque chose ne va pas/plus. C’est principalement parce qu’une de ces conditions ne marche plus et doit être réajuster. Le soi impérieux en profite forcément tout de suite pour me démotiver et me faire arrêter alors que cela peut être « régler » très vite ! Voir cela comme une occasion offerte de faire sa pratique de manière plus efficace, ni plus ni moins, peut aider.

    Ce réajustement peut être dû tout simplement à notre quotidien/emploi du temps qui change (changer le moment où l’on s’est fixés de faire son auto-suggestion car le moment choisi n’est plus possible) ou alors aussi parce que l’on a trop pris l’habitude et on se lasse (pour une pratique relative au sport, changer les exercices), etc.

    @A. : L’exemple que vous donnez quant à la famille est similaire, je pense. L’initiative de départ est toujours la bonne cependant il faut un peu réajuster pour s’assurer que l’on arrive à faire bien.

    En somme, je vois vraiment ces réajustements comme une chance, des occasions qu’on nous envoie pour nous rendre compte encore plus justement de ce que l’on fait, toujours dans le but d’avancer encore plus.
    Et puis, ce sont aussi et surtout des occasions pour vérifier que ces conditions sont bien remplies !

  6. A. le 17 Mar 2014 à 7:21 6

    @Charlie
    « un élément est peut être de se demander ce qu’on a pas envie de faire. J’ai remarqué que c’est parfois un signe que c’est justement sur ce point qu’il faut travailler. »

    Merci, de la réponse, excellent point.

    @MS
    « Et puis, ce sont aussi et surtout des occasions pour vérifier que ces conditions sont bien remplies ! »

    Merci, excellent point aussi

  7. DD le 17 Mar 2014 à 8:42 7

    Merci pour cette étude! Même si Charlie semble un peu caricatural nous nous y retrouvons bien ! Toutefois j’ai bondi au début de l’histoire car un comportement si « intégriste » m’horripile. Oh, comme je voudrais me voir aussi clairement dans mes défauts!
    Le fait de bondir en est assurément un! Je manque tout simplement de tolérance en ce moment . ET oui voilà une bonne piste à suivre, je pense. Par ailleurs, peut-être que je suis concernée par ce même comportement mais dans une autre proportion et dans un autre contexte. Cela me semble même être tout à fait le cas mais sans avoir comme motif , pour ne pas respecter le droits de mon conjoint, de faire de l’humanitaire .

    Ms : je suis tout à fait d’accord avec vous on est tout prêt à arrêter une pratique parce que cela ne « marche  » pas ou plus au lieu de réajuster pour pouvoir continuer !

    Je suis allée relire le chapitre en question dans Médecine de l’âme car votre présentation des conditions de la pratique n’est pas facile à lire pour moi. Cela fait du bien d’avoir un cadre de références pour pouvoir justement réajuster!

  8. gmm le 20 Mar 2014 à 10:45 8

    Commentaire a propos de “Charles, Nelly et la soirée d’anniversaire”.

    Dans les petits détails, les grandes questions.

    Les faits:
    Charles fait le choix, au dernier moment, de rejoindre son activité de bénévole plutôt que de rester auprès de son épouse et de fêter leur anniversaire de mariage, en union de coeur. La précipitation (la forme) et l’argument (le fond), imposent une complexité singulière à la problématique.

    Constats et remarques:
    > Charles semble insensible à la charge symbolique (et spirituelle) de cet anniversaire. Etait-ce déjà le cas les autres années? Est-il coutumier de ce type de réactions contrariantes?
    > Charles semble n’accorder aucune attention aux intentions et aux efforts que sa femme fournit pour organiser, fêter et honorer ce temps qui les lie. Qu’est-ce qui le rend ainsi aveugle et égoïste, ce soir là? Est-ce la marque d’un problème personnel et non avoué qu’il préfère fuir?
    > Charles s’avère nullement sensible à la contrariété de son épouse. Il lèse les droits de sa femme et semble ne pas mesurer du tout ses devoirs d’époux. Un manque de tendresse semble le carapaçonner. Derrière tout cela nous pressentons un manque de communication, du non-dit. On peut penser que la femme de Charles connaît ce trait de caractère, cette raideur singulière propre à son mari. En ce sens, on peut formuler l’hypothèse que la réaction que suscite ce diner d’anniversaire était plus ou moins prévisible, bien que évidement non souhaitable.
    > Charles pense que ses responsabilités sociales sont prioritaires. Pourquoi ce choix qui laisse sa femme et leur histoire de vie à l’écart? Pourquoi ce sentiment de culpabilité mal placée qu’il évoque alors même qu’il se sait “remplacé” et que tout était bien prévu et organisé de part et d’autre pour lui laisser la soirée libre? La décision de Charles est pour le moins troublante et laisse augurer un retour au foyer bien triste.

    Pourquoi ce choix, de cette manière, à cette occasion?

    Traits caractériels repérables:

    > L’orgueil: il est exprimé par le besoin impérieux (inconscient) de Charles de penser qu’il ne peut laisser sa place, et donc être remplacé, car dans son esprit des personnes l’attendent, lui, sa fameuse bonté et sa belle générosité. En faisant le choix d’ignorer la question conjugale et d’abandonner sa femme au profit de son activité sociale, Charles révèle et avoue une réelle dépendance vis à vis des sentiments que lui inspire son rôle, au service du mieux-être social. Il exprime là une perte de la raison saine, une perte du sens des hiérarchies, une perte des repères balisant ses devoirs et les priorités afférentes.

    > Le manque de discernement: en ce soir d’anniversaire, la réalité devient paradoxale. Charles confond les contraintes de situation et les règles. Charles écoute son propre désir qui, sous des apparences altruistes et bienveillantes, le mène à délaisser sa femme et le contrat de mariage qui les lie. Il est désorienté, emporté par une pensée obtuse et univoque. Charles semble incapable de pointer en lui les motivations intimes qui l’obligent à imposer sa fuite. Son manque de discernement est désappointant. Il se trompe et trompe sa femme dans son attente ou dans ses espérances. La contrariété s’avère des deux côtés.

    > La négligence: elle s’exprime ici dans le fait que Charles ne soit pas attentif à la signification profonde et sensible de ce repas qui doit les fêter (lui et son couple), ni ne mesure la peine que Nelly s’est donnée pour organiser ce diner de fête. Certes les anniversaires, comme les fêtes familiales, réveillent et révèlent souvent le travail du temps. Ici, le souci de vouloir faire bien semble, malgré les apparences, réciproque (chacun de son côté). Mais la justesse (le bien-fondé) semble refoulée, oubliée en ce qui concerne Charles. Charles et Nelly semblent victimes de ces égoïtés nuisibles qui involontairement s’immiscent naturellement dans les relations humaines. Ce diner agit tel un révélateur de petites déviations qui, lorsqu’elles ne sont pas repérées et questionnées avec une exigence adaptée, grippent l’harmonie de n’importe quel couple.

    Conclusion: Un manque certain d’anticipation.

    Anticiper c’est prévenir, veiller, surveiller. Dans l’exemple qui nous est rapporté, les enjeux des actes et leurs conséquences ne sont pas appréhendés en amont. Les conséquences en aval sont d’autant plus complexes à gérer. Cela ne veut pas dire que la décision de Charles ne permet aucune réparation. On peut espérer que cette triste situation leur donne un coup de fouet et qu’elle va créer une prise de conscience du faisceau de négligences qui les a conduit à cet état de fait.
    On a tout l’espoir de penser que, dans la mesure où Charles est soucieux de vivre de manière altruiste, il saura d’autant mieux reconsidérer la situation qu’il a engendrée. En ce sens on peut espérer qu’une reprise de conscience éthique, avec l’aide de la volonté, les aidera à régler une fois pour toute ce raté magistral. Pour autant, rien n’est acquis tant que l’effort n’est pas certifié, tant que la liberté individuelle d’agir n’est pas mesurée à l’aune de la raison.

    Au final:
    Cette étude de cas est très particulière. Elle nous place devant la tentation de critiquer spontanément et presque exclusivement Charles. Et même d’imaginer que la priorité que donne Charles à son bénévolat est mue par des intérêts plus vifs que ce qu’il dit. Mais où est Nelly dans cette affaire? Que permet-elle ou n’interdit-elle pas éventuellement? Qu’est-ce qui a été si oppressant et qui n’a pas permis à Nelly d’énoncer les arguments incontournables qui auraient convaincu son mari ou l’auraient ramené à penser avec bon sens?

    Quel cadre préciserait les conditions générales de mise en œuvre d’une pratique de l’éthique?

    Cette étude de cas nous renvoie plus particulièrement au point ”d” constitutif des 5 points relatifs aux conditions de la pratique des principes éthiques (in. Médecine de l’âme, B.Elahi, éd. Dervy, 2000,), à savoir: “il faut d’abord voir à qui l’on a affaire et tenir compte de la situation dans laquelle on se trouve. De même, la sincérité doit être pratiquée sans que cela n’empiète sur la défense des droits du soi et de la société”. En effet, si le manque de sincérité dans un couple peut créer des barrières qui finissent par isoler chacun dans son propre monde, la sincérité accordée à la bienveillance (altruisme), à la probité (respect) et à la vigilance (acuité) participe des principes actifs utiles pour mieux vivre et mieux se voir agir.

  9. adissam le 02 Avr 2014 à 20:49 9

    Merci A. pour ce questionnement. Je réfléchissais également à ce dilemme : droit envers le Créateur(prière) et droit d’autrui/de mon corps, quelle priorité ?

    J’ai retrouvé un élément de réponse dans l’explication animée : « les devoirs de l’homme » sur ce site.

    Le raisonnement est que si le Créateur auquel on croit est un Créateur juste , alors il pourra sans doute pardonner un manquement de notre devoir envers Lui (début de la vidéo). Quant à autrui, seule la personne que l’on lèse peut effacer ce droit, autrement il y aurait une injustice.

    Le préjudice pour notre âme est donc plus grand si mon rituel lèse autrui ou mon corps.

    Vidéo – lien ici
    partie « prédominance des devoirs envers autrui »

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