227 Votez

Ostad Elahi à l’honneur à l’Académie des Sciences morales et politiques

Par , le 8 Déc. 2013, dans la catégorie Articles - Imprimer ce document Imprimer
Ostad Elahi magistrat

Le Prix Bordin de l’Académie des Sciences morales et politiques vient d’être décerné à Soudabeh Marin, enseignante et chercheur à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense, pour son ouvrage en deux volumes consacré à Ostad Elahi.

Une étude « absolument remarquable » selon Joëlle le Morzellec, Recteur d’Académie et Professeur émérite à l’Université Paris-Sud XI : « Dans son approche de la tradition et de la modernité, en Iran, Ostad Elahi aura participé activement à l’évolution du droit au Moyen-Orient, dans le sens de l’universalité des lois fondamentales qui régissent l’humanité. » (Joëlle le Morzellec, Recensions de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, lire la recension complète).

« Le livre de Mme Soudabeh Marin présente de manière profonde et documentée une figure majeure du monde spirituel et intellectuel de l’Iran moderne. Ostad Elahi est déjà par lui-même un auteur passionnant, mais on voit qu’il fournit aussi au monde d’aujourd’hui de multiples ressources théoriques dans la lutte idéologique contre le littéralisme violent des fanatiques. » (Gérard Courtois, revue Droit et Cultures, 66-2013/2, extrait)

Remise du Prix Bordin à l’occasion de la séance publique annuelle de l’Académie tenue sous la Coupole du Palais de l’Institut, 18 novembre 2013

Fondée en 1795, l’Académie des Sciences morales et politiques, est la plus ancienne institution consacrée entièrement aux sciences de l’homme. Elle œuvre sous l’égide de l’Institut de France qui regroupe cinq académies : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des Sciences morales et politiques. Le Prix Bordin, décerné une fois tous les dix ans dans le domaine du droit, est attribué aux auteurs d’ouvrages portant sur des sujets touchant à l’intérêt public, au bien de l’humanité, au progrès de la science et à l’honneur national.

 

Coupole du Palais de l’Institut, séance du 18 novembre 2013

© Photo ASMP – Brigitte Eymann

L'auteur, Soudabeh Marin recevant le prix Bordin (Académie des Sciences morales et politiques) de l'académicien Bertrand Collomb

© Photo ASMP – Brigitte Eymann

Soudabeh Marin est enseignante et chercheur à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense et a été chargée de cours à Sciences po (Paris). Elle est docteur en Histoire du droit et des institutions et titulaire d’un PhD de l’Université d’Exeter (Institute of Arab and Islamic Studies). Partant de l’étude des système normatifs au Moyen Orient, plus particulièrement ceux à l’œuvre dans l’Iran shî’ite, elle s’attache, à travers une démarche comparatiste, à mettre en valeur les thématiques présentes à la fois dans la culture orientale et occidentale et liées à l’histoire, la philosophie et l’anthropologie du droit et de la justice ainsi qu’à la philosophie morale.

Ostad Elahi et la tradition

Droit, philosophie et mystique en Iran

Ostad Elahi et la tradition - Soudabeh Marin

Le premier volume est consacré à la généalogie, à la biographie et à la philosophie du droit d’Ostad Elahi.

Magistrat, philosophe et musicien iranien contemporain, Ostad Elahi est né le 11 septembre 1895 dans la province du Kermânshâh à l’Ouest de l’Iran. Héritier d’une longue tradition spirituelle kurde empreinte de motifs pythagoriciens et néoplatoniciens, Ostad Elahi a d’abord vécu dans un contexte particulier marqué par la retraite et la contemplation. Toutefois, à l’âge de 34 ans (1929), cet ascète érudit quitte sa région natale pour Téhéran, la capitale, et rejoint la vie active pour devenir juge à 39 ans (1934).

Ce parcours à l’envers, qui plonge Ostad Elahi dans un environnement hostile voire périlleux pour un mystique, en étonne plus d’un. Il est néanmoins sous-tendu par une stratégie volontaire et spécifique qui consiste à mettre en jeu, dans l’arène de la modernité, une construction philosophique minutieusement éprouvée et (ré)actualisée.

Cette anthropologie spirituelle fine, riche et originale regroupe à la fois une métaphysique, fondée elle-même sur une philosophie du droit, une physique, une cosmologie, une psychologie et une éthique à vocation universelle.

Fidèle à la tradition spéculative des philosophes et des mystiques et à celle des moralistes d’obédience aristotélicienne de son pays, Ostad Elahi, à travers une illustration contemporaine de la vie philosophique, prône la réalisation de l’homme, finalité même de sa conception du perfectionnement de l’âme.

Plus de détails sur le site de l’éditeur

Ostad Elahi et la modernité

Droit, philosophie et mystique en Iran

Ostad Elahi et la modernité - Soudabeh Marin

Le second volume de cet ouvrage rend compte de la carrière professionnelle d’Ostad Elahi au sein du Ministère de la Justice en Iran.

Ostad Elahi (1895-1974) est un magistrat et philosophe mystique iranien. Témoin de la réception des codifications napoléoniennes en Iran, il fait partie de la première génération des juges laïcs officiant au sein de l’appareil judiciaire des Pahlavi, une institution réformée en 1927 sous la houlette de Reza Shah.

Le parcours d’Ostad Elahi nous donne l’occasion de découvrir des fonctions variées au sein des différentes provinces iraniennes et permet de mettre en exergue les difficultés liées à la rencontre du droit français et de la shari’a imamite à travers l’entreprise de codification initiée au débu t du XXe siècle.

L’appréhension par Ostad Elahi du jugement moderne, dans le cadre d’une justice d’État conçue sur le modèle français, ne manque pas de soulever les questions relatives à la conscience du juge, à l’équité, à l’intime conviction mais également à la spiritualité de l’acte judiciaire.

À travers l’exemple d’Ostad Elahi, il apparaît qu’au sein d’une société donnée, en l’occurrence ici celle de l’Iran moderne, le processus de juridicisation nécessite la prise en compte des tensions et des évolutions culturelles, religieuses, politiques e t sociales.

Une approche anthropologique du droit exige donc une véritable réflexion sur le sens et la pertinence des parcours individuels dont les discours, les pratiques et les représentations révèlent l’existence de systèmes précis et construits de normes et de valeurs.

Plus de détails sur le site de l’éditeur


Creative Commons License Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons

Revenir en haut

7 commentaires

  1. Wilhelm le 08 Déc 2013 à 6:51 1

    Félicitations à Soudabeh Marin.
    Ces deux ouvrages remarquables que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt m’ont permis de mieux comprendre l’apport d’Ostad Elahi à l’Ethique, au Droit et à la pratique du droit.
    On y trouve de nombreuses expériences vécues par Ostad Elahi, placées dans leur contexte historique, qui illustrent comment il vécut au quotidien l’exercice de sa profession de magistrat avec les exigences de la fonction et la dimension juste et humaine au sens le plus profond que son exercice requérait.
    Dans le second tome j’ai notamment retenu cette citation d’Ostad Elahi :
    « Un jour, lorsque j’étais procureur, un paysan pauvre m’aborda sur le chemin du bureau et me demanda où il pouvait trouver le procureur. Je lui dis : « dites-moi ce qui vous amène, je suis le procureur ». Il répondit : « Non, je Veux lui parler à lui, en personne. Vous n’êtes pas le procureur, quand on voit le procureur on tremble de peur ! ».
    Je me suis alors rendu compte de la distance qui avait été instaurée entre les simples gens et les « responsables » de l’administration ».
    J’ai depuis relu plusieurs fois cette citation, et chaque fois que je relis ces mots je leur trouve un sens ou une tonalité différents. En plus des sens les plus évidents, il en est de plus subtils, plus cachés, comme différents niveaux d’analyses entraînant par là-même différents niveaux de compréhension.

  2. ame.technophile le 08 Déc 2013 à 7:09 2

    Un prix bien mérité… Brvao++

  3. Mia le 08 Déc 2013 à 12:18 3

    Deux ouvrages formidables qui sont un enrichissement et un apport important à mes propres recherches. Un prix de renom et une reconnaissance publique qui montrent l’intérêt porté à ces publications.
    Merci beaucoup

  4. juliette le 08 Déc 2013 à 14:14 4

    C’est une belle nouvelle et une consécration bien méritée pour son auteur et pour ces deux livres magnifique à la fois philosophiques, culturels, historiques et spirituels. J’ai trouvé l’analyse de Soudabeh Marin de la vie et l’oeuvre d’Ostad Elahi d’une grande précision, profonde et fine. Elle nous fait découvrir le parcours de cet homme d’exception, grand érudit, grand spirituel et d’une grande modernité. La lecture de ces ouvrages m’a fait ressentir le souffle du savoir, de la conscience, de l’éthique et de la grandeur d’âme.

  5. cla ra le 08 Déc 2013 à 14:51 5

    Chapeau pour ces recherches et le travail remarquable effectués !

  6. Wilhelm le 09 Déc 2013 à 3:45 6

    Par rapport à mon commentaire précédent, j’aimerais partager d’autres raisons qui m’ont fait aimer ces livres.

    Tout d’abord, la carrière d’Ostad Elahi, son exercice de la fonction de magistrat et les évènements et épisodes qui l’émaillent et l’illustrent sont expliqués et décrits dans le contexte historique, religieux, légal et sociologique de l’Iran à travers plusieurs époques différentes [et notamment la seconde guerre mondiale et l’occupation de l’Iran par les Alliés] et sous l’influence de plusieurs civilisations étrangères issues de pays comme la France, l’Angleterre, la Russie, les Etats-Unis, etc.
    Les professionnels du droit, dont je fais d’ailleurs partie, apprécieront sans doute la qualité de l’analyse juridique aux confins et confluents du droit civil (Français, Allemand), du droit de Common Law Anglo-saxon (Anglais, Américain) et du droit religieux iranien, ainsi que du droit moderne iranien issu des influences précitées.

    Le contexte économique et bien entendu l’influence sous-jacente de la production du pétrole et de son exportation avec les jeux d’influence étrangère que l’on peut imaginer y sont décrits avec intelligence et minutie et donnent le cadre général de la situation économique et financière du pays à l’époque et commandent la mise en place de l’exercice de certains droits très spécifiques comme le droit douanier iranien et ses influences occidentales. C’est alors à nouveau l’occasion développements pertinents, précis, documentés et exacts sur ce droit.

    A de nombreuses reprises dans les deux ouvrages on trouve des telles réflexions incidentes de rare qualité sur des points de droit ou des blocs de droits, sur des raisonnements juridiques, et parfois même sur les fondements d’entiers systèmes de droit.

    L’auteur met aussi en évidence le contexte des rivalités sociales et professionnelles, des influences religieuses, et des jeux d’influences multiples qui donnent lieu à des équilibres juridiques délicats à exercer. Des éléments qui sont passionnants à étudier et à comprendre. On se rend alors compte que la juxtaposition de ces droits différents que sont le droit civil, le droit de Common Law, et le droit religieux, s’articulant nécessairement avec un sens de l’éthique que l’on pourrait qualifier d’éthique naturelle ou universelle, qui conduisent le magistrat, souvent solitaire dans l’exercice de ces responsabilités juridictionnelles, à faire preuve de discernement bien sûr, de connaissance approfondie du doit aussi, mais surtout également d’un véritable courage moral et souvent même physique pour rendre une justice serine, honnête et droite dans un environnement où influence et corruption, pressions et manipulations sont monnaie courante.

    L’auteur montre comment Ostad Elahi eut à souffrir de devoir exercer sa profession judiciaire dans un contexte de lois souvent injustes. A tel point qu’il recommanda plutôt la profession de médecin à ses enfants tellement les errements de certains contextes juridiques étaient difficilement tolérables.
    Cependant, exerçant lui-même cette fonction de juge, il ne se déroba pas et en assuma toute la difficulté sans jamais renoncer à la dignité et à la vraie justice, exercée avec discernement, fondée sur des preuves vérifiables et exercée avec compassion. Un exemple…

  7. mike le 04 Avr 2020 à 23:16 7

    bel effort, belles recherches, très beaux livres qui m’ont donné beaucoup d’effet et qui m’ont permis de rendre plus concret le quotidien d’Ostad Elahi et de réaliser un tout petit peu l’immensité de sa pratique éthique dans un quotidien hostile.

Url de rétrolien | S'abonner aux commentaires de cette page

Déposer un commentaire

Les commentaires de ce site sont modérés et ne seront donc visibles aux autres lecteurs qu'une fois validés
Rappel des mentions légales

e-ostadelahi.fr | © 2024 - Tous droits réservés | Mentions légales | Plan de site | Contact