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L’éveil de l’intelligence spirituelle et les dimensions du processus éthique selon Ostad Elahi

Par , le 24 Mai. 2008, dans la catégorie Ressources , Ressources - Articles - Imprimer ce document Imprimer
Dieu a-t-il sa place dans l'éthique ?

Par James Morris, dans Dieu a-t-il sa place dans l’éthique ?, L’Harmattan, 2002, pp. 86-96

La pratique et la réflexion éthiques sont les moyens les plus adaptés pour accéder à une expérience du divin : c’est ainsi que l’on pourrait résumer l’enseignement d’Ostad Elahi. En se fondant notamment sur des anecdotes rapportées par Ostad Elahi lui-même, l’islamologue James Morris tente de décrire ici les principes-clés de cette éthique spirituelle. Cette conférence a été prononcée lors d’une journée d’étude organisée en octobre 2000 à l’École normale Supérieure de Paris.

La relation entre l’éthique et le divin a été conçue et exposée de multiples façons au sein des diverses traditions de la théologie islamique, et parfois selon des voies radicalement différentes. Il faut commencer par rappeler que du point de vue de nombreux théologiens, l’éthique dépend et découle du message divin délivré à travers la révélation. Dans ce cas c’est l’éthique qui est subordonnée à la révélation divine, et non l’inverse. Au contraire, les philosophes aristotéliciens, qui souvent sont eux aussi des docteurs de la loi et des scientifiques, ont mis en avant l’autonomie relative de l’éthique et de la théologie. Cette autonomie relative découle elle-même d’une conception particulière de l’éthique : une éthique de l’harmonie psychique et sociale, résolument orientée vers la vie mondaine et terrestre. Les aristotéliciens ont également insisté sur le rôle central de la raison humaine dans ces deux domaines (la théologie et l’éthique). Quant aux traditions les plus riches de la spiritualité mystique islamique (celles de l’irfân, de la connaissance intérieure), elles ont toujours mis l’accent sur l’importance qu’il y a à développer une conscience directe et expérimentale (expérientielle) de Dieu. Bien entendu, ce souci, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, ne s’est pas toujours exprimé en termes essentiellement éthiques. Il reste qu’au sein de ces traditions spirituelles, le nœud qui relie de façon essentielle l’éthique et l’expérience du divin est emblématiquement visible dans le fait que le terme le plus englobant pour désigner « Dieu  », al-Haqq, désigne en même temps ce qui constitue la Réalité ultime, le Juste, et le Droit. Al-Haqq renvoie par là même à la totalité des droits et devoirs actuels et particuliers qui découlent de cette Réalité ultime, pour les êtres humains comme pour toutes les autres créatures. Cependant certains processus historiques récurrents se sont conjugués et ont favorisé pratiquement, au sein de ces traditions mystiques, certaines formes d’expression de la vie spirituelle qui sont plus spectaculaires et plus émotionnelles que strictement éthiques. Simultanément, ces traditions se sont orientées vers des formes institutionnelles relativement isolées des enjeux éthiques du monde social. C’est dans ce contexte que la pensée d’Ostad Elahi (1895-1974) s’est formée. Elle se singularise par trois aspects inséparables qui constituent, je crois, le cœur de la problématique suggérée par la question « Y a-t-il une expérience éthique du divin ? » :

  1. une insistance particulière sur le rôle fondamental et fondateur de l’expérience et de la réflexion éthiques dans le processus de prise de conscience du divin ;
  2. la reconnaissance d’une interaction constante et nécessaire, au sein de ce processus de maturation de l’entendement et de la compréhension spirituels, entre le plan de l’expérience et celui de la réflexion ;
  3. enfin, et ce point est implicitement contenu dans les deux précédents, une conception forte de l’universalité de ce processus, processus qui concerne et engage nécessairement tout être humain. Pour Ostad Elahi, ce sont en effet les traits de caractère moraux qui constituent la substance de la réalité spirituelle de tout être humain ; tout le sens du parcours terrestre est de perfectionner cette substance intime jusqu’à la rendre « semblable » à la substance divine.

Ostad Elahi a fréquemment eu recours à des anecdotes autobiographiques pour illustrer sa pensée. Il a souvent rappelé que chacun de ces trois points critiques que je viens d’évoquer est le résultat de ses propres expériences. Il faut se souvenir à ce propos que sa vie a été profondément marquée par le contraste entre deux grandes phases de son propre développement spirituel : d’une part la formation spirituelle traditionnelle et rigoureuse reçue dans sa jeunesse (sous la guidance de son père, un maître reconnu), et d’autre part sa carrière de magistrat, qu’il considérait comme un terrain d’épreuves aux dimensions éducatives inégalées. A la fin de sa vie, il faisait remarquer la chose suivante :

Dieu me fit embrasser la carrière judiciaire, en dépit de ma réticence. Il fit en sorte que je devienne juge et m’a donné des postes délicats. Plus tard, je me suis aperçu que chacun d’eux recelait des milliers de points de sagesse. Même une multitude de sages et de philosophes réunis n’auraient pu élaborer de pareils plans. (AH1, 1966)

La réflexion continue d’Ostad Elahi sur ces phases contrastées de sa propre expérience se traduisent, dans son enseignement, par de nombreuses mises en garde concernant les écueils et les limitations qui sont caractéristiques des formes traditionnelles de la spiritualité. On peut citer en particulier : les dangers de l’auto-illusion égoïste, les diverses formes de la dépendance spirituelle, les négligences à l’égard des responsabilités éthiques et sociales, la suffisance spirituelle, etc. Mais je souhaiterais ici me concentrer, de façon plus positive, sur un aspect particulièrement frappant de la pensée d’Ostad Elahi : l’interdépendance systématique entre la réflexion éthique et l’expérience spirituelle. Cette interdépendance constitue un point d’entrée essentiel si l’on veut comprendre le sens de cette universalité pratique et théorique de l’éthique que j’ai évoquée il y a un moment. Ostad Elahi a exprimé ses vues sous la forme caractéristique d’anecdotes vécues. Ces histoires, ces cas pratiques, offrent une illustration et une adaptation directe des principes généraux de sa philosophie à travers un cadre et des circonstances qui étaient familiers à ses lecteurs et à ses auditeurs. Il faut ici inverser cette procédure pédagogique. Je commencerai donc par résumer sous une forme abstraite les principes-clés de cette éthique spirituelle, en en donnant seulement en second lieu quelques illustrations brèves extraites de son propre enseignement.

1. Le « soi impérieux » (nafs) et l’inspiration spirituelle : attention et discipline

Il n’y a rien, dans l’expérience humaine, de plus universel (et de pratiquement plus incontournable) que la tension et le conflit constants qui existent entre d’un côté les exigences, les inclinations et les tendances multiples de notre nature animale (qui traditionnellement reçoivent le nom de nafs, ou âme charnelle), et de l’autre côté notre conscience immédiate, inspirée et inspirante, de ce qui est juste, et de ce qui généralement relève de notre devoir dans une situation donnée. Comme le dit Ostad Elahi :

Notre liaison avec la source des réalités spirituelles est ce qui transforme la pure conscience animale en une conscience pleinement humaine ; le résultat de cette liaison est que quoi qu’une personne entreprenne, elle a tout de suite l’intuition que ce qu’elle fait est bon ou mauvais. La vraie conscience consiste précisément dans la découverte et l’appréhension de ce mystère […] (AH1, 2018)

Dans cette perspective, notre expérience éthique est, en vertu de sa nature même, une expérience du divin. Le conflit intérieur qui éveille la conscience ou la prise de conscience du divin constitue ainsi le contexte toujours renouvelé d’un processus naturel et universel d’apprentissage et de maturation spirituelle – processus qui, dès à présent, fonde et structure notre situation d’être humain, et qui ultimement devrait nous permettre de nous guider et de nous orienter de façon plus consciente.

Les éléments fondamentaux de cette situation métaphysique de l’être humain s’expriment de façon infiniment variée, mais ils paraissent extrêmement simples lorsqu’on les énonce sous leur forme abstraite. Une fois qu’on s’est rendu conscient du contraste initial et essentiel entre les manifestations du soi impérieux et celles de notre inspiration réellement spirituelle ou éthique, il devient clair que la tâche essentielle de l’homme est de maintenir une attention spéciale aux inspirations divines, autrement dit une attention spirituelle (tawajjuh). Mais pour traduire cette attention en actes éthiques appropriés, quel que soit le contexte intérieur ou extérieur d’une telle pratique, il faut une constante discipline de soi.

Ostad Elahi évoquait parfois avec un certain humour le caractère permanent et familier de cette situation humaine fondamentale :

Hier, je me suis réveillé comme d’habitude au milieu de la nuit pour prier, mais en raison d’une légère indisposition que j’avais, j’ai été un peu paresseux et me suis dit : “ Je le ferai demain matin ” et je me suis rendormi. Bien entendu, le matin, je priai, puis commençai à faire mes exercices physiques. Il n’était jamais arrivé auparavant qu’un des poids m’échappe des mains. Un des poids me glissa de la main et tomba juste sur mon pied qui me fit mal pendant une heure environ. Dieu m’avait puni à la mesure de ma paresse à son égard. Il y avait presque là quelque chose de comique. Je me réjouis de cet incident et je me prosternai aussitôt devant Dieu pour lui exprimer ma gratitude : “ Maintenant, il est évident que Tu m’aimes et que Tu veilles sur moi.. ” […] (AH1, 2002)

On comprend donc que même les degrés les plus élevés de l’attention au divin sont en réalité inséparables de cette structure universelle et intimement familière qui alimente tout conflit éthique intérieur. C’est nécessairement de cette situation fondamentale, lorsqu’on parvient justement à y répondre de manière appropriée, que dérive l’attention spirituelle.

Les points que je souhaiterais maintenant brièvement évoquer constituent chacun un aspect de cette tâche éthico-spirituelle fondamentale d’attention et de discipline. Ces points sont les suivants : le processus d’observation et de réflexion sur les lois de la causalité spirituelle ; le caractère essentiel de l’intention pure ; les exigences de la responsabilité et de la créativité ; enfin, l’épreuve constante de la persévérance.

2. Actions, épreuves et conséquences : la réflexion et l’orientation

L’apprentissage et la croissance de l’homme, dans tous les domaines, se fonde sur une combinaison d’expérience et de réflexion. Dans le champ de l’éthique, cette réflexion concerne au premier chef les conséquences de nos actions. Le développement de l’attention spirituelle et éthique n’échappe pas, selon Ostad Elahi, à cette règle de l’essai et de l’erreur : nous apprenons, et en vérité nous ne pouvons apprendre qu’à travers le risque librement assumé qui consiste à explorer des domaines dont nous n’avons ni connaissance ni expérience préalable. Nous apprenons, avant tout, à travers nos échecs et nos erreurs. Nos épreuves et nos expériences éthiques quotidiennes (mais aussi l’observation de celles d’autrui) alimentent notre croissance spirituelle et soutiennent le développement progressif de notre attention. Au cours de ce processus, nous approfondissons les ressorts et la causalité profonde qui gouvernent les « accidents » supposés de notre destinée (autrement dit, les épreuves éthiques particulières auxquelles nous devons faire face). Et nous prenons conscience, dans le même mouvement, des conséquences intérieures et extérieures de nos actes.

On pourrait évidemment citer à l’appui de ce propos toutes sortes de références philosophiques ou religieuses qui soulignent également cette dimension métaphysique profonde de notre vie éthique et spirituelle. Mais Ostad Elahi a constamment répété que c’est d’abord par le moyen de notre propre observation et en mettant en œuvre une rationalité et une réflexion active et continue sur les contextes et les conséquences concrètes de nos actes, que nous pouvons être en mesure de nous orienter pratiquement et de manière spirituellement enrichissante. Ostad Elahi insiste en particulier sur le fait que, comme tout processus d’apprentissage, le processus du perfectionnement éthico-spirituel (sayr-i takâmmul) doit être conçu de manière naturelle, universelle et séquentielle.

En conséquence, si l’homme concentre sa pensée, il peut parvenir à de grandes inventions dans ce monde et il peut découvrir dans la spiritualité beaucoup de secrets de la création. (AH1, 1989)

Au demeurant, comme bien d’autres penseurs spirituels, Ostad Elahi insiste sur le fait que les conséquences les plus manifestes et extérieures de cet approfondissement spirituel progressif ne sont guère différentes de ce qu’on attend en général d’un travail « éthique » : un tel processus se traduit en effet de façon tangible et immédiate par une plus grande simplicité dans le comportement, une certaine humilité et une attention réelle à autrui.

L’être humain véritablement humain doit prendre l’habitude des bonnes manières, quelle que soit la personne à qui il a affaire, car le résultat [spirituel] de son comportement n’échoit qu’à lui-même. Si l’autre est aussi un être humain digne de ce nom, alors les deux parties bénéficient du résultat. Si au contraire il est dépourvu de telles qualités et sans la moindre parcelle d’humanité, l’effet de sa misère et de son animalité n’échoit qu’à lui-même. Quoi qu’il en soit, nous bénéficierons toujours de l’énergie positive et du profit spirituel qui émanent de notre propre comportement. (AH1, 1941)

3. La purification de l’intention (le discernement spirituel)

Si l’on commence à réellement mettre en pratique cette attention spéciale à l’égard de nos motivations éthiques, si l’on réfléchit dans cette perspective aux conséquences de nos actions, on se trouve assez rapidement confronté à un point essentiel. C’est la nécessité qu’il y a de purifier son intention, c’est-à-dire d’agir au nom d’une conscience désintéressée du juste et du bien. Il y a peu d’aspects du travail éthique sur lesquels Ostad Elahi revienne avec autant d’insistance. Comme les principes que nous venons d’évoquer, cette notion d’intention pure est facile à exprimer en théorie, mais elle constitue un véritable défi dès qu’il s’agit de passer à la pratique. Et cependant, cette forme de discernement spirituel qui nous permet de distinguer les motifs qui nous font agir sous l’influence du soi impérieux (nafs) — ou si l’on veut, des pulsions de notre « ça » — et ceux qui relèvent d’une véritable inspiration spirituelle, nous la trouvons déjà à l’œuvre dans les situations et les conflits éthiques les plus élémentaires. Ce n’est qu’en découvrant et en mettant constamment en pratique ce principe de discernement et de désintéressement qu’il devient possible de finalement atteindre l’état de simplicité qui caractérise les degrés les plus élevés de réalisation spirituelle :

Car lorsque nous ne voulons que le contentement de Dieu, il est certain qu’Il ne nous laissera pas non plus dans la gêne en ce monde. Mais si nous voulons de Dieu ce monde, notre comportement est semblable à celui d’un enfant à qui on a donné tout ce qu’il possède et qui court acheter des friandises pour s’en gaver : il ne fait que se rendre malade, et à la fin il ne lui reste plus rien… (AH1, 2011)

4. Créativité et responsabilité

Il est clair que pour Ostad Elahi, la question qui nous rassemble autour de cette table — « Y a-t-il une expérience éthique du divin ? » — ne peut pas constituer un vrai problème. Et cependant le fait même qu’on puisse poser une telle question indique quelque chose. Il ne s’agit pas simplement d’une différence d’ordre culturel touchant aux définitions théologiques et philosophiques des notions fondamentales. Une telle question reflète, à mon sens, une réalité phénoménologique essentielle, à savoir que le domaine de « l’éthique », pour beaucoup de gens, demeure relativement restreint, ou du moins confiné à une sphère simplement extérieure ou sociale. Ostad Elahi, en explorant les processus naturels et progressifs qui façonnent notre entendement spirituel, manifeste une attention particulière aux structures naturelles qui orientent le phénomène éthique dans ses multiples dimensions et degrés de réalisation. C’est un trait tout à fait caractéristique de sa démarche, qu’il n’aie recours à cette question (« Y a-t-il une expérience éthique du divin ? ») et n’y apporte une réponse que pour mieux mettre en valeur les enjeux et les possibilités ouvertes par la situation (existentielle) dont nous avons parlé.

De même qu’il y a beaucoup de différences dans les dispositions des hommes, de même la créativité humaine varie en intensité et faiblesse relatives. Dans le domaine spirituel, on pénètre d’abord en soi-même, on concentre ses pensées. D’abord, des impressions et des signes nous traversent l’esprit. Puis peu à peu, on donne structure et forme à ces impressions et à ces signes. Cette puissance créatrice se modifie et se fortifie et elle réalise ces formes à travers des découvertes spirituelles et des actes de grâce, comme font les Amis de Dieu. Si [ce processus] ne prend qu’une forme subjective, sans trouver son effet extérieur, il se limite au bénéfice qu’on peut en tirer dans sa propre conscience… (AH1, 1989 et suivantes)

Cette dernière phrase souligne une autre conséquence « éthique » (mais aussi inévitablement sociale) du processus de développement spirituel. Pour Ostad Elahi, il est évident que l’attention accrue de l’être humain à l’égard du contexte spirituel et de la nature de son expérience éthique, ne constitue en aucun cas une « fuite » ou une retraite hors du monde et de la société. Ce qu’induit au contraire cette orientation éthique et spirituelle, c’est une conscience plus profonde des enjeux généraux et des responsabilités qui accompagnent nécessairement le processus de transformation intérieure :

En conséquence, si l’on réfléchit sur cette idée bien connue que « Celui qui se connaît connaît son créateur », si l’on comprend jusqu’où s’étend le rang spirituel de l’homme et quelles forces Dieu a mises en lui, alors on comprend aussi que d’un point de vue spirituel, chaque homme a le privilège unique et la capacité de s’élever plus haut que les anges, et, dans ce monde, de faire des études et de devenir savant. Les dispositions de l’homme ressemblent à l’eau pure qui est cachée sous la terre. Si on la fait sortir et qu’on la met à profit, c’est bien ; sinon elle est perdue. Si donc l’homme néglige cette capacité qu’il a, il reste enfermé dans les limites [de la pure animalité], et peut s’abaisser plus bas même que l’animal.

5. Persévérance

Il y a enfin un autre aspect essentiel de cette transformation de l’expérience éthique en un processus de prise de conscience spirituelle : c’est l’élément du temps. La spirale ascendante (le mi’râj) de l’expérience, de la réflexion et de la prise de conscience, peut se comparer à l’ascension d’une montagne : elle élargit sans cesse notre perspective. Elle transforme la conception même de ce que nous sommes, elle élargit les domaines d’espace et de temps qui constituent les dimensions dans lesquels nous évoluons et interagissons. La contrepartie pratique de cette ascension progressive, d’un point de vue éthique, est la persévérance (sabr), qu’on pourrait aussi bien appeler « courage » ou, pour reprendre l’idiome sobre des poètes sufi, « le travail ». L’ensemble de ce processus a bien été résumé par Ostad Elahi, dans un langage qui nous invite d’ailleurs à une compréhension plus profonde des symboles eschatologiques traditionnels du « Jardin » et du « Feu ». C’est l’histoire simple d’un vieux fermier qu’il a un jour rencontré :

J’allai un jour en dehors de la ville. J’aperçus au milieu du désert un jardin et un très beau pré. Je demandai à qui ils appartenaient. On me dit : « Ils appartiennent à un homme qui est parti de rien et qui est maintenant arrivé là. Un jour qu’il passait par ici, voyant qu’il y avait de l’humidité sous les cailloux, il creusa un peu le sol du bout de son bâton et vit que l’humidité augmentait. Il bâtit avec beaucoup d’effort et de peine un système d’irrigation, et maintenant cela fait environ vingt ans qu’il s’en occupe.” Plus tard je rencontrai cet homme et lui prodiguai beaucoup d’affection et d’encouragements. Lui-même raconta : “Lorsque je suis arrivé ici, j’étais tout seul et je n’avais pas de fortune. J’avais tout juste de quoi me procurer une pelle et une pioche, et avec beaucoup d’effort j’ai pu faire sortir de l’eau en creusant ce tunnel souterrain, et c’est ainsi que je suis arrivé à ce résultat.” Tout ce jardin et ce pré qu’il possédait, c’était grâce au principe de patience et de persévérance. (AH1, 1936)


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4 commentaires

  1. Bernard Grandadam le 21 Août 2009 à 19:02 1

    C’est vrai que de nos jours on met le mot éthique à toutes les sauces :
    la déonthologie et l’éthiques des avocats, la charte de l’éthiques des medecins, l’éthique de la fonction publique et même des mouvements spirituels qui parle de l’éthique sans Dieu. Ce livre a donc le mérite de repositionner le rôle central que le divin joue dans l’éthique, je dirai même d’en clarifier sa finalité.

    En particulier, la précision apportée quant à l’importance de la purification de l’intention à l’égard de nos motivations éthiques, me semble central. En ce sens où l’intention dans laquelle on fait un acte éthique en détermine sa finalité, et son sens : nous rapprocher un peu de notre créateur.

  2. Etienne le 24 Fév 2016 à 22:38 2

    L’auteur conclut dans  »1. Le Soi impérieux », après l’anecdote rapportée par Ostad Elahi:  » On comprend donc que même les degrés les plus élevés de l’attention au divin sont en réalité inséparables de cette structure universelle et intimement familière qui alimente tout conflit éthique intérieur. C’est nécessairement de cette situation fondamentale, lorsqu’on parvient justement à y répondre de manière appropriée, que dérive l’attention spirituelle. »

    Or, il m’arrive régulièrement d’avoir une attention au divin suite à un échec dans ma lutte contre un soi impérieux, lorsque ce dernier, victorieux et rassasié, s’efface. Dans ces cas-là, c’est ma conscience qui, naturellement (sans effort de ma part) refait surface et fait entendre sa voix, malgré la manière inappropriée dont j’ai géré mon conflit éthique intérieur antérieurement.

    Mais j’ai donc l’impression que cela contredit ce que l’auteur avance ! Comment comprenez-vous ce passage cité dans le cadre de votre pratique ?

  3. adissam le 05 Mar 2016 à 20:13 3

    Si je vous ai bien compris, cette « attention » viendrait a posteriori d’un échec. Or cette « voix intérieure » peut par exemple provenir d’un sursaut de la conscience blâmante du surmoi. Ce sursaut symptomatique pourrait au contraire suggérer une âme saine. On peut remarquer que la honte est un sentiment sain par exemple. Toutefois, une introspection plus approfondie serait nécessaire avant de poser un diagnostic de « bonne santé » de l’âme.

    En appliquant cette démarche sur moi-même, je me demande si parfois ne se manifeste pas également un syndrome d’hypersensibilité de conscience blâmante (« pourquoi ai-je agi comme ceci et pas comme cela », etc.) et ceci jusque plusieurs années après. D’où l’importance des principes justes et vivants sur lesquels baser ma consultation avec moi-même (une fois qu’on a trouvé cette source, on est plus serein face à nos échecs). Je me vois mal m’infliger une médecine du temps d’Hippocrate (même si l’esprit reste applicable).

    Concernant votre question, il y a deux temps ici, un court et un plus long. Par exemple, je comprends l’anecdote « des haltères » comme un signe d’un travail de fond, celui de voir le bien. De ce fait l’attention au divin s’exprime jusque dans les détails du quotidien, et l’on détecte ainsi mieux le « rôle que joue la Providence dans notre vie » (La Voie de la perfection, chap. 21 « la vision juste et voir le bien »).
    A titre personnel, il m’est arrivé un événement majeur il y a quelques années suite à quoi j’ai pu prendre conscience de Sa main bienveillante. Depuis, j’en ai déduis qu’Il doit nécessairement agir en permanence et cela jusque dans les détails de la vie, pour autant qu’on Y prête attention. Bien sûr ceci après avoir exclu toute causalité propre (mon mal de dos a sa cause). Le risque de glisser dans l’interprétation superstitieuse est vite fait. Dérive que je dois sous-estimer car en relisant l’anecdote, un des critère que j’en tire est qu’il s’agit d’un événement singulier : « Il n’était jamais arrivé auparavant qu’un des poids m’échappe des mains. »

    Quoi qu’il en soit, au final, ce qui compte c’est ce qu’on en fait, la leçon qu’on en tire, ici par exemple la gratitude:
    « Il y avait presque là quelque chose de comique. Je me réjouis de cet incident et je me prosternai aussitôt devant Dieu pour lui exprimer ma gratitude : “ Maintenant, il est évident que Tu m’aimes et que Tu veilles sur moi.. ” […] (AH1, 2002) « 

    1. Etienne le 31 Juil 2016 à 23:25 3.1

      Merci pour votre réponse adissam. A la lumière de ce que vous dites, j’y vois un peu plus clair. En cas de conflit intérieur, deux possibilités s’ouvrent à moi globalement:

      *** l’abandon: je laisse alors libre cours à ma pulsion. Pendant tout le temps qu’elle soumet ma raison, je suis pour ainsi dire coupé de la Source (bien que cela ne soit pas tout à fait exact à mon sens). Puis ce que vous mentionnez arrive, la voix de la conscience se fait entendre comme la pulsion est assouvie et que le soi impérieux satisfait, s’est retiré. La parole suivante semble d’ailleurs confirmer la valeur de ces moments d’attention et d’intention: « Pour un regret sincère, une simple larme de repentir, Dieu a fait parvenir bien des gens là où ils devaient arriver. L’essentiel, c’est l’intention et l’Attention ; oui vraiment, l’Attention, l’Attention ! (…) » (Paroles de Vérité, n°198)

      *** la lutte: le soi impérieux finit par se soumettre et bat en retraite alors quelques temps. La liaison à la Source en est alors renforcée, jusqu’au prochain assaut

      Reste maintenant à analyser et comparer l’effet des deux attentions, l’une issue d’une victoire et l’autre d’un échec… Mais peut être que cela n’a pas d’intérêt pratique réel au final ?

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