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La spiritualité naturelle : l’art de vaincre son soi impérieux

Conference de Leili Anvar, l'art de vaincre le soi impérieux

Le podcast précédent avait abordé la thématique du soi impérieux dans la tradition mystique classique, marquée par ce que Leili Anvar appelle une « stratégie d’évitement ». Une stratégie qui se traduit concrètement par des pratiques telles que des ascèses ou mortifications (évitement de la tentation endogène) et/ou un mode de vie contemplatif en retrait du monde (évitement de la tentation exogène).

Nous trouvons ici la suite de cette analyse, sous la forme d’un commentaire de l’histoire dite « des deux frères », qui illustre la spécificité de la démarche spirituelle d’Ostad Elahi : sans se départir de l’objectif de perfection spirituelle et d’élévation morale des mystiques anciens, Ostad Elahi propose une méthode, appelée « spiritualité naturelle », qui requiert de vivre en société, d’y fortifier le corps en satisfaisant ses besoins légitimes, tout en renforçant l’âme afin qu’elle soit en mesure de maîtriser le soi impérieux.

Là où les anciens répondaient par l’évitement à ce qu’ils concevaient comme la contradiction corps-âme, Ostad Elahi propose d’exploiter la tension corps-âme comme un moteur du perfectionnement.

Ce changement constitue une forme de révolution spirituelle, dont il faut mesurer la portée. Une révolution personnelle, assurément, comme le montre la biographie d’Ostad Elahi, marquée par le basculement de sa jeunesse passée en ascèses et en retrait du monde, à une vie de magistrat engagé aux côtés de ses contemporains ; avec, dans les deux cas, le même niveau d’exigence morale et la même intensité de vie intérieure. Mais une révolution qui, replacée dans le contexte des traditions spirituelles auxquelles Ostad Elahi est affilié, constitue plus qu’une histoire singulière; car de cette expérience inédite, Ostad Elahi retire une forme de spiritualité qu’il qualifie de « nouvelle médecine de l’âme », et qui concerne tous les hommes.

Écoutons Leili Anvar :

➤ L’histoire des deux frères


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15 commentaires

  1. Dex le 25 Nov 2010 à 10:58 1

    Cette histoire est très agréablement racontée et très bien analysée.

    Concernant mon propre cheminement (car il est possible que cela ne concerne pas tout le monde), je sens de plus en plus qu’un des points clé de ma recherche de perfectionnement, c’est que, vivant bien intégré dans la société, il ne faut pas se laisser influencer négativement par elle au travers notamment :

    Informations TV
    Constant déballage de vie privée dans une bonne moitié des médias (la « pipolisation »)
    Perte de morale sociale qui rend cette société invivable
    Courant général de pensée qui entraine vers la superficialité et la vulgarité
    Teinte pornographique qu’a pris la sexualité qui pourtant, si elle est portée par l’amour et le respect, est une chose si belle.

    Sans trop y réfléchir, ma pensée relie cela à une phrase que j’ai entendue à propos d’un sujet similaire : « ne devenez pas addicte »

    Voilà, je n’analyse pas plus pour l’instant. Peut-être que ce lien que ma pensée a fait entre « ne pas se laisser influencer négativement » et « ne pas devenir addicte » m’aidera, et en aidera d’autres à réfléchir…

  2. zitron presse le 26 Nov 2010 à 8:15 2

    effectivement, il m’a semblé que de travailler vraiment à maitriser quelques pulsions m’a permis progressivement de les maitriser, et non pas de faire semblant de les maitriser.

  3. Joseph Locanda le 27 Nov 2010 à 10:31 3

    le sujet est passionnant et constitue pour moi une innovation spirituelle sans précédent, non pas par l’idée que c’est dans la société que l’on apprend plutôt qu’en se retirant du monde, mais surtout dans l’analyse qui est faite de ce choix de confrontation des deux pôles qui constituent la nature humaine.

    L’expérience de vie d’Ostad Elahi est très originale en ce sens qu’elle va à l’encontre de tous les processus classique de purification par le retrait du monde des vivants. L’ermite, le derviche, le moine… ont acquis avec le temps un statut social et spirituel très fort, une reconnaissance, une admiration pour leur choix essentiel. L’évitement pour reprendre cette expression est considéré comme une forme de courage spirituel, instauré comme une voie spirituelle, admiré comme le nec plus ultra de ceux qui ont compris ce qu’il fallait faire pour se perfectionner. Et cela fait des millénaires que cette situation perdure.

    l’innovation révolutionnaire dans la démarche spirituelle, c’est l’explication qui est donnée de ce contre pied radical par rapport à la vision classique. Chaque point de l’analyse est en décalage et ouvre des champs nouveaux de connaissance spirituelle et donc d’expérimentation.
    Pendant des siècles, les religions nous ont appris qu’il fallait fuir le « diable » qui est en nous. Ostad Elahi nous explique qu’il faut l’utiliser (le soi impérieux) pour nous perfectionner et qu’on ne peut percevoir de perfection sans lui.

    Somme toute, c’est une vision très matérialiste de la spiritualité en ce sens qu’il n’est plus question de travailler sur des non actes ou le refus de certaines « valeurs » non éthiques (stratégie d’évitement), mais de travailler sa matière, de la polir, de la transformer à l’aide d’outils que sont la pratique de principes éthiques authentiques et la maîtrise du soi impérieux, instrument incontournable de notre perfectionnement.

    Cette approche change complètement l’objet même de la spiritualité telle que nous la connaissons.

  4. lm le 29 Nov 2010 à 10:49 4

    En réfléchissant plus posément à cette histoire, il m’a semblé clair que la stratégie d’évitement ne permettait pas de fortifier l’âme, ni la volonté, mais qu’en plus, cette démarche nous coupait de toute forme de pratique altruiste, et donc d’un autre moyen de perfectionnement.
    Les autres nous sont essentiels pour que nous puissions travailler sur nous et transformer notre substance en luttant contre notre soi impérieux, mais également pour que nous puissions développer des qualités, des vertus, et devenir utiles à la société.

  5. gaby le 30 Nov 2010 à 12:42 5

    un grand merci pour cette analyse fine et précieuse qui m’a donnée énormément d’énergie !
    une sorte d’électrochoc qui remotive… une envie de ne plus laisser passer tous les micro événements de la vie quotidienne qui sont autant d’occasions de travailler sur soi, à l’intérieur de soi.
     » Etre actif, mais ne pas se laisser envahir par des préoccupations matérielles », au travail !

  6. MIA le 07 Déc 2010 à 19:40 6

    @ Dex
    @Im
    A tous les deux
    Bien vu
    Bien dit
    Bien motivant
    Merci

  7. KLR le 04 Jan 2011 à 22:22 7

    Lorsque j’écoute cette histoire, j’ai le sentiment que le frère citadin fait preuve de plus de maturité et de responsabilité que l’anacorète. En effet, il est sans doute beaucoup plus facile de se priver de ce qui peut tenter notre soi impérieux que d’avoir ces tentations sous la main et de s’en passer par la maîtrise et la force de la volonté.
    Cela me fait penser à ce petit exemple très classique que sans doute certain d’entre nous auront également vécu : lorsque je veux lutter contre ma gourmandise et perdre par le même temps quelques kilos, j’évite d’avoir à la maison du chocolat et autre friandise…
    Pourtant, je remarque que je n’en ai pas pour autant lutter contre cette pulsion, et lorsque de nouveau, les denrées seront à portée de main, je succomberai illico presto !

  8. Ari le 03 Fév 2011 à 0:37 8

    Comment faites-vous pour les chocolats ?

  9. Cogitons le 07 Fév 2011 à 4:49 9

    La question du chocolat est, il est vrai, d’importance non-négligeable et plutôt universelle.
    Une méthode que je trouve admirable, est celle du Docteur Oliver Sacks, le grand neurologue, psychiatre et auteur. Ayant un gros faible pour le chocolat, il a adopté l’usage suivant: depuis plus d’une trentaine d’années, lorsqu’il sort de chez lui pour aller travailler, il a toujours un dollar en poche, et avec ce dollar, il s’achète l’équivalent en chocolat.
    1 dollar, ni plus, ni moins.
    Il satisfait ainsi à son désir cacaotique, sans que celui-ci ne devienne chaotique.
    Et l’inflation, me direz-vous? Le métabolisme ralentissant avec l’âge, il est sans doute préférable de ne pas ajuster le dollar chaque année en fonction de l’inflation. La quantité de chocolat diminuera au fil du temps, ce qui n’est pas plus mal…
    Oliver Sacks n’a pas répondu à cette question, qui ne lui avait pas été posée.

    Dans le même ordre d’idée, ayant choisi d’utiliser son temps, son bien le plus précieux (il a plus de 70 ans), à des activités qu’il juge les plus importantes, il ne fait ni les courses, ni la cuisine. Sa femme de ménage achète, en début de semaine, sept pommes, un nombre précis de sardines (que j’ai oublié) ainsi que de la semoule de blé.
    Le Lundi, elle prépare un taboulé et fait cuire des sardines pour la semaine. Le Dr Sacks mange chaque jour sa ration de taboulé (son repas préféré, ce qui tombe bien) et sa pomme. Il sait qu’il ne peut se laisser aller à trop manger un jour, sous peine de ne pas avoir assez pour les jours suivants. De la sorte, il satisfait à ses besoins caloriques, à sa gourmandise, sans jamais tomber dans l »excès, et parvient à consacrer son temps à ce qu’il juge important.
    Épatant, non?

  10. Joseph Locanda le 07 Fév 2011 à 22:58 10

    la spiritualité naturelle c’est de donner le bon aliment en juste proportion au besoin de l’âme. Par analogie, nous pouvons transposer ce principe au corps et vice versa. Le chocolat a des vertus pour le corps selon une quantité déterminée que je ne connais mais surement inférieure à une tablette par jour! Le problème c’est que c’est comme le cacahuètes ou les noix de cajou, quand on commence, on ne sait plus s’arrêter!

    Le docteur Oliver Sacks avait attend un certain niveau de sagesse pratique mais sous contrainte. La vraie maîtrise est de limiter la prise à deux morceaux de chocolat alors que rien ne nous empêcherait de finir la tablette… A vos tablettes!

  11. mike le 09 Fév 2011 à 0:29 11

    ceci dit je ne suis pas certain que se concentrer sur l’alimentation soit une démarche essentielle de la spiritualité naturelle? si manger une tablette de chocolat vous aide à trouver l’énergie nécessaire pour aider quelqu’un dans le besoin, cela me paraît justifié; l’essentiel est de respecter le dépôt de santé que l’on a en soi; en excès tous les jours c’est évidemment pas très bon par excès de sucre et graisses et risque de surpoids, lui même ayant tendance à nous rendre plus apathiques.
    il me semble cependant comprendre que l’essentiel est de trouver les pensées ou comportements négatifs qui nous détournent de voir ou de rechercher le vrai (les principes éthiques divins) et qui empiètent aussi sur le droit d’autrui (et par là aussi le corps qui doit rester en bonne santé); par ex dans cette histoire Ostad Elahi montre que les formes anciennes de spiritualité ou de mortifications sont inutiles à la connaissance de soi et au perfectionnement de notre âme puisqu’à la moindre tentation, il cède au soi impérieux; tout le temps passé à méditer loin de la société a été inutile au frère voir néfaste pour son avancement puisque souvent quand on réfrène une envie licite trop longtemps, elle resurgit souvent beaucoup plus fort… on peut quand même reprendre l’analogie des régimes alimentaires qui on le sait maintenant sont inutiles puisque l’on reprend plus de poids après…

  12. Cogitons le 09 Fév 2011 à 17:28 12

    Ce que j’aime dans la démarche d’Oliver Sacks, c’est la maturité et surtout, que sa méthode est intelligente, modeste, implacable et concrète.
    Lui qui passe son temps à étudier les Hommes, il voit très bien en lui, l’animal Sacks, ses désirs de chocolat et de grosses bouffes. Il ne le réprime pas, il ne le renie pas: il le dompte, il le discipline, avec une bonne dose d’humour, ce qui est essentiel. Il lui laisse son petit plaisir quotidien (et nécessaire, il faut bien manger), sardines et chocolat.
    Et surtout, jamais il ne dévie de cette conduite: il sait ce que c’est la condition sine-qua-non d’un succès durable.
    Car, soyons sérieux: qui d’entre nous peut sérieusement prétendre avoir, une fois pour toutes, apprivoisé l’animal, dans quelque domaine que ce soit?
    Pour ma part, je ne crois rien de tel. Je n’ai rien apprivoisé du tout. On se raconte des histoires, on se croit devenu sage, jusqu’au jour où un changement de vie, de circonstances, fait revenir au premier plan ce que l’on croyait maîtrisé à jamais.
    Ne jamais sous-estimer l’adversaire (qui d’ailleurs, n’en est pas vraiment un). Savoir qu’il est toujours là, avec un sourire en coin, et lui répondre en espèce, par un sourire en coin: « j’te vois v’nir dans la belle robe du sage… mais voyons qui de nous deux sera le plus malin », et le tenir en respect par une discipline de vie, une méthode bien délimitée, régulière, quantifiable, et humble, comme la méthode Sacks.

  13. mike le 11 Fév 2011 à 0:54 13

    c’est vrai, ce n’est quasiment pas possible sauf exceptionnellement de maitriser totalement cet animal qui est en nous, en tous cas en une vie ou dans cette vie; c’est bien pour cela, je crois, que c’est l’effort qui compte et qu’il y a une notion de mérite par rapport à cet effort et à la situation donnée de la personne; le jeu est au delà de la psychologie humaine, il nous emporte vers le développement de l’organisme psycho spirituel; cet effort nous amène aussi à la maturité et à l’entendement de ce que l’on doit comprendre chacun à son niveau; je pense que la méthode de s’étudier soi même est aussi intelligente, modeste, implacable et concrète surtout quand les résultats se confrontent avec ceux des autres

  14. Ms le 03 Juin 2011 à 23:14 14

    Dans la continuité de tous vos commentaires, je pense que l’importance de trouver le juste milieu dans tout ce que nous faisons est à noter aussi… C’est là, je pense, que réside toute la difficulté de la lutte en ce sens que nous devons souvent aller à contre courant de ce qui se fait; trouver ce juste milieu est, en effet, très difficile quand on peut facilement être brouillé par tout ce qui nous entoure: cette société de consommation où l’excès dans la vie de tous les jours se fait ressentir de plus en plus…

    A mon avis, il faut faire attention à ce que l’on entend par « être actif » dans la société – comme on peut l’entendre – et le fait de « se retirer de la société ». Pour ma part, être trop actif dans la société peut être tout aussi mauvais que se retirer totalement de toute vie sociale… C’est là, à mon sens, que la notion de juste milieu prend tout son sens. En quelques mots, je veux dire que quel que soit le cas de figure que l’on considère, à partir du moment où l’on se trouve dans l’excès, ce n’est pas bon; encore une fois parce qu’on a pas respecter l’équilibre requis. Je dirai même alors qu’il faut que nous prenions un peu des deux situations, le juste milieu de ces dernières en fait: être actif dans la société (mais pas trop, pas dans l’excès car nous devons faire attention aux mauvaises fréquentations, aux fausses valeurs, etc.) et savoir nous retirer quand il le faut (finalement tout l’aspect rituel qu’il y a dans la spiritualité de manière à se retrouver, à faire le point par l’auto-suggestion, etc.) pour ne pas se noyer dans la matérialité qui nous englobe.

    Finalement, je vois ça comme une stratégie que chacun de nous se doit d’élaborer car, je pense, chacun de nous ne peut avoir une autre stratégie que la sienne tout simplement car les besoins d’améliorations ne sont pas les mêmes et aussi parce que seul elle ou il sait en quoi ces derniers consistent et comment elle ou il doit s’y prendre. En d’autres termes, au regard de ce qui nous est mis à disposition quotidiennement, de notre corps milieu – amis, famille, travail, … – il faudrait peut-être prendre ce dont nous avons besoin avec le bon dosage et l’utiliser à bon escient avec toujours le même objectif final à l’esprit: notre perfectionnement !

    Comme on peut l’entendre, l’idéal pour notre âme étant de « la rendre si forte qu’aucun vent ne puisse la faire trembler. » Sur ces beaux mots, bon courage à tous !

  15. KLR le 29 Jan 2014 à 11:08 15

    Constat: Depuis quelques temps, j’avais le sentiment que par un effet de vase communiquant, mon attachement pour la vie matérielle avait diminué au profit de la vie spirituelle.
    Or en quelques jours, sous l’effet d’une simple recherche internet à propos d’appartement à acheter, j’ai pu observé combien mon égo s’enflammait, au point de m’occuper l’esprit les trois quart du temps. Envolée les impressions de progrès : au contact du réel, je suis partie immédiatement dans des spéculations chimériques !
    Retour à la réalité un peu amère mais réaliste !

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