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La négligence

Par , le 28 Avr. 2013, dans la catégorie Pratiques - Imprimer ce document Imprimer - English version
Acte de négligence

Il est probable que si l’on nous posait la question : « faites-vous preuve de négligence ? », on serait tenté d’acquiescer, car le contraire risquerait d’être perçu comme le signe d’une certaine suffisance. Par contre, si l’on nous demandait : « mais sur quels aspects faites-vous preuve de négligence ? », les choses se compliqueraient sérieusement. En effet, comment déceler ce sur quoi il nous arrive d’être négligent et le degré de notre laisser aller (régulier/passager, léger/grave) puisque, par définition, provenant d’un défaut d’attention, notre négligence ne peut être perçue clairement et directement ? Ou bien, ce qui revient finalement au même, puisqu’on ne lui accorde aucune importance.

Certes, il peut arriver que la voix fluette de notre conscience morale se manifeste du fond de notre esprit au moment où nous nous apprêtons à faire acte de négligence. Mais elle risque fort de se trouver instantanément noyée dans le flot boueux et ininterrompu de nos pensées quasi automatiques, et de manquer d’énergie pour impulser de notre part un acte de volonté visant à contrecarrer cette négligence.

Qui plus est, il est en général un peu plus facile d’avoir conscience qu’on ne devrait pas faire quelque chose que l’on fait sciemment, que de repérer ce qu’on devrait faire mais qu’on ne fait pas. Notre ego dispose ainsi d’une habileté presque sans faille et d’une panoplie impressionnante d’outils, rationnels ou pas, lorsqu’il s’agit de nous voiler ce petit défaut à nous-mêmes ou de nous en disculper ; la négligence, ce petit défaut, après tout si naturel, si ordinaire, si universel…

Comment dénicher, dès lors, les expressions de notre négligence ?

En « se posant » quelques instants et en faisant un bilan du type :

  • est-ce que je reporte régulièrement les mêmes tâches ?
  • est-ce qu’il m’arrive souvent des événements désagréables : PV, relances de facture, réparations ménagères en urgence, etc. ?
  • me fait-on des reproches par rapport à des délais ou des promesses non tenus, à du désordre que je génère, à des tâches non accomplies, des propos inadéquats, etc.
  • ai-je rendu tous les objets que l’on m’a un jour prêtés, rendu tous les services, les invitations, etc. ?

Ce bilan du point de vue matériel et social peut se doubler d’un bilan du point de vue spirituel :

  • ai-je conscience de ce pourquoi je suis venu sur terre et de ce qui est donc prioritaire dans ma vie, non seulement en termes de nature d’activités, mais de façon de les accomplir ?
  • ai-je un programme spirituel (moments d’attention au divin, luttes contre des manifestations du soi impérieux, actes altruistes, etc.) ?
  • ai-je l’impression de ne jamais arriver à accomplir correctement ce programme ?
  • suis-je capable en soirée de faire un bilan spirituel clair et détaillé de ma journée ?

On perçoit probablement, par ces simples questions, que la négligence nous est… consubstantielle, et s’écoule de nos actions, comme de nos inactions, avec une vigueur inversement proportionnelle à l’attention que nous portons aux êtres et aux choses. D’ailleurs, la distinction matériel/spirituel, qui peut paraître pratique au premier abord pour catégoriser les activités, est-elle si pertinente ? Car dès lors que notre négligence matérielle nous conduit régulièrement à léser le droit de tiers, ne devient-elle pas un problème spirituel, passant, du coup, du statut de « petit défaut », que notre ego lui confère aisément, à celui de faute ?

Symétriquement, dès lors que nous luttons contre nos négligences (en commençant prudemment par une ou deux récurrentes) dans l’intention d’accomplir notre devoir humain ou pour le contentement de Dieu, ne sommes-nous pas en pleine action de nature spirituelle, en pleine spiritualité ?

Le problème est qu’il n’est pas facile de se sentir motivé à lutter contre la négligence. Si, par divers retours de bâton (ou de courrier en ce qui concerne les factures impayées), on peut prendre conscience de leurs conséquences matérielles, leurs conséquences spirituelles sont, elles, bien plus difficiles à appréhender : survenue d’états psychiques désagréables (sensation de mal-être, de ne pas maîtriser sa vie, pessimisme, sentiments négatifs envers ceux qui nous expriment, pas toujours avec délicatesse, les désagréments que notre négligence leur fait subir, etc.) dont le lien avec l’accumulation de négligences sera d’autant moins évident qu’on aura tendance à en rejeter la faute sur les circonstances, la société, les autres, etc. ; stagnation dans son perfectionnement éthique par insouciance du droit des autres ; perte d’attention spirituelle puisque le psychisme est encombré par les soucis générés par notre négligence, etc. Autant d’occasions de progresser perdues, d’enchainements de causalités négatives, de portes d’accès à un avenir matériel et spirituel meilleur qui se sont fermées ou qui resteront invisibles tant que nous n’aurons pas trouvé et tourné la clé — l’attention — qui déclenchera les processus de causalité inverse.

Difficile donc de se sentir motivé et de mobiliser notre volonté pour parer aux négligences. Or c’est un cercle vicieux : moins on a de volonté pour lutter, plus l’emprise du soi impérieux est forte et plus on minimise la négligence ; et plus on minimise la négligence, moins on a de motivation et de volonté… Comme pour toute lutte contre le soi impérieux, rappelons-nous cependant que la présence divine est toujours à nos côtés. A condition de ne pas la… négliger, c’est-à-dire de lui demander humblement et sincèrement son aide, son énergie vient immanquablement renforcer notre volonté.

Pour terminer, voici deux propositions d’actions concrètes :

  1. repérer une négligence récurrente qui lèse le droit de quelqu’un et y remédier coûte que coûte. Par exemple, ranger systématiquement et immédiatement les choses que je viens d’utiliser et dont je n’ai plus besoin (et que quelqu’un d’autre que moi prendra probablement du temps et de l’énergie pour la ranger si je ne le fais pas).
  2. s’obliger à penser deux ou trois fois par jour à sa relation au divin en se concentrant sur le sens des mots, en s’adressant à Lui comme s’il était en face de soi. (voir le billet « Une prière réussie »)

On peut utiliser toutes les astuces mnémotechniques qu’on veut, post-it, alarmes, rappels électroniques, etc. mais en tenant compte, toujours, de son entourage : son éventuel regard critique sur une pratique un peu trop voyante et bruyante n’est peut-être pas à négliger…


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20 commentaires

  1. Léa le 29 Avr 2013 à 7:52 1

    Vraiment fantastique , à se remémorer tous les jours …et surtout par une pratique discréte …pas voyante … car c’est encore un coup de l’ego de frimer que l’on travaille sur soi en le montrant ou clamant haut et fort.

  2. Wilhelm le 29 Avr 2013 à 18:40 2

    C’est à un constat pertinent et inquiétant que nous conduit cette réflexion.

    Heureusement, la réponse est contenue dans la question, puisque l’auteur cite :

    « Comme pour toute lutte contre le soi impérieux, rappelons-nous cependant que la présence divine est toujours à nos côtés. A condition de ne pas la… négliger, c’est-à-dire de lui demander humblement et sincèrement son aide, son énergie vient immanquablement renforcer notre volonté ».

    On a donc une clé pour travailler

  3. A. le 29 Avr 2013 à 23:40 3

    Une source de négligence fréquente est de me fixer des moments de prière et ensuite d’écouter les arguments du soi impérieux qui me poussent à reporter ces moments. Le résultant est qu’en fin de journée, je n’ai pas respecté ce que je m’étais fixé.

    Pour ma part j’ai identifié les arguments suivants :

    1. le fait de reporter un moment d’attention à la Source, ne tire pas à conséquences puisque se sont des micro-actions sans importance.
    2. Je ressens déjà un état de bien-être, je me sens léger, en paix avec moi-même et avec tout le monde, donc pas besoin de faire une prière.
    3. Pas possible d’avoir un moment d’attention à la Source, je suis entouré par plein de personnes.
    4. Il n’est pas possible de dire une prière comme il faut, je vais donc le faire plus tard, dès qu’un moment plus propice se présente.

    On voit que tous ces arguments sont faux, par exemple :

    Argument 1) pour comprendre l’effet néfaste qui résulte du fait de reporter ses moments d’attention, il suffit d‘analyser son état pendant la journée ou en fin de journée : augmentation des émotions négatives, baisse de la motivation vers la spiritualité ou à aider autrui etc … – dans l’article on parle justement de la « survenue d’états psychiques désagréables »

    Arguments 3), 4) si on a absolument besoin de quelque chose (situation de besoin urgent) on trouve toujours une solution et le fait d’avoir un moment d’attention à la Source ne semble pas revêtir ce caractère d’urgence/importance.

  4. A. le 29 Avr 2013 à 23:41 4

    Merci de cet article

    Je réfléchissais afin d’identifier une de « mes négligences récurrentes qui lèse le droit de quelqu’un pour essayer d’y remédier coûte que coûte » et je me suis rendu compte que ma femme passe beaucoup de temps à aider mon fils ainé avec ses devoirs, qu’elle dépense une quantité d’énergie considérable dans cette tache alors que moi je lui demande à peine si l’école s’est bien passée (et parfois même, j’oublie). Voilà donc une occasion pour soulager ma femme, renforcer le rapport avec mon fils aîné tout en luttant contre ma négligence.

  5. P.T. le 01 Mai 2013 à 6:49 5

    Merci beaucoup pour cet article qui m’a vraiment reveille! Avant avoir commence a lutter contre la negligence, je ne me suis meme pas rendu compte que j’etais negligeant! C’est maintenant que je me suis apercu qu’on est entoure par le vrai brouillard qu’est notre ego.

    Aussi, quand j’ai lu cet article, je me suis demande: « Quelle est la difference entre la negligence et la paresse? » Il me semble que la paresse induit la negligence, mais je ne peux pas m’imaginer des cas ou on est negligent, mais pas paresseux.

    Enfin, aujourd’hui, quand j’ai commence a lutter contre ma negligence en rangeant ma chambre ou repondant a des e-mails dans ma boite « a lire quand j’ai le temps », j’ai aussi decouvert que le soi imperieux nous attaque non seulement par la negligence, mais aussi par l’exces. Par example, je me suis tellement concentre a ranger ma chambre que cela m’a pris des heures, et a cause de cela je n’avais pas d’energie pour accomplir mon ‘vrai’ devoir, c’est-a-dire etudier pour mes examens (peut-etre cela est aussi une sorte de negligence?) Je pense que, au final, il me faudra trouver la balance entre la negligence et l’exces.

  6. Land le 01 Mai 2013 à 13:25 6

    J’ai remarqué chez moi une tendance a dire aisément « ah j’ai oublié » (la requête d’un ami, le moment d’Attention…) ou « je n’ai pas eu le temps » (de prendre rdv avec mon dentiste, de réparer la voiture …): sans trop m’attarder sur les conséquences…. »je le ferai plus tard » …
    Je vous remercie pour votre article qui me livre les clés de mesure à travers un questionnement simple et pertinent pour me responsabiliser, « me rappeler à mes devoirs »… merci.

  7. ATIG le 05 Mai 2013 à 17:17 7

    Je vous remercie pour ce texte si édifiant. Je me retrouve dans ce cercle vicieux aussi bien au niveau matériel que spirituel que vous décrivez si bien.
    Avec l’aide du Divin, vous m’avez donné l’impulsion de faire une chose par jour, tant infime soit elle, afin de casser cette montagne de « tâches à faire » dont j’ai l’impression que je n’arriverai jamais au bout.
    Et me rappeler que l’EFFICACE en toute chose c’est LUI donc en prenant même des petits pas, si IL veut la montagne fondra comme neige au soleil.

    Bien cordialement,

  8. blanche le 08 Mai 2013 à 0:12 8

    Mille fois mercis pour ce thème si bien analysé qui concerne tous nos actes quotidiens, pour la pertinence des exemples donnés et surtout pour la description des conséquences spirituelles.
    En pensant à certains reproches répétés par mon entourage familial, j’ai pu identifier facilement quelques négligences, et ainsi essayer de travailler dessus pour les supprimer.

  9. Wilhelm le 08 Mai 2013 à 5:26 9

    @ Atig

    j’avais une journée difficile que j’appréhendais beaucoup; avant de partir de chez moi
    j’ai lu votre commentaire qui se réfère à la lutte contre la négligence, et à LUI, l’EFFICACE, et j’ai essayé de m’en inspirer un peu (beaucoup).

    Alors, LUI a fait que cette journée s’est passée à l’inverse de ce que j’attendais : au lieu d’un cauchemar, ce fut un jour de lumière.

    Ce que j’ai fait pour lutter contre la négligence ?

    Seulement accepter d’aller au devant de l’épreuve.

    Le reste, c’est-à-dire tout le reste, vraiment tout le reste de A à Z, c’est LUI qui a tout fait.

    Merci

  10. juliette le 08 Mai 2013 à 12:52 10

    Le travail sur la négligence, que j’ai allié à celui sur la volonté, a fait justement partie de mon programme de l’année. Ranger ses papiers, prudence sur les PV de stationnement, être attentive aux autres, attention suivie au divin … Cela a bien fonctionné pendant un assez long temps et comme j’ai jugé que j’avais très bien classé mes papiers (sic), je suis passé à autre chose ! Et, réaction en chaîne, j’ai négligé en cascade les autres intentions. La leçon est pour moi qu’aucune négligence, aussi petite soit elle, ne doit être tolérée et tolérable surtout quand on se fait un programme dans ce sens. Petite négligence, grande conséquence : le divin, les autres, etc… envolée la volonté et la cascade des conséquences est très violente !
    Merci pour cette remise en question et ce rappel à mon ordre !

  11. KLR le 08 Mai 2013 à 20:00 11

    Merci pour votre article, depuis j’ai pu en effet répondre à un certains nombres de courriers en retard ou de tâches que j’avais laissé pour plus tard.
    je me suis demandé aussi sur quel point j’étais assez négligente, et j’en ai trouvé un qui m’est reproché par mes proches: celui de ne pas écouter ce qu’ils me disent.
    Il y en effet de ma part une écoute sélective et les informations que je reçois de mes proches passent souvent à l’as par manque d’attention.
    J’ai d’ailleurs pu remarquer lorsque je me suis trouvé dans la situation inverse (parler à quelqu’un qui n’écoute pas) à quel point c’est désagréable !
    @ Si vous avez des expériences sur la question, qui puisse m’éclairer dans la pratique de ce point, Je serai heureuse d’en profiter !

  12. juliette le 09 Mai 2013 à 10:59 12

    pour ma part, on m’a beaucoup reproché, proches, amis, de ne pas écouter, ou alors
    d’une manière également trop sélective. J’arguer comme excuse que j’étais trop occupée par mon travail, mes problèmes persos, avec même une légère indignation lorsque la personne « se permettait » de m’en faire le reproche. Et puis un jour j’ai décidé de m’atteller à la tâche de la véritable écoute.J’ai commencé avec sincérité, je crois, par demander l’aide du divin et j’ai foncé sans ménagement. J’ai appellé ceux que je négligeais, m’accrochais avec persévérance même quand les conversations étaient ennuyeuses, devançais des services à rendre, bref j’ai fait dans l’excès intentionnellement pour me ramener petit à petit dans une plus juste mesure. Et j’ai vu, Ô miracle, mes proches et amis me dire « dis donc, tu as changé, c’est cool de te parler ! »Mais c’est surtout, malgré encore de nombreuses négligences d’écoute, je sens, quasiment dans ma subsatnce, le changement : c’est réveillé petit à petit un sentiment d’affection, de compassion pour les autres, j’allais même dire, de tendresse. Et là, on sait que c’est tout bénéfice: les autres sont contents, et nous on est heureux.

  13. Sandrine le 09 Mai 2013 à 17:41 13

    @ KLR

    J’ai un peu travaillé sur le point de l’écoute des autres. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles on n’écoute pas véritablement quelqu’un qui s’adresse à nous : je n’ai pas le temps, ce qu’il/elle dit n’est pas intéressant, il/elle me dérange pendant que je fais autre chose, sa tête ne me revient pas, on prépare dans sa pensée ce qu’on va lui dire, etc.
    Mais je crois que tous ces arguments se ramènent à une cause fondamentale : le fait de se sentir supérieur(e) à notre interlocuteur et donc qu’il/elle ne mérite pas notre attention. Evidemment, on ne se l’avoue pas, et d’ailleurs, ce sont des jugements automatiques, quasi inconscients. Mais un signe ne trompe pas : si on se trouve face à quelqu’un à qui on porte de l’admiration, ou qu’on aime profondément, on est attentif à tout ce qu’il nous dit (même si peut s’y mêler le souci de ne pas être mal considéré par défaut d’égard).

    Je me souviens d’avoir il y a longtemps participé à l’organisation d’un concert pour un musicien en m’occupant des relations avec la production de la salle. Plusieurs années après, j’ai rappelé la responsable de la production pour une autre affaire. Au téléphone, je lui ai demandé si elle se souvenait de moi et elle m’a dit : « Si je me souviens du concert de X ? et comment ! et ce sont surtout les techniciens de la salle qui s’en souviennent tant ils ont été touchés par la gentillesse et l’attention que X leur a portées pendant les réglages. Au lieu de leur imposer ses exigences, comme font tous les grand musiciens, il leur disait « dites-moi comment vous voulez que je me place, où vous souhaitez positionner les micros, etc. vous êtes les professionnels, je ferai comme vous me dites… » Ils m’en reparlent tout le temps… ».

    Pour ma part, j’essaye de mettre en pratique l’écoute de la manière suivante : dès que quelqu’un m’adresse la parole, qui que ce soit, quelle que soit la circonstance, j’arrête ce que je fais et je lui porte toute mon attention. C’est très difficile, surtout vis à vis des personnes avec lesquelles on se sent moins d’affinité, ou qu’on ne cherche pas (plus) à séduire ou pour lesquelles on ne cherche pas spécialement à se montrer sous un jour favorable. C’est souvent tout bonnement les personnes de sa propre famille proche, avec lesquelles « on est soi-même! », « on ne prend pas de gants ! », toutes bonnes raisons pour laisser déborder en soi les penchants moins avenants voire désagréables.

    Me vient l’exemple de la gardienne de mon immeuble. Je l’apprécie car c’est une femme sympathique, mais on ne partage pas vraiment de centres d’intérêts. Au début, quand elle me parlait, de choses qui ne me passionnent pas, je me débrouillais pour écourter les conversations, pensant le faire d’une manière suffisamment délicate pour qu’elle ne s’en aperçoive pas (mais je n’en suis pas absolument certaine…). Depuis quelques mois, je m’impose non seulement de l’écouter jusqu’au bout mais même de lui poser des questions, d’animer les échanges, de valoriser ce qu’elle fait. J’ai ainsi compris qu’elle se sent un peu seule et qu’elle a besoin de parler pour être reconnue dans son travail ingrat. J’ai aussi découvert en elle des qualités dont je ferais bien de m’inspirer : serviabilité, bonne humeur à toute épreuve, etc.
    Avec le temps, ce qui était d’abord un peu pesant est devenu léger et je sais qu’elle apprécie ces moments d’échange. La clé pour moi a été de chasser cette voix très ténue en moi (car j’ai quand même une bonne éducation) qui disait : « elle n’est qu’une gardienne d’immeuble… » et fabriquait un frein psychologique qui m’empêchait de l’écouter et d’aller plus sincèrement vers elle. Je crois que cela n’a été possible (et ne peut s’améliorer) que par l’effet d’une autosuggestion régulière visant à sentir la présence divine dans le coeur de chacun et qui peu à peu, fissure la gangue de préjugés qui m’illusionne sur moi-même (je suis mieux, je vaux mieux, etc.) et obstrue en moi la réception de la lumière divine sans laquelle je ne peux ni me rapprocher des autres, ni de Lui.

  14. Wilhelm le 09 Mai 2013 à 21:34 14

    @ KRL

    je ne sais pas si mon expérience peut vous être utile mais voici:

    je suis exactement comme vous, probablement en bien pire : j’aime assez bien m’écouter et j’aime assez que les autres m’écoutent, mais jusqu’à présent je ne les écoutais que rarement avec beaucoup d’attention

    Voilà ce que cela m’a apporté :

    1. Les gens s’éloignent de vous quand ils voient que vous vous intéressez plus à vous-même qu’à eux

    2. Vous n’apprenez rien des autres car, par définition, vous ne les écoutez pas

    3. Petit à petit vos propres monologues commencent à vous lasser vous-même car vous les connaissez, pas définition ENCORE, par cœur

    4. Il y a encore beaucoup d’autres méconvenues que j’ai expérimentées

    Conclusion : après un certain temps, comme Jacques Brel le disait dans la chanson : « on se retrouve seul ».

    Croyez-moi, comme c’est très très désagréable, après on commence à écouter les autres… pour son plus grand profit 🙂

  15. juliette le 10 Mai 2013 à 11:48 15

    Juste une petite réflexion ce matin à propos de la négligence et du témoignage de Willem, que je remercie beaucoup : c’est de savoir se taire, complètement, lorsque les autres vous parle … ce que je fais très très rarement et qui dénote une façon détestable de toujours vouloir se mettre en avant, de vouloir briller et de prendre le pas sur les autres ! Le fameux « MOI JE » – Ce sera ma méditation et mon travail dans les temps à venir, que j’espère faire durer.

  16. KLR le 11 Mai 2013 à 21:56 16

    @ Sandrine et Wilheim : Je vous remercie beaucoup pour vos précieux conseils. Je suis très sensible à l’expérience que vous avez raconté à propos de ce Mr X, de sa disponibilité et de son humilité envers les techniciens.
    Votre exercice pratique : d’arrêter ce que vous faites pour être attentif et entièrement disponible est je crois la bonne piste et je vais essayer d’aller dans ce sens.

    Il arrive aussi que l’on essaye d’écouter quelqu’un mais que la qualité d’écoute n’y soit pas. Je crois que c’est souvent ce qui arrive lorsque l’on est avec un groupe de personne, et qu’il y a plusieurs conversation en même temps.
    Récemment, j’avais fait venir des collègues pour participer à un jury d’examen et je leur ai proposé de diner ensemble, pour aller dans le sens de la convivialité. L’un de mes collègues me racontait des tas de choses à propos du métier et de ce qu’il faisait et je m’en voulais car, son discours était assez ennuyeux et je n’arrivais pas à lui porter suffisamment d’intérêt et d’attention.

    Récemment j’ai eu aussi une période de stress professionnel intense, et je me suis aperçue que j’avais du mal à écouter attentivement mon fils car mes préoccupations matérielles prenaient une part trop importante.

    Je vois donc qu’il y a un vrai travail à entreprendre sur cette question de disponibilité à l’autre, sans doute que si l’on pense à la présence divine, comme vous l’avez suggérer à la fin de votre message, on trouve l’attitude juste.

  17. kbld le 14 Mai 2013 à 14:50 17

    En même temps, s’il l’on veut que notre lutte contre la négligence constitue une pratique éthique et bénéficie à notre perfectionnement spirituel, il faut veiller à ce que l’intention soit la satisfaction divine. Moi par exemple, l’idée d’être seul me laisse de marbre. A vrai dire, je préfère la solitude. Donc ce n’est pas cela qui m’a motivé pour essayer de traiter ce trait de caractère.

    J’avais pris comme point pratique de faire attention à ce que je fais, mais j’ai ce problème : comment faire attention à ce que je ne fais pas attention ? Dès que j’ai pris ce point pratique, une série d’évènements sont arrivés où mon inattention a pu déployer ses effets, c’était pour me montrer qu’on m’aide au final. C’était trop large. J’ai alors regardé les manifestations de ce trait de caractère. Un était le fait d’oublier souvent les choses dès que je m’arrête quelque part. Alors j’ai commencé à bien regarder chaque lieu que je quittais (siège de métro, etc.). Petit à petit, par cette action segmentée et grâce à Dieu, on peut dire qu’aujourd’hui, je perds très peu les objets.

    Je pense que le sujet de l’écoute est différent de celui de la négligence. On peut être négligent dans la pratique qui consiste à écouter avec attention les gens, mais, en soi, cela me semble différent.
    Quoiqu’il en soit, j’ai remarqué que c’est notre propre intérêt d’écouter les gens : très souvent, il y a quelque chose à directement apprendre, au minimum sur l’être humain, sur la société dans laquelle on vit etc. Toutes ces choses sont utiles à la spiritualité. Parfois, on voit qu’il n’y a vraiment rien à apprendre en soi, mais le travail de contrôle de soi que l’on entreprend alors pour écouter débouche lui sur une connaissance. Il faut arriver à apprendre de tout ce qui nous arrive, j’essaye d’apprendre de chaque personne qui me parle, même si parfois c’est difficile. Mais je reste persuadé, de par l’expérience que j’ai acquise sur ce sujet, que l’on peut apprendre d’absolument tout le monde si l’on a développé cette aptitude. Une Coréenne me disait qu’en Corée, un vieux sage peut appeler un enfant de cinq ans « professeur » après qu’il lui ai appris quelque chose…

    Je pense par ailleurs que trop parler tout seul (y compris le monologue avec quelqu’un d’autre) est d’abord nocif pour nous-mêmes. Ma peur est tout le temps de devenir littéralement fou. Quand je pense à cela, je pense à Jim Jones, qui passait à Jonestown des nuits entières à parler à tue-tête devant une foule de personne qui lui étaient soumises intellectuellement. Il parlait, parlait, pensait tout connaître, et n’en finissait pas de s’entendre dire la vérité. Cela a fini en suicide collectif, forcé pour certains. Si vous regardez les dictateurs célèbres de l’histoire, c’est pareil : ils parlait devant des foules entières et adoraient s’écouter. Moi, je ne veux pas finir comme eux, et cela me motive… Mais il faut se rendre compte que c’est avant tout notre intérêt spirituel personnel.
    Et il ne faut pas penser que ces cas sont à part, spécifiques à des gens très mauvais. Comme l’explique très bien Dan Ariely dans l’excellente et très riche vidéo disponible sur e-ostadelahi.com, c’est plus une question de situation que de personnes foncièrement mauvaises. L’actuel dictateur syrien était ophtalmologue en Angleterre, jusqu’à ce que son grand frère décède dans un accident de voiture et donc qu’il succède soudainement à son père et agisse comme il le fait. Sans ces circonstances, il aurait pu être notre ophtalmo très sympathique et gentil comme on le décrivait…
    On ne peut pas juger : si à ma place et devant mon écran, cette idée provoque un grand effroi en moi, je ne peux légitimement dire qu’à sa place, je n’aurais pas torturé quelques opposants politiques. Je ne sais absolument pas. Tout ce que je peux, c’est remercier Dieu de ne pas m’avoir mis à sa place (de ne pas m’avoir donné son pouvoir temporel) et de m’avoir enseigné de ne pas faire de politique (au sens moderne de prise de pouvoir). Et essayer d’agir avec Son aide pour ne pas faire comme eux à mon échelle.
    n.b. : Dan Ariely donne de tout autres exemples, et parle aussi de beaucoup d’autres choses. Voici le lien : http://www.e-ostadelahi.com/eoe-en/free-beer-the-truth-about-dishonesty/

  18. KLR le 26 Juil 2013 à 10:10 18

    En fait la négligence on peut la retrouver à tous les niveaux :
    j’ai essayé de faire une liste de mes manquements, par exemple j’ai vu que je suis très négligente avec ma voiture, je ne l’entretiens pas suffisamment ni ne la nettoie régulièrement. A un moment donné, j’ai ressenti une sorte de honte vis à vis de cet objet, et je me suis dit que ce n’était pas digne d’être si négligente !
    Cela m’a permis de réagir.

  19. DD le 04 Août 2013 à 13:30 19

    Cela faisait une dizaine de jours que j’avais mis de côté cet article, parcouru TRES rapidement ET partiellement, en me disant que c’était tout à fait ce qu’il me fallait!
    Oui, en effet, je « souffre » de négligence et fais souffrir les gens qui m’entourent des conséquences dues à ce défaut . J’appelle cela »étourderie » et pour une part c’est vrai je suis structurellement distraite MAIS il y a aussi de la négligence. Je crois avoir collé à tous les critères de détection… Et comme je me suis sentie réconfortée grâce à mon ego sans faille, j’adore cette expression si parlante, en lisant qu’on ne pouvait pas facilement être conscient de ce que l’on ne faisait pas…. Quelle naïveté que de penser que puisqu’on n’est pas conscient on n’est pas responsable!!!!
    Curieusement, j’ai « attaqué » la lecture de cet article après avoir combattu ma négligence en une séance de ménage approfondie de la salle de bain ! Ce genre d’activité que je reporte systématiquement tant je déteste faire le tri de toutes ces petites choses qui s’accumulent et passer du temps à détartrer etc… sérieusement! J’ai naturellement râlé et été d’une humeur désagréable et eu tellement honte de moi que je me suis empressée de faire cette lecture positive et grand bien m’en a pris! En effet, je me suis retrouvée dans les commentaires aussi, et ai réfléchi aux différentes origines de la négligence . La plus évidente étant que je m’aime tellement et ai tellement envie de me faire plaisir qu’il n’y a pas de place pour mes devoirs . Il est vrai que dès lors que nous pensons en terme de devoir il n’y a plus de scission matériel/spirituel.Et les exigences s’envolent … car nous voyons la plupart du temps qu’elles sont déplacées.

  20. radegonde le 19 Août 2013 à 18:04 20

    En réfléchissant à » la négligence », je pensais à tous les petits actes que de nombreuses personnes font « par amour de Dieu ».

    Je me disais que tout un tas de « petites mains » agissent tous les jours pour rétablir ce qui est tombé, abimé, pas au bon endroit ou réparé pour fonctionner à nouveau…

    comme par exemple au travail , penser à remplir la bouilloire d’eau , la mettre à chauffer , pour le prochain puisse se servir rapidement..

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