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Humilité 2 – Définition

Par , le 7 Fév. 2012, dans la catégorie Articles - Imprimer ce document Imprimer - English version
étudiant prétentieux

Ainsi il avait une double pensée : l’une par laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son état véritable, et que ce n’était que le hasard qui l’avait mis en la place où il était. (…) C’était par la première qu’il traitait avec le peuple, et par la dernière qu’il traitait avec soi-même.

Pascal

L’humilité est la forme la plus aboutie de la connaissance de soi. Elle suppose une perception claire et lucide de ce l’on est réellement et de la place qu’on occupe dans le monde. Elle suppose de poser sur soi un regard neutre voire distancié : l’humilité, c’est aussi la capacité de se regarder avec humour.

Si l’on s’en réfère à l’article précédent, l’humilité peut également se définir comme le point d’articulation entre les deux modes du moi (psychosocial et métaphysique) : c’est reconnaître ma condition métaphysique (le « je ne suis rien ») alors même que je suis dans l’interaction sociale, au milieu des autres, comme les autres. J’ai conscience de mon insignifiance, alors même que je fais ce que j’ai à faire, qu’au besoin je défends mes droits et que je me fais respecter, portant à chaque instant en moi la « double pensée » dont parle Pascal.

On confond souvent l’humilité avec la modestie, qui n’en est que la manifestation extérieure, une vertu sociale. Mais être humble ne se limite pas à se montrer aimable, poli ou discret sur ses succès. L’humilité est une vertu qui se situe en amont de ces qualités. On peut très bien être humble intérieurement tout en étant capable de « tenir son rang » socialement et de faire preuve d’autorité si la situation l’exige ; comme on peut très bien se montrer modeste et respectueux à l’extérieur tout en se sentant très supérieur intérieurement. L’humilité, disait La Rochefoucauld, « est un artifice de l’orgueil qui s’abaisse pour s’élever ; et bien qu’il se transforme en mille manières, il n’est jamais mieux déguisé et plus capable de tromper que lorsqu’il se cache sous la figure de l’humilité. » Rien de plus vrai, mais seulement si l’on réduit l’humilité au rang de vertu sociale. L’humilité qui nous occupe ici est d’un autre ordre. C’est un état d’esprit intérieur, un travail sur la pensée qui peut se manifester – ou non – par une attitude modeste à l’extérieur, selon le contexte.

L’humilité est un sentiment qui consiste d’une part à prendre conscience de ce que nous sommes et du fait que nous ne sommes pas grand chose, et d’autre part à nous accepter comme tel. Elle est en ce sens une condition indispensable à la fois à notre bien-être psychique (on ne se sent bien que si on apprend à s’accepter) et à notre progression éthique (on s’éloigne de l’image mensongère que l’ego cherche à donner de lui-même et l’on a de soi une perception plus proche de la vérité).

L’orgueil consubstantiel

Il est souvent très instructif, pour définir un terme, de faire un détour par son contraire, en l’occurrence, l’orgueil.

Si l’humilité est une qualité indissociable de la connaissance de soi, alors l’orgueil est synonyme d’ignorance et d’illusion par rapport à soi. L’orgueil, ce serait donc l’ignorance, ou le mensonge. Creusons un peu ce lien visiblement étroit entre humilité, connaissance et vérité. On dit souvent des très grands savants qu’ils sont aussi les plus humbles. Pourquoi ? Parce qu’il paraît évident qu’un grand physicien, par exemple, ne songera jamais à se vanter de ce qu’il connaît en physique. Ses connaissances lui permettent d’avoir sur le champ de la science actuelle un point de vue suffisamment éclairé pour percevoir l’immensité de tout ce qui lui reste à découvrir. Il est donc humble, humble par rapport à ce qu’il ne sait pas et que ses connaissances – bien réelles – lui ont permis de toucher de près. Selon la formule consacrée, il sait qu’il ne sait pas. Prenons maintenant un étudiant en troisième année de physique. Il a commencé à pénétrer quelques unes des lois fondamentales qui régissent le monde naturel et ces deux ou trois connaissances suffisent à remplir le champ étroit de sa perception. Enivré et comme gonflé par cette sensation, il a l’impression d’avoir compris le secret de l’univers sans avoir pris conscience, encore, de tout ce qu’il lui reste à apprendre.

L’orgueil est donc le fruit de l’ignorance. C’est une énergie qui, se fondant sur la méconnaissance où nous sommes de nous-même, nous pousse à construire de nous une image dilatée et mensongère que nous appellerons l’ego illusoire. Ce malheureux orgueilleux à l’ego bouffi, c’est chacun d’entre nous. Car l’orgueil dont il s’agit ici n’est pas une particularité psychique que l’on trouverait chez certaines personnes tandis que d’autres en seraient dépourvues (comme on peut dire de certains qu’ils sont colériques ou paresseux tandis que d’autres sont calmes ou travailleurs…). Il ne s’agit pas non plus de la vanité ou de l’arrogance qui ne sont que des manifestations extérieures et particulièrement évidentes d’un état intérieur et souvent caché. L’orgueil dont nous parlons est comme un « solvant (1) » dans lequel baigne l’ensemble de nos caractères psychiques. Il nous imbibe si totalement que nous n’en sommes pas conscients. C’est un orgueil consubstantiel à notre être et qui le plus souvent se distingue à peine de la sensation que nous éprouvons d’être nous-même.

A ce titre nous sommes tous concernés, même les gentils, même les timides, même les discrets, même, et peut-être plus encore, ceux qui manquent de confiance en eux et qui ont une estime de soi faible.

(1) ^ Le terme est de Bahram Elahi, dans Fondements de la spiritualité naturelle.


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42 commentaires

  1. charlie le 07 Fév 2012 à 16:41 1

    « On peut très bien se montrer modeste et respectueux à l’extérieur tout en se sentant très supérieur intérieurement. »
    C’est exactement cela. Jusqu’à présent je pensais que l’orgueil n’était pas mon défaut le plus visible ou du moins le plus urgent à « travailler ». Mais l’orgueil se manifeste de façons tellement différentes ! Et c’est en cela qu’il concerne énormément de monde.
    La susceptibilité, la timidité comme annoncé dans cet article, peuvent être dans certains cas une manifestation d’orgueil. Quand je suis à l’aise avec les gens et sans timidité, je ne pense pas à ce qu’ils vont penser de moi, ou je ne cherche pas à avoir de reconnaissance quelconque : je cherche juste à m’intéresser aux gens. Mais lorsque je cherche inconsciemment ou consciemment dans une situation professionnelle par exemple à plaire, à faire rire, à ce que l’on dise du bien de moi, à me mettre les gens dans la poche, là, blocage total, je n’ose pas aller vers les gens, je ne dis rien, je me sens nulle et bonne à rien. Cette fausse humilité n’est qu’une manifestation d’orgueil.
    Lorsqu’on me complimente sur quelque chose, c’est vrai, j’ai l’impression d’être gênée, je dis à la personne « mais non, pas du tout » et j’essaie de détourner la conversation vers un autre sujet, et en effet, sur le moment parfois, cela me gêne. Mais est-ce vraiment une sensation réelle ? Car lorsqu’aucun compliment ne m’est adressé, je suis vexée et triste, voire très perturbée, ou j’en veux un peu aux personnes. Alors ? si vraiment j étais très humble je ne rechercherais aucun compliment. Ma gêne apparente que je pensais sincère ne l’est sûrement pas puisque je suis en attente. Cette soit disant gêne ou sensation d’humilité n’existe que parce qu’au fond je sais que j’ai eu ces compliments, et que je peux me sentir libre d’être et de penser sans me soucier. Trop facile de se sentir soit disant humble quand on est à l’honneur des choses..
    De plus, j’avais tendance à juger les gens très extravagants. Je les cataloguais justement d’orgueilleux, qui cherchaient à tout prix à plaire, qui se plaisaient beaucoup eux-mêmes, tout le temps fiers d’eux, etc etc… jusqu’à ce que j’apprenne la vie extrêmement difficile qu’ils avaient eu et la façon incroyable dont ils avaient pu s’en sortir, ou alors, en les côtoyant, de voir à quel point intérieurement ils se sentaient petits, « On peut très bien être humble intérieurement tout en étant capable de « tenir son rang » socialement et de faire preuve d’autorité si la situation l’exige ». Ce jugement que je portais ne venait que d’une forme de jalousie de ma part, par rapport à leur tempérament, par rapport aux situations professionnelles ou autre qu’ils arrivaient à maitriser, par rapport à la facilité qu’ils avaient à faire rire les autres. Jugement, jalousie, tout cela est bien une autre manifestation d’orgueil. « Pourquoi MOI n’ai-je pas autant de ci ou de ça alors que je le mérite tout autant, et qu’il n’y a aucune raison que JE n’ai pas ? » « Qui sont ces gens qui se permettent ? Ils sont pétris d’orgueil et ils ont tout». Voilà ce que je me disais intérieurement. Mais je crois avoir compris. Je crois avoir compris aussi « permets toi toi-même », car le tout n’est pas l’extérieur, mais l’intérieur. Oser peut être une forme d’humilité (attention, cela dépend évidemment des circonstances, du contexte etc…)
    Bref, l’orgueil se manifeste tout le temps, tous les jours, parfois dans le moindre détail de notre vie, dans la moindre phrase, dans la moindre pensée ou réaction. C’est terrible de se rendre compte de cela, et de se dire qu’on n’arrivera jamais à s’en débarrasser, tellement les manifestations sont différentes, nombreuses, complexes et parfois très subtiles. Je parle là de l’orgueil nuisible à soi-même et aux autres, celui qui nous ronge intérieurement, qui nous empêche d’avoir une vision juste des choses comme il est dit dans l’article, qui nous empêche d’aller vers les autres et de s’intéresser sincèrement à eux, cette forme d’orgueil qui peut nous rendre à la longue dépressif, égocentrique, jaloux, malveillant etc.
    Heureusement qu’il y a une autre forme de fierté qui permet justement de relever la tête, qui permet de se battre face aux épreuves de la vie, qui permet de maintenir ses droits, de se faire respecter comme tout être a le droit de se faire respecté, bref qui permet de rester digne sans empiéter sur les droits des autres !

  2. charlie le 07 Fév 2012 à 16:51 2

    juste une chose à rajouter au commentaire précédent : le tout est donc d’arriver à passer d’une forme à l’autre, de glisser de l’une vers l’autre, de se servir de la première forme d’orgueil pour la transformer en la seconde. On ne parle alors plus de jalousie mais d’émulation, on ne parle plus de susceptibilité mais d’acceptation en ayant une vision juste de soi-même ou de refus si on juge en toute sincérité que la personne a tort, on ne parle plus d’égocentrisme mais de détourner son regard de soi pour voir la personne en face. Oui, eh bien, ça n’est vraiment pas facile tout ça !!:)

  3. Ms le 08 Fév 2012 à 16:43 3

    Je rejoins les commentaires de Charlie en ce que je trouve extrêmement difficile d’être sincère dans ma mise en pratique de l’humilité, d’autant plus difficile que, d’après moi, aucun acte, aucune parole, etc., ne peuvent être totalement désintéressés.

    Certes, il y a des degrés mais une part d’orgueil reste toujours que ce soit dû à une envie d’être aimé, que l’on dise et pense du bien de nous, etc. Les exemples sont nombreux et variés…

    On le ressent bien dans les exemples ci-dessous et j’ai donc l’impression qu’il y a un manque de sincérité en ce sens. Une « réussite » pratique ne parait pas possible concernant ce point et cela rend nos analyses et évaluations encore plus difficiles à définir. J’ai véritablement l’impression que ce que l’on doit rechercher, concernant ce point, n’est pas de réussir à être humble mais plutôt de tenter de l’être au mieux, le plus possible; tenter d’atténuer notre orgueil au mieux suivant les situations qui se présentes à nous, tout en sachant que cela ne deviendra jamais une seconde nature, un peu comme s’il ne faut pas que cela le devienne car notre lutte sur ce point doit être faite à vie.

    Il me semble que ce point est dans la catégorie de ceux qui persiste, qui sont abstraits et doivent l’être de par leur nature vital à notre progression sur toute une vie en opposition avec des points qui, pour moi, sont plus concrets comme l’ordre et la discipline, par exemple.

    En espérant avoir été claire dans mon commentaire.

  4. mahaut le 08 Fév 2012 à 17:49 4

    « L’humilité est une vertu qui se situe en amont de ces qualités »

    L’humilité est « la conjonction de toutes les perfections », c’est un parfum exhalant d’un bouquet des vertus, (et pour cela, il faut vraiment être habité par de très grandes qualités de coeur)

    Nous en avons eu un échantillon en la personne de Mère Téresa de Calcutta, elle a
    fait nécessairement preuve de lucidité (racine « luce » : lumière), car elle a était capable de clarification dans toute ses démarches. Alors que nous, dans notre état de somnolence, séparé de Dieu, nous localisons toujours la cause de cette distance hors de nous, nous rejetons les causes sur les autres et ce qui résiste en nous. Mère Teresa savait que c’était elle-même le plus grand obstacle entre Dieu et elle…. Elle a combattu pour avancer sur le chemin qui avait le plus de coeur.

    Femme de tête elle a su faire fructifier ses talents. En donnant une poignée de qualités, on y trouve : conscience, jugement, réflexion, raison, esprit, intuition, discernement, clarté, précision, pénétration, sagacité, subtilité, vivacité, compréhension, intelligence, clairvoyance, acuité, finesse. perspicacité, ingéniosité, bon sens, capacité, aptitude, don, talent. Et les vices de toutes ses vertus elle a lutté contre, pour les anéantir et s’en purifier.

    Je lis actuellement « l’âme des sons », et quelle joie d’y respirer le parfum d’Ostad à travers des anecdotes et les explications de ses démarches musicales. C’est un grand, un très très grand et il témoigne d’une telle gentillesse, d’une telle humilité, avec son regard malicieux, sous son chapeau et son grand manteau….. comme sur l’une des photos. Il n’impose pas, il EST, il est incroyablement libre et vivant, témoignant de beaucoup de joie.

    Pour cette « joie » et pouvoir y goûter, je veux être RIEN…. Etre transparente. On peut être RIEN tout en restant soi-même.

    Une pierre opaque et une pierre transparente sont toutes 2 des pierres. La pierre transparente capte la lumière, alors que la pierre opaque demeure dans son obscurité.

    Mon Dieu aidez-nous à nous transformer.

  5. Stella le 08 Fév 2012 à 19:47 5

    J’ai beaucoup aimé la notion d’égo illusoire, car c’est tellement vrai. Je remarque que si j’ai peur ou je manque de confiance en moi, c’est parce que je veux donner la meilleure image de moi qui soit et briller au milieu de tous. Et ne pas y arriver m’attriste. Tout cela car j’ai bâti un égo illusoire pour moi-même. Penser être une personne que l’on est pas et de ce fait attendre que l’on nous respecte, que l’on applaudisse notre travail…J’ai remarqué que lorsque j’essayais de plonger en moi et de me regarder telle que je suis, ce que j’ai fais jusqu’à présent, combien de fois j’ai été sauvé par la grâce de Dieu, cela me calme un court instant et me ramène à ma réalité.

    Lorsque je suis plongé dans cet égo artificiel, je suis envahie par la peur. Mais lorsque je me rappelle de qui je suis c’est-à-dire un être humain parmi d’autres qui essaie de s’en sortir comme il peut, j’ai moins d’exigence vis à vis de moi-même, et je me sens plus à l’aise en société.
    Mais l’orgueil est si sournois que l’on a du mal à le déceler. Seule cette conscience d’être dans mon égo illusoire m’aide quelques fois à sortir de l’eau. Et cette conscience ne peut fonctionner que si l’on s’imagine Dieu à côté de soi. Sinon je ne vois pas d’autres solutions, quand je L’oublie, je m’oublie réellement et entre en scène ce faux moi, flatteur, non sincère qui compare ses points forts avec les points faibles d’autrui…

    Merci pour cette définition. Quelles sont vos méthodes pour déceler ce défaut et le contrôler?

  6. Tonio le 11 Fév 2012 à 15:18 6

    J’ai été très sensible à la justesse de l’article et des commentaires, comme si la conquête de cette vertu difficile (impossible?) à obtenir mobilisait le meilleur de nous.
    La dernière phrase de l’article en particulier m’a frappé. « A ce titre nous sommes tous concernés, même les gentils, même les timides, même les discrets, même, et peut-être plus encore, ceux qui manquent de confiance en eux et qui ont une estime de soi faible. » J’ai ressenti la vérité qu’elle exprimait, d’autant plus que je suis particulièrement concerné, sans parvenir précisément à l’analyser cependant. En quoi ceux qui manquent de confiance en eux seraient plus orgueilleux que les autres (qu’ils le soient autant est acquis). Le commentaire de Stella m’a apporté une réponse : « Je remarque que si j’ai peur ou je manque de confiance en moi, c’est parce que je veux donner la meilleure image de moi qui soit et briller au milieu de tous. » Ceci me semble parfaitement exact. Mais à la réflexion, je m’interroge sur l’illégitimité de vouloir donner la meilleure image de soi : cela ne signifie-t-il pas tout simplement vouloir « tenir son rang dans la société » ? Ce qui, au regard de l’article, ne serait pas une preuve d’orgueil.
    Pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?

  7. Ms le 11 Fév 2012 à 22:38 7

    @Tonio: D’après moi, l’orgueil est également un de ces points très subtiles qui peut être interpréter de nombreuses manières; certaines légitimes et certaines non.

    Cette question de savoir si ce que l’on ressent est légitime ou non est, en effet, très difficile à déceler et je pense que c’est notre sincérité qui pourrait nous aider à répondre. Je dirai que tout dépend du pourquoi réel de nos réflexions et, plus précisément, de ce que l’on recherche réellement et sincèrement au travers de nos actes et pensées.

    Si je reprends votre exemple, il est vrai que « vouloir simplement tenir son rang dans la société » ne parait pas, en soit, comme étant une preuve d’orgueil. Cependant, je trouve que ce n’est pas si facile, si net que cela et c’est la toute la subtilité de ce genre de points. En effet, il y a toujours un intérêt, une recherche plus profonde que cela.. A nous d’analyser cette dernière:
    Y a t’il un rapport avec l’importance que l’on porte au regard d’autrui ? L’importance que l’on porte à sa propre image ? Ou, peut-être, une recherche plus désintéressée, plus profonde ?

    Encore une fois, comme ce n’est pas tout blanc ou tout noir, même si le degrés d’orgueil peut varier sans conteste – être plus ou moins fort selon les cas – je ne pense pas qu’il puisse être totalement nul..

  8. Wilhelm le 12 Fév 2012 à 10:55 8

    En lisant l’article et les commentaires, je réalise combien ces notions d’humilité réelle ou affichée [prétendue], ou à l’opposé d’orgueil manifeste, latent ou dissimulé, sont « overlapping », c’est-à-dire qu’elles se chevauchent.

    D’après mon expérience, il me semble que deux volets parmi d’autres peuvent peut-être permettre d’y voir progressivement un peu plus clair dans une démarche individuelle en vue d’un peu petit peu plus d’humilité.

    Un premier volet serait par exemple la réflexion sur les expériences et comportements passés enfin d’en tirer des directions de travail sur soi pour un futur immédiat.

    Un second volet pourrait être ensuite la mise en pratique réfléchie de directions d’actions
    liées à la résolution de la problématique [avec un constant regard sur soi] et le parti pris d’en tirer des conclusions provisoires à chaque expérimentation en vue de parfaire le dispositif de travail sur soi en ajustant constamment les paramètres et variables précédemment évalués à l’aune de l’expérimentation, à l’épreuve de l’expérience.

  9. Songe le 12 Fév 2012 à 11:52 9

    @Tonio
    Le besoin de reconnaissance, qui se traduit entre autres par la frime, me semble être à la racine de ce désir « de briller au milieu de tous ». Il s’accompagne forcément d’une forme d’égocentrisme, puisque vouloir briller, c’est supposer, comme un axiome, que l’on vaut mieux que les autres, que l’on a plus de mérite qu’autrui et que notre personne est plus importante.
    Dans un mode métaphysique, rien, cependant, ne nous autorise à penser cela. Quels sont ces « puissances » qui seraient nôtres et dont seraient dépourvus tous les autres ?

    Si l’on considère maintenant le devoir de « Tenir son rang dans la société » (le devoir et non le désir), cela peut s’accomplir d’une façon très respectueuse d’autrui. Par exemple, en discutant avec une personne qui nous est subordonnée au travail, en évitant de recourir à l’autorité aveugle, en proposant des formes interrogatives, en écoutant les réponses et les propositions des autres, en utilisant des atténuations de notre discours (semble, paraît, je crois que, mon opinion à ce sujet serait) plutôt qu’en affirmant péremptoirement des opinions ou du sens commun comme si elles étaient la Vérité Unique. Ou encore vis-à-vis d’un supérieur, en évitant la flatterie, la flagornerie ou la lâcheté. En trouvant le moyen d’affirmer ses opinions pour ce qu’elles portent d’intérêt général et non d’intérêt personnel. En sachant reconnaître ses torts et non en invoquant d’autres facteurs, voire d’autres personnes…

    De sorte qu’il me paraît possible de lutter contre le désir de briller, l’envie d’être reconnu, tout en faisant valoir ses propres mérites et en démontrant ses qualités. Simplement, dans la société, on essaie de garder en tête le fait que l’on est une personne parmi d’autres. Il n’y a pas de supériorité présupposée ou acquise. La logique de domination relève de l’animalité, de la meute, de la tribu, bref de la façon dont les primates traduisent le besoin de sécuriser leur accès aux ressources de base.
    Mais dans ces contextes, l’illusion demeure, car la position dans l’espace social ne détermine en rien une supériorité métaphysique.

    S’il fallait vouloir briller et paraître au mieux de ce que l’on peut, je pense que c’est vis-à-vis de l’Unique qu’il faudrait tenter de l’être, et pas des autres créatures dont nous faisons partie et qui sont aussi démunies que nous.

  10. A. le 12 Fév 2012 à 20:05 10

    Pour répondre à la question de Stellale «Quelles sont vos méthodes pour déceler ce défaut et le contrôler?» je crois que la meilleure manière est d’accepter les thérapies que la vie ou le destin nous envoie. Ces thérapies peuvent d’aller des simples critiques que nous recevons de notre entourage, jusqu’à des expériences plus longues et beaucoup plus éprouvantes comme celle que je vais vous raconter.

    Voilà donc mon expérience. Mon défaut principal a toujours été la susceptibilité. Je m’aime et j’attache de l’importance au regard des autres. Leur manque d’attention suscite en moi des sentiments d’irritation (=susceptibilité). Or, une des thérapies divines pour soigner ce défaut a été d’être promu et ensuite rétrogradé au travail. Cela m’est arrivé au total 5-6 fois au cours des 18 dernières années. Les première fois j’ai réussi à changer de travail au bout de quelques mois et ainsi échapper à la honte que j’éprouvais devant les autres, mais les trois dernières fois j’ai été obligé de rester (faute d’alternatives) et j’y suis encore (plusieurs années)

    Lorsqu’on est rétrogradé et on doit faire face aux regards de dizaines et dizaines de collègues, on se sent comme quelqu’un qui marche dans la rue en sous-vêtements (sans habits). C’est-à-dire on souffre à cause du regard des autres et on souffre parce que les autres voient des choses que l’on souhaiterait garder cachées. La rétrogradation est un signe clair que nous ne sommes pas à la hauteur du poste qui nous a été assigné, surtout si les personnes qui vous rétrogradent sont équitables.

    On souffre, on souffre et on ne sait pas où se cacher.

    Souvent j’ai demandé l’aide divine tout en feuilletant des livres sur le sujet et je suis tombé sur ces deux phrases qui m’ont marqué :

    1. «ton orgueil est trop grand »
    2. « ils sont devenus esclaves de la considération et des faveurs des autres »

    Grâce à ces messages et par la force de l’autosuggestion, j’ai mieux maîtrisé la souffrance. J’ai commencé à chercher à identifier les avantages spirituels et matériels que je pouvais tirer une fois passé cette épreuve. J’ai donc commencé à me dire que :

    A) ce qui m’arrivait m’aurait soigné de ce défaut que je trainais depuis qui sait combien de vies et qu’une fois passée l’épreuve j’aurais été indifférent à la considération des autres (avantages spirituel)

    B) que cette indifférence par rapport au regard des autres m’aurait peut être ouvert les portes vers d’autres possibilités, même dans la vie de tous les jours (p.ex. vers une profession comme l’enseignement universitaire où, si l’on est sensible au respect des étudiants, on risque d’être bouffi d’orgueil)

    Au passage je tiens à dire que je n’ai pas beaucoup de confiance en moi et que je rejoins donc ce que disait Isabelle Najar, à la fin de l’article. Le fait de manquer de confiance en soi n’a aucune relation avec la présence/absence d’orgueil

  11. Luce le 13 Fév 2012 à 19:05 11

    J’aimerai aussi revenir sur cette dernière phrase que j’ai du mal à mettre en lien avec l’humilité :
    « A ce titre nous sommes tous concernés, même les gentils, même les timides, même les discrets, même, et peut-être plus encore, ceux qui manquent de confiance en eux et qui ont une estime de soi faible. »
    Je ne comprends pas en quoi ceux qui ont un manque de confiance en eux ou une mauvaise estime d’eux seraient davantage concernés par ce manque d’humilité ou ce défaut d’orgueil ? (ou alors je n’ai pas bien compris ce qui est dit ???)

    Est-ce parce qu’ils se méconnaissent plus que les autres ? ne s’apprécient pas à leur juste valeur ? n’arrivent pas à avoir une vision réelle d’eux-même ?

    Mais ne sommes nous tous pas ainsi ? qui peut prétendre se connaître vraiment et se voir réellement tel qu’il est ?
    Merci à ceux qui peuvent m’éclairer…

  12. rose le 14 Fév 2012 à 1:23 12

    c’est très long, je m’en excuse par avance
    @A : je partage votre douleur! Sans avoir vécu de rétrogradation comme vous l’évoquez, je me suis aussi retrouvée dans une situation professionnelle où après une progression régulière, j’ai intégré un poste loin (en termes de niveau et non de domaine) de ce que je crois être mes compétences professionnelles. Voici quelques constats et analyses que j’ai pu faire de la situation, et la pratique que j’ai mise en œuvre.
    Tout d’abord, c’est moi qui considérais ce poste en dessous de mes qualifications, et c’étaient mes propres pensées, mon regard sur la situation qui me faisaient souffrir. Objectivement, mes collègues ne manifestaient aucune supériorité à mon égard; pour eux, je tenais un poste qu’ils ne connaissaient pas particulièrement et ils continuaient à apprécier la qualité de nos relations. OK, mes activités n’intéressaient pas beaucoup mon chef, mais il n’en a jamais fait état publiquement. Je ne pouvais certes pas espérer une progression à partir de cette expérience, mais je ne subissais aucun préjudice financier.
    Ensuite, même si je cherchais à comprendre pourquoi je devais vivre cette situation, ce qu’elle pouvait m’apprendre sur moi, et sur quels points elle pouvait me conduire à travailler, je cherchais surtout à y échapper : j’ai postulé sur différents autres postes; à chaque fois, ma tentative a échoué, pour une cause tout à fait inattendue (poste supprimé alors qu’il venait d’être créé, nomination in extremis d’une autre personne alors que le poste m’avait été attribué, …).
    Enfin, je me donnais l’illusion de travailler sur moi-même en tentant de me convaincre que j’acceptais cette situation, mais au fond, je ne l’acceptais pas du tout. Et cela m’a conduite à des moments de déprime, de révolte, de colère, … et d’effroi à me voir aux prises avec de telles émotions et de telles pensées.
    J’implorais l’aide de Dieu pour qu’il me sorte de cet enfer!! Cela a duré trois ans.
    Et un jour, miracle, un nouveau poste se présente. Ce qui est très drôle, c’est qu’il ne m’intéressait pas particulièrement, que j’ai postulé à reculons, et que contre toute attente, c’est à moi qu’il a été attribué. Enfin, j’allais respirer!
    Il ne m’a pas fallu trois mois pour déchanter, et comprendre que je me retrouvais avec les mêmes ingrédients, presque en pire! Et c’est là seulement que j’ai commencé à vraiment travailler sur moi. Cela relève de plusieurs plans :
    La vision juste : si j’étais dans cette situation, c’est que j’avais un point essentiel, voire vital, à comprendre et travailler. Même si je le savais théoriquement, ce n’est qu’à partir de ce changement que je l’ai réellement entrevu.
    La gratitude : pour m’aider à réussir, Dieu m’avait sortie d’une situation où je m’étais complètement bloquée, et me redonnait des « cartes » neuves pour m’y attaquer.
    L’humilité : quelle importance qu’on me considère de temps à autre comme une subalterne ? Qui sont ces gens à l’opinion desquels je suis si sensible ?
    Mon travail sur la pensée s’est aussi accompagné de travaux plus ciblés. J’ai cherché les bienfaits de la situation : par exemple, ne pas avoir l’esprit trop encombré professionnellement libère du temps et de la disponibilité pour d’autres types de réflexions. J’ai tenté de débusquer toute situation où je cherchais à me mettre en avant, en considérant l’intention qui me guidait pour agir. Par exemple, dans une réunion importante, avant de prendre la parole, je me demandais si j’allais le faire pour faire avancer le débat, ou pour montrer l’étendue de mon savoir, de mes relations, (cela se décline à l’infini…, et je ne maîtrise pas totalement le point !)
    Peu à peu, j’ai entrevu à quel point j’étais devenue perméable, à la faveur d’une promotion, à l’effet du milieu dans lequel j’évoluais depuis des années sans « dommages » : je voulais être importante, connue au sein de mon entreprise, que mon opinion soit écoutée, avoir des postes de plus en plus élevés dans la hiérarchie, … . Sans voir que j’allais inéluctablement bafouer certains principes éthiques. Et plonger ou plutôt glisser imperceptiblement dans magouille, calomnie, lâcheté, trahison, écrasement des autres, … qui sont le lot de la plupart de ceux qui naviguent dans ces eaux.
    Cela fait trois ans que je suis dans ce nouveau poste, et je suis loin d’avoir exploré toutes les opportunités qu’il recèle en termes de travail sur soi.

  13. mike le 14 Fév 2012 à 18:56 13

    @luce vous avez raison c’est bien pour cela qu’on devient humble en constatant ce que vous dites ; le problème qui se pose en revanche c’est que l’orgueil utilise cette humilité (ou fausse humilité de l’ignorance) pour baisser les bras et l’utilise comme argument pour ne rien faire et ne palus aller de l’avant dans la connaissance de soi.

  14. Ms le 14 Fév 2012 à 21:58 14

    @Luce: Je comprends votre interrogation, le sujet peut être assez subtile.

    En ce qui me concerne, je fais partie de ces personnes qui manquent de confiance en elles et j’ai récemment commencé à comprendre en quoi cela engendre en moi un manque d’humilité.. J’appel cela de l’orgueil déplacé car couramment quand on parle d’orgueil, on s’imagine une personne qui se sent supérieure aux autres et qui cherche à le revendiquer à tout prix, etc., cependant, je pense qu’une personne peut être orgueilleuse par un autre biais. En effet, quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’estime de soi, qui manque de confiance peut, par exemple, rechercher constamment l’attention des autres, être très susceptible voire hypersensible si elle ne se sent pas suffisamment considérée.. En ce sens, elle manque d’humilité, elle fait donc preuve d’orgueil..

    C’est ce que j’analyse chez moi, je trouve cette nuance délicate mais cette recherche constante de considération me faisait dire que je ne suis pas orgueilleuse, bien au contraire, mais en réalité c’est simplement une forme un peu détournée, je pense, car au final je me considère un peu comme le centre du monde dans ces situations là, même si je ne cherche pas à être ce centre consciemment: Pourquoi est-ce que telle ou telle personne devrai avoir tel comportement à mon égard ? Pourquoi ai-je un sentiment d’insécurité sous prétexte qu’une personne donnée change de comportement me concernant (ne me dit pas bonjour un matin, ne me porte pas autant d’attention qu’à son habitude, …) ? Qui suis-je pour être affectée comme cela ?

    Encore une fois, dans ces moments-là, je ne me sens pas supérieure mais j’ai un sentiment d’insécurité et je me positionne en victime en me disant « mais pourquoi est-ce qu’on agit comme cela avec moi ? », « qu’est-ce que j’ai pu faire à cette personne ? ».

    Je pense que c’est de l’orgueil alors même que cela vient d’un manque de confiance en moi et non d’une volonté de montrer à tout prix que je suis supérieure à autrui..

    En espérant avoir été quelque peu claire 🙂

  15. Stella le 15 Fév 2012 à 21:36 15

    @Toni, @Songe,
    Merci pour ces précisions, car je n’avais pas fais une analyse si pointilleuse de ce problème que cachait le fait de vouloir être la meilleure. Merci Toni d’avoir soulevé le point et Songe pour votre explication.

    @A, @Rose,

    Un grand merci à vous deux pour ces explications, car c’est exactement un point dans lequel je suis coincée en ce moment. Je passe de postes de travail que moi je considère prestigieux à des postes alimentaires, et mon orgueil en prend un sacré coup. Merci de partager vos expériences et la manière dont vous avez travaillé sur ce point. Cela m’aide à garder l’espoir que je pourrais évoluer sur cet aspect.

  16. A. le 16 Fév 2012 à 5:03 16

    @MS merci de votre commentaire, très intéressant

    @Rose – merci aussi à Rose d’avoir partagé votre expérience

    >L’humilité : quelle importance qu’on me considère de temps à autre comme une >subalterne ? Qui sont ces gens à l’opinion desquels je suis si sensible ?

    Je suis d’accord avec Rose rationnellement parlant. Toutefois, même si nous nous répétons à nous mêmes « Qui sont ces gens à l’opinion desquels je suis si sensible? » dans la réalité on leur donne de l’importance et on souffre. Cette indifférence au regard des autres c’est Dieu qui la donne.. et Il la donne après un certain travail sur soi. C’est justement ce que j’ai pu constater .. puisque cette souffrance s’est un peu (voir beaucoup) atténuée au fil des derniers mois…

    Un autre point dont j’aimerais parler est l’égo illusoire. Cette expérience que j’ai vécue (où j’ai été rétrogradé) me permet aussi de rejoindre Isabelle Najar quand elle parle de cette énergie qui nous pousse à construire une image dilatée et mensongère de nous-mêmes (l’ego illusoire) puisque ce n’est qu’après avoir été rétrogradé que j’ai pu constater combien je souffrais aussi de cette vision déformée de la réalité/de moi-même.

    Par exemple, il y avait des collègues que dans mon for intérieur je trouvais un peu inférieurs (confus, peu pragmatiques …) et qui, chaque fois que j’étais rétrogradé, se voyaient octroyer une promotion. L’un d’entre eux est devenu mon manager et cela m’a permis de voir combien il arrivait mieux gérer toute une série de situations face auxquelles mes émotions prenaient le dessus. Par exemple, lors de réunions avec des clients (mécontents) c’est quelqu’un qui fait toujours preuve de calme/ sang froid et aussi de beaucoup de gentillesse. Ce sang froid provient d’une tranquillité/force intérieure et il ne s’agit pas juste d’une façade. A force de travailler avec lui, je peux dire que rien ne semble lui faire peur, du moins dans le contexte professionnel, alors que moi c’est tout le contraire (je m’angoisse facilement). Je me suis donc rendu compte, encore une fois, que ce n’est pas l’hasard qui fait les choses et grâce à cette épreuve j’ai mieux compris mes limites/faiblesses (et donc réduit un peu mon orgueil).

  17. Ms le 17 Fév 2012 à 0:59 17

    Je ne sais pas si vous me rejoignez sur ce point mais, en ce qui me concerne, ce manque d’humilité qui se traduit donc par de l’orgueil tel qu’une recherche constante d’attention de la part d’autrui produit de la peur en moi.

    En effet, je n’ai pas encore réussi à trouver pourquoi est-ce que je recherche à ce que l’on me porte un intérêt, une attention mais ce qui est sûr c’est que quand j’estime être mise de côté j’en souffre et j’ai peur. Cela doit être dû à un sentiment d’insécurité, de manque de confiance en moi et, encore pire, en Lui.

    J’ai un exemple très bateau mais qui est véridique. Aujourd’hui, j’ai assisté à un cours exprès parce qu’une personne qui me plaît le suit et que je n’ai pas d’autres possibilités pour la voir. Je me suis auto-convaincue que ce serai une distraction, que je le ferai de toute façon une seule fois; en somme, que cela n’était rien de mal alors même qu’au fond, j’étais à la recherche de cette reconnaissance, de cet intérêt (ce qui est très particulier dans le cas présent étant donné que je ne connais même pas la personne, que je ne lui ai jamais parlé; on voit donc combien certaines quêtes sont étranges et gravement déviées …). Evidemment, je n’ai pas eu ce retour et je me suis retrouvée encore plus mal qu’à mon arrivée.

    Après cet épisode, j’ai eu un court moment de lucidité durant lequel je me suis étonnée de rechercher une attention, une joie, une sensation plaisante, un renforcement de mon égo (je ne sais pas comment qualifier cela), d’une personne inconnue. J’ai vu, quelque peu, à quel point je peux être déviée de mon but, à quel point mon soi impérieux peut me convaincre par la raison me focalisant sur une personne, etc.

    Cela fait peur. Ce n’est, cependant, pas facile de maintenir ce raisonnement lucide, de ne plus se laisser submerger par toutes ces futilités, bien au contraire, mais le fait d’en avoir un peu conscience me rassure.

    Enfin, pour ma part, je me rends compte que chercher l’attention, l’amour des autres ne m’aide pas à combler ce manque et je sais, au plus profond de moi (même si mes actions montrent l’opposé) que c’est parce que je ne cherche pas au bon endroit et que seul Lui peut m’apporter cette sérénité… J’imagine que c’est à moi de me faire violence, coute que coute.

  18. mia le 17 Fév 2012 à 12:57 18

    @ A
    Je réfléchissais moi aussi sur le lien entre orgueil/ humilité et réelle connaissance de soi, de ses capacités, de ses possibilités. Et bien sûr des qualités et des mérites des personnes que je vois obtenir des postes auxquels j’aimerai accéder et qui me passent sous le nez.
    Pendant des années j’ai pensé pouvoir accéder à ces postes et avec les détails que je connais maintenant sur ces postes, sur les personnes qui y ont accès et une meilleure connaissance de moi, je vois que je ne peux les demander. Ils ne sont pas adaptés à ce que je sais faire, à ce que je peux faire, ni même à ce que je pourrai arriver à faire. Il est vrai que je le regrette quand même maintenant que je m’en rends compte des enjeux réels. Au moins je ne suis plus dans cette jalousie maladive envers ceux qui y accèdent, par manque de compréhension, par manque du sens de la réalité : c’est très positif. C’est un soulagement de ne plus vouloir quelque chose qui me torturait alors que je pensais que ce serait possible. C’est comme une pierre retirée de ma chaussure pour continuer à marcher, au moins je vais me concentrer sur ce qui est accessible…

  19. Cé. le 17 Fév 2012 à 16:53 19

    « L’humilité, c’est aussi la capacité de se regarder avec humour » . Mais comment avoir de l’humour sur soi-même quand on est piqué à vif, quand on trébuche ou quand on prend le droit d’un autre ? Si vous pouviez me raconter une histoire vécue ou bien me donner des indications qui me permettraient de prendre du recul pas rapport à moi-même ?

  20. Luce le 18 Fév 2012 à 10:30 20

    Merci à ceux qui m’ont répondu et aux autres qui en partageant leurs expériences m’ont aidée à cheminer.
    Au début je pensais que le manque de confiance en soi ne pouvait pas avoir de lien avec l’humilité ou l’excès d’orgueil. (oups! quel manque d’humilité ;)) !!!)
    Car, pour ma part, chez moi, je le voyais comme un problème d’éducation. Je m’explique : n’ayant dans mon enfance, adolescence (et même encore maintenant) reçu aucune marque de félicitation et de reconnaissance de la part de mes parents, je suis convaincu que l’origine du manque de confiance en moi vient de là. C’est un fait réel, tangible et indéniable.
    Du coup, j’ai développé un « travers », celui de rechercher cette reconnaissance chez tout le monde, au travail, avec les amis, etc.… sachant cela depuis longtemps, je travaille sur ce point en pensée (non sans difficulté), dès que je repère des demandes injustifiées et mal placées, je me remets dans le droit chemin en me disant que je n’ai rien à recevoir des autres…les autres n’ont rien à voir avec cela…etc. Ainsi, progressivement, mes exigences vis à vis des autres sont tombées.
    Or depuis cet article, je me demande si rien que le fait de penser que je n’ai pas reçu de mes parents la reconnaissance que j’estime nécessaire n’est pas déjà une forme d’orgueil ? Si Dieu m’a mis dans cet environnement familial là, c’est ce qui était le mieux pour mon âme. Ensuite, j’ai pris mon soi impérieux « la main dans le sac » !! Si je peux utiliser cette expression pour montrer comment il me dupait en utilisant la « dévalorisation de soi » donc le manque de confiance en soi. Bien entendu cela n’a plus rien à voir avec l’humilité directement mais c’est grâce à la réflexion qu’à induit cet article que j’ai fait cette découverte sur moi-même.
    Et je comprends mieux de quoi Mike nous parle.
    Je vous passe tous les détails et le temps que cela a pris pour en arriver à cette conclusion que je vous livre. Il se trouve qu’au travail je jalouse une collègue que j’apprécie. Ma jalousie s’exerce de la façon suivante : j’aimerai moi aussi avoir la même attention et affection que lui prodiguent les autres collègues. Bien entendu ce que je dis là, ne m’est jamais apparu aussi clairement que maintenant puisque mon soi impérieux masquait cela. Comment ? En utilisant un point faible, celui du manque de confiance en moi : je ruminais des pensées de dévalorisation. Elles occupaient tout mon champ de pensée avec des monologues intérieurs du type « tu es nulle, mauvaise, plus lente que les autres, tu fais plein d’erreurs ». Comment le soi impérieux a-t-il fait pour opérer cette déviation ? En me faisant regarder ce que je n’ai pas, ce que je ne sais pas faire… Ainsi, je travaillais certes sur « avoir une pensée positive » mais je négligeais de travailler sur le problème de fond qui est en fait ce problème de jalousie envers cette personne.

  21. Cogitons le 18 Fév 2012 à 13:40 21

    Franchement, on confond tout, au secours! Les analyses sont tout à l’envers, les causes et les conséquences. Le « soi impérieux » à toutes les sauces, en concept et explication universelle, la réponse-à-tout qui rendrait d’un seul coup toute les sciences de la psyché humaine obsolète. Concept d’apparence si simple, si limpide, mais qui si on veut bien creuser, n’explique souvent rien car employé à tors et à travers.

    Le désir de la reconnaissance d’autrui, de l’orgueil ? Alors si tel est le cas, un nourrisson, un enfant sont des montagnes d’orgueil! Hou les vilains, ils ne savent même par parler que déjà, les voilà dévorés par leurs soi-impérieux! La prochaine fois que mon enfant vient me voir pour se plaindre que je ne fais pas assez attention à lui, je l’enverrai balader en lui disant « fous moi la paix orgueilleux! Et travaille un peu sur toi-même, car ce qui se plaint en toi, c’est ton vilain soi impérieux. »
    Vous voyez un peu où ça mène tout ça?

    Donc, battez-vous la coulpe, si cela vous semble utile. Mettez cette tendance humaine toute simple, innée, naturelle, nécessaire et bonne, qui est à la racine de la construction et de l’harmonie des sociétés, que l’on ne peut vivre sans le regard et l’approbation d’autrui (à commence par ses parents) à des degrés divers, sur le compte de l’orgueil et de l’über-soi-impérieux, cet explique-tout, et je prends le pari que vous n’arriverez à rien, de même que l’on ne soigne pas malade de la peste avec du sirop d’érable.

  22. adissam le 18 Fév 2012 à 23:09 22

    Quelques questions soulevées par ces deux articles:

    1. Pourquoi vouloir être humble ?

    – car je ne suis rien (par rapport cet univers – cf. article 1).

    – car je me sens coupé de mon “moi véritable” (ce “moi” souvent décrit par ceux qui ont vécu une NDE comme une conscience infiniment plus sensible que ma conscience de tous les jours).

    Je suis constamment dans un moi conscient de surface, un “égo illusoire” justement, où s’exprime des pulsions très animales (montrer sa supériorité, avoir la place de l’autre,…). Ces pulsions impérieuses jaillissent souvent sans que je ne m’en rende compte.

    – on peut déjà aussi y voir un bienfait social.
    On aime bien ceux qui sont modestes. Il y a un doux parfum en leur compagnie et même une certaine ambiance chaleureuse.

    – ….

  23. mike le 20 Fév 2012 à 0:57 23

    @cogitons; l’un n’empêche pas l’autre; on est effectivement noyé dans le soi impérieux dès l’enfance mais en tant qu’éducateur on est tenu d’accompagner nos enfants, de les orienter dans leur découverte du monde et d’eux même sans forcément les sanctionner; à vous écouter on pourrait laisser libre cour à notre nature sans impunité?

    @luce : personnellement dans mes activités quotidiennes je ne manque pas de confiance en moi et je suis même plutôt considéré comme une tête brulée parce que par nature ou par hyper confiance en la Vie (ou parce que mes parents m’ont beaucoup aimé?) , j’ai toujours fait dans ma discipline des choses plus osées que les autres; en revanche en matière de spiritualité je suis toujours tiraillé entre cette nécessité de faire le maximum, d’être attentif à tous les signes que Dieu pourrait m’envoyer pour avancer, de trouver le bon canal qui me permettrait d’être sûr de Son contentement et la réalité même de ce que je fais, qui à l’inverse est freinée par des incertitudes, des échecs, des déceptions qui me pèsent et qui m’entrainent parfois dans des réflexions quasi dépressives sur moi même qui peuvent aboutir à trouver des problèmes là où il n’y en a pas et qui se traduisent par des sauts d’humeur et de palabres de plaintes qui gâchent les années de pratiques que j’ai pu faire auparavant (et dans ce sens je rejoins Cogitons) ; tout ceci au lieu de se taire, de laisser passer la tempête jusqu’au prochain beau temps; pourquoi ce comportement? parce que je me compare aux autres (sans forcément les jalouser) et j’ai des sursauts d’éveils ou d’illusions qui me font croire que je ne suis pas dans la compétition comme eux; comment remédier à ce mal?

  24. adissam le 25 Fév 2012 à 7:46 24

    L’analyse de Luce a le mérite d’une recherche en profondeur de ces questions (pourquoi tel comportement ? Tel refoulement ?);
    mais en y incluant un paramètre essentiel: la dimension spirituelle de notre être.

    C’est tout le but de ce site si je comprends bien:
    – de proposer un modèle du soi (être bi-dimensionel ou psychospirituel) et l’existence de Dieu, la Source, la Cause des causes comme axiome de départ. Il en découle l’existence de l’âme céleste, en exil dans ce corps physique (âme terrestre).
    – de présenter des articles théoriques et pratiques à la lumière de ce modèle,
    – et d’échanger sur les résultats obtenus.

    La question ici est bien la transformation de soi et non du « positive thinking », de la psychologie pour ce sentir mieux, ou autres,…
    Ces sciences de la psychologie ont une utilité, voire même peut-être une étape dans l’exploration et l’introspection de notre soi. Et certains troubles sont de l’ordre du psychisme (par exemple, certains animaux ont des peurs compulsives après de mauvais traitements, etc…).
    N’est-ce pas un exemple de ce psychisme là que nous gardons de notre composante de primate ?

    Dans ce cadre, l’orgueil ou le désir de reconnaissance, de quoi s’agit-il ?
    Les résultats présentés suggèrent un lien entre :
    – manque d’humilité et manque de confiance en soi (une vision fausse de soi même)

    Ce sont des résultats déjà remarquables que je n’avais pas même soupçonnés jusqu’à présent.
    Merci pour cette contribution.

  25. KLR le 03 Mar 2012 à 23:19 25

    Ces deux articles sur l’humilité m’ont amené à entamé une réflexion à ce sujet sur moi-même. J’ai le sentiment de ne même pas vraiment saisir ce que peut être cet état. Quelque fois, lorsque je me sens totalement impuissante ou que j’ai des grosses difficultés matérielles, je suis submergée par le sentiment de ne pas pouvoir y arriver et lorsque je me tourne vers Dieu, il m’arrive de ressentir une ébauche d’humilité.
    Mais je dois dire que ces moments sont assez rares, et que le reste du temps, j’agis comme si j’avais en main les rênes de mon existence.
    Comme il est dit dans l’article :
    « L’humilité qui nous occupe ici est d’un autre ordre. C’est un état d’esprit intérieur, un travail sur la pensée qui peut se manifester – ou non – par une attitude modeste à l’extérieur, selon le contexte. »
    J’ai donc pensé entamer un travail sur la pensée, un travail intérieur, même s’il est vrai que notre manque d’humilité est souvent révélé par les autres.
    J’ai essayé de repérer cette mauvaise habitude qui consiste à se sentir le centre du monde et à agir seul. Elle est très ancrée en moi.
    En relisant ce soir l’article, j’ai aussi le sentiment que pour travailler sur ce point, il faut se remémorer fréquemment sa position dans la « géographie spirituelle », car bien sûr, chaque individu se sent le centre du monde, il faut donc s’ouvrir à cette géographie et l’intégrer un peu plus dans son quotidien. « Je ne suis pas seule, je ne peux pas tout, j’ai besoin de Lui ».
    Il me semble que lorsque l’on commence à ressentir profondément ce besoin, c’est un petit pas vers l’humilité.
    J’aimerai avoir votre avis, et si vous avez des pistes pour travailler sur cet état d’esprit intérieur. merci.

  26. mahaut le 03 Mar 2012 à 23:43 26

    Des études d’art m’ont fait rencontrer des miroirs étranges et riches faisant accéder à des passages, à des fenêtres, ou jouant comme des révélateurs.

    En me portraiturant, si le miroir m’a renvoyé une image fidèle de ma personne, il m’a asséné des foules de questions. L’artiste, dans l’instant de création, ne cherche pas la différence entre lui et l’objet, il n’est pas placé à l’extérieur mais il est en lui-même. Aussi c’est un va-et-vient entre l’acte physique de tracer, celui de se regarder et de l’émotion ressentie, j’ai découvert l’enjeu de la ressemblance physique dépassée et la réalité de la vision intérieure.

    Que connait-on d’une chose, RIEN ! Sinon généralement, seulement son apparence.

    Dans le miroir, mon apparence m’était une parfaite énigme. D’instinct la sincérité a toujours été mon critère de vérité. Je n’ai pas été pas comme Narcisse qui s’agenouillant sur la berge d’un lac, se penchant pour boire, soudain, se vit dans toute sa beauté et ne parvint plus à détacher son regard de son reflet . 

    Je ne pouvais pas m’identifier à cette jeune femme que je peignais, je m’éprouvais quelqu’un de différent, je palpais mon néant et mon vide. Après des années de travail, j’ai compris que je n’étais pas un autre Sisyphe, mais, face à ce Créateur qui m’avait aimé en premier, si j’étais un presque rien, j’étais cependant un potentiel et qu’il m’appartenait par ma liberté et par ma volonté de trouver la clé pour me développer. C’est tout l’enjeu de la grâce d’avoir reçu la vie.

    Faire de l’art, ce n’est pas faire corps avec son corps, il y a une distance

    Face à ma toile et alors que mon but était bien la peinture, je m’apercevais ne pas connaitre grand chose de cette personne devant moi dans ce miroir et pourtant dans « laquelle » j’avais déjà vécu depuis un certain temps. Ce visage qui était à la fois mien, m’apparaissait comme un masque d’un être plus profond qui m’était inconnu. Corps et visage reçus, mais dont l’origine de l’origine échappe et qui finiraient en pourriture, avec au milieu d’un parcours, des évènements à assumer, et sans avoir su quels bagages prévoir, si l’habitude pouvait me certifier que j’en étais la propriétaire, une volonté d’aller au fond des choses me freinait. Situation vraiment étrange et d’où toute vanité ne pouvait qu’être éradiquée.

    L’art est un monde riche pour pouvoir évoluer psychiquement.

    Quant à la surface à peindre ou celle de la feuille de papier mouillé, ce sont aussi autant de miroirs, sur lesquels on fait émerger des univers de couleurs entre ombres et lumières, portés en soi et qui apparaissent comme dans des rêves.

    L’art est un choix de vie et sert de pont entre la vie matérielle et la vie psychique de l’être humain.

    Dans ces parcours, les cours d’histoire de l’art de civilisations avec leurs icônographies m’ont révélé aussi à moi même. J’y ai rencontré Ersnt Gombrich ou René Huyghe : « Formes et forces » a concouru à poser d’autres problématiques

    http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPF10005777/rene-huyghe-formes-et-forces.fr.html

    Mon identité était connue ainsi que mon corps fait d’un assemblage d’organes mais qu’est-ce que cela révélait de moi, pas grand chose. Je connaissais ma famille mes amis, ma garde robe et pourtant, tout était étrange. Je pensais, j’étais dans l’ordre de l’inventaire, mais pas dans celui de l’être. Oui, j’étais un être humain, comme il y en a tant d’autres,… et cette étrangeté de penser ! Au début et pendant mon parcours, je ne savais pas que l’art pouvait faire le pont entre la vie matérielle et la vie psychique de l’être humain…. ensuite, j’ai compris et que cela pouvait constituer une recette pour quiconque.

    Je raconte ici mon parcours, pour témoigner qu’une connaissance de soi pratique est certainement plus facile qu’une connaissance purement spéculative. Notre esprit en ces instants, par une grâce surnaturelle, éprouve et palpe notre néant, il s’y applique et se l’applique, et en faisant tout cela devant Dieu et selon Dieu, c’est un chemin de dépouillement. Au départ, issue d’un monde athée ce sont bien ces études d’art qui m’ont conduite à la spiritualité.

    J’ai saisi que mon parcours m’avait préparé à réfléchir sur l’existence et les raisons d’être. En fait, on n’est jamais seul, ici nous sommes enseignés ici et là-bas dans l’autre monde nous sommes aussi des élèves…

    Avec le temps tout s’en va et l’humilité m’apparaît nécessairement être accompagnée de flots de tendresse, de patience et d’aimance.

    « L’humilité est la forme la plus aboutie de la connaissance de soi » cela me semble être très juste. Mon Dieu aidez-moi à parcourir ce chemin et à aller vers Vous et aidez-nous. Merci de vôtre Grâce.

  27. révo le 05 Mar 2012 à 11:23 27

    @KLR Le travail sur la pensée commence pour moi par le rappel de la théorie avant l’intégration, par exemple, pour développer l’humilité. Le fait de me souvenir que tout ce que je fais ou tout ce que je peux faire c’est parce que Dieu m’aide, m’autorise, me soutient, accepte et tout simplement parce que Dieu est là et qu’Il est la source de ma vie et de la vie qui m’entoure. Il y a des activités que je faisais quotidiennement depuis des années et puis, d’un seul coup, je ne peux plus les faire parce que je suis malade, parce que je n’ai plus assez d’argent. Alors je me rends compte que tout tient à un fil, certainement pas à mes qualités ou ma volonté. Je suis dépassée par ce qui arrive, dans la réussite comme dans l’échec. Finalement, je m’en rends beaucoup plus compte quand il s’agit d’échec. 🙂

  28. mahaut le 08 Mar 2012 à 22:02 28

    Si vous acceptez de partager ce texte plein de poésie, sur l’humilité d’un contemporain: Jean-Louis Chrétien, professeur à la Sorbonne Paris IV.

    Eloge de l’humilité
    Une patiente aventure.

    L’humilité tout d’abord semblait cousine de ces vertus d’effacement et de mesure qui nous épargnent d’imposer aux autres, qu’ils en veuillent ou non, notre présence, notre regard, notre conviction, notre jugement, et d’envahir leur espace comme par droit de conquête : la modestie, la retenue, la réserve, la pudeur, la décence, la discrétion. Cependant, si précieuses soient-elle, celles-ci mettent en jeu des limites qu’il s’agit de ne pas franchir, des distances qu’il s’agit de ne pas abolir pour qu’autrui soit et respire, reste libre et mobile. Ce sont vertus de belle socialité, et leur objet, d’abord négatif, est d’empêcher tout débordement où la mise en avant de notre être ferait de l’autre, même au nom de son prétendu bien, notre chose ou notre jouet. L’humilité, quant à elle, commence à l’intérieur, dans le secret et dans la nuit, où elle ne cesse de mûrir comme la grappe d’une aurore qui sera. Elle ne nous demande rien d’autre, dit saint Augustin, que de nous connaître en vérité : ni plus, ni moins. Se connaître n’est pas se comparer : que m’apprend de me trouver pire ou meilleur qu’un autre que je connais moins encore que moi ? Et en quoi se déprécier serait-il plus pur que se vanter ? Ce ne sont que les marées hautes et basses du narcissisme, et il y a aussi des fanfarons de l’indigne. Cette descente dans l’abîme que nous sommes veut une lumière, celle de Dieu, plus forte que notre conscience, et un but, celui d’œuvrer enfin, plus riche que nos jugements, bons ou mauvais, sur nous.

    Cette courageuse plongée en notre intime labyrinthe n’a pas pour fin de nous y perdre ni de nous y enfermer mais de nous désabuser et de nous détromper de nous-même, afin que de cet abîme suffoquant nous ressortions libres et nus. Nus, car nous savons désormais que rien de misérable ne nous est tout à fait étranger. Libres, car nous savons désormais qu’il n’y a ni force, ni talent, ni vertu dont nous soyons propriétaires, et dont nous puissions nous faire fort, par nous-même, à jamais, mais que tout nous viendra de ce à quoi nous nous vouons, et seulement aussi longtemps que nous nous y vouerons. C’est alors que commencent la marche à l’air libre et les choses vraiment sérieuses. Seul un voyageur sans bagage peut les entreprendre, car seul celui qui se sait pauvre peut oser appeler et oser recevoir, et seul celui qui se sait faible, ne possédant pas de force, en invente et en trouve, fût-ce pour en donner. Je n’ai plus dès lors à me demander si je suis assez courageux, assez patient, assez intelligent pour telle tâche ou telle action, mais seulement si cette tâche est nécessaire et cette action requise.

    L’humble est celui qui a confiance, qu’il recevra de quoi manger en chemin, si ce chemin est vraiment le sien, au lieu de préparer toute sa vie des provisions pour un voyage qu’il ne fera jamais. Il n’a pas cartographié son abîme, il lui a suffi de savoir que ce n’était pas en lui, mais dans la bruissante rumeur du monde, qu’il trouverait réponse à ses questions. Et sa boussole (car il en a une) est que la force de son amour ne vient pas de lui, mais de ce qu’il aime. C’est pourquoi elle ne saurait manquer.

    Toujours itinérante, cette amoureuse humilité envoie à toutes les grandeurs de l’humain. Elle est ce sel que nous ne consommons pas tout seul, mais sans lequel rien n’aurait de goût. Un courage sans humilité n’est que folle témérité, une intelligence sans humilité n’est que sotte outrecuidance, une autorité sans humilité n’est que tyrannie capricieuse… Et, comme le sel, c’est elle qui conserve le reste. Mais, comme le sel encore, qui vient sur nos marais, il lui faut la longue patience de la sédimentation, de l’évaporation, de la récolte.

    26 avril 2002

  29. adissam le 12 Mar 2012 à 2:59 29

    @KLR « L’humilité qui nous occupe ici est d’un autre ordre. C’est un état d’esprit intérieur, un travail sur la pensée qui peut se manifester – ou non – par une attitude modeste à l’extérieur, selon le contexte. »

    “selon le contexte” m’interpelle. Cela implique de discerner à qui l’on a à faire.
    Quelques situations à risques remarquées :

    1/ un nouvel environnement, une nouvelle rencontre – que faites-vous dans la vie ?
    * mais si j’arrive à un nouveau poste, comment faire ? (souvent nos qualifications ou expériences parlent pour nous auprès de nos collègues mais face à des personnes bien moins diplômées? ).

    2/ avec mes pairs (mêmes âges, études ou profession, « mais moi je m’en sort mieux » ou pire pourquoi eux (mais là, il s’agit d’un autre décrassage).

    3/ quand on a des idées fixes en tête (ambitions personnelles, …)
    *sur ce point, l’ambition n’est pas, à mon avis, négative mais dépend de l’intention qui la motive.

    4/ quand on a un peu de connaissances sur un sujet.
    *à la moindre occasion qui se présente, je me vois lancer mon savoir (“mais il faut qu’il sache quand même, il est dans l’erreur !”)

    -…

  30. Songe le 24 Mar 2012 à 10:55 30

    @Cogitons
    Comme votre pseudo est bien choisi, cher Cogitons 🙂
    Après avoir un peu cogité votre virulente intervention, donc, me revoici avec juste une précision : lorsque j’écris que le besoin de reconnaissance est à « la racine », j’exprime assez mal ce qui relève du déséquilibre fonctionnel d’une puissance donnée. Ce que je voulais dire, c’est que dans ses justes proportions, le besoin de reconnaissance a une fonction très utile, ce que vous soulignez parfaitement, mais qu’en excès, il contribue à former un caractère « frimeur ».
    Un peu selon le même mécanisme de la dignité, qui est fondamentale, mais dont l’excès conduit à l’orgueil, et le défaut à l’indignité… C’est sans doute une vision trop simple de tendances caractérielles habituellement mixtes ou dépendant de plusieurs facteurs, je la trouve cependant assez opérante dans ma vie de tous les jours, pour analyser mes comportements.
    J’espère juste ne pas n’avoir pas semé trop de confusion et vous remercie de votre intervention.

    @Mahaut
    La douceur de vos propos et la profondeur du texte que vous rapportez sont deux beaux cadeaux. Grand merci pour vos deux contributions.

    @Adissam
    L’ambition me paraît toujours un peu suspecte. Mais pour éviter de répondre à chaud, je vais cogiter un peu avant d’exprimer quoi que ce soit 😉

  31. adissam le 25 Mar 2012 à 6:39 31

    @Songe
    l’ambition serait dans le sens de cette citation :

    Œuvre pour ta vie ici-bas comme si tu y vivrais éternellement et œuvre pour l’autre monde comme si tu mourrais demain.

  32. Ms le 12 Août 2012 à 1:02 32

    Cet état d’esprit de « je ne suis rien » dont parle l’article me paraît si insaisissable …

    Je trouve cet état d’esprit très difficile à mettre en pratique.
    D’un côté, je comprends en quoi c’est la clé vers l’humilité mais, d’un autre côté, je trouve qu’un tel motto peut être dangereux. Je trouve qu’il peut vite engendrer du pessimisme, du découragement, un manque de confiance en soi … Je veux bien croire en la nécessité de l’application de cette devise. Cependant, ne sachant pas comment la comprendre véritablement et donc comme la mettre en pratique, j’ai du mal à la voir comme LA solution.

    Qu’en pensez-vous ?

    Merci 🙂

  33. mike le 13 Août 2012 à 1:16 33

    je pense que l’ambition a du bon quand elle correspond à la mise en application de ses devoirs d’être humain; le soi impérieux la rend suspecte pour ne pas travailler… mais l’ambition recèle plein de caractères spirituels et ethiques précieux, le sérieux, la confiance des gens, la persévérance, l’altruisme (être meilleur pour mieux servir les gens), la gratitude (comme quelqu’un qui fait fructifier quelque chose qu’on lui a confié).

    oui l’humilité on l’a vu aujourd’hui à la télé qu’on est rien; le double champion olympique de VTT qui prépare les JO depuis 4 ans à nouveau, il part bien mais 2 petits incidents le font abandonner… on est rien parce qu’en une seconde tout peu chavirer!
    mais on est beaucoup quand on avance d’un pas dans la mise en application de nos devoirs d’être humain comme le petit Thao dans Gran Torino de clint eastwood qui rentre dans le coeur de ce vieil homme aigri qui a vécu la guerre de Corée à la seconde où il le voit aider spontanément une vieille dame qui a perdu ses courses…
    la clé c’est la mise en pratique de nos devoirs éthiques et spirituels en cherchnat le contentement divin et non se répéter sans arrêt qu’on est rien.

  34. Cogitons le 13 Août 2012 à 7:20 34

    Si ton humilité (ou ce que tu prends pour telle) t’empêche de t’épanouir, qu’elle est un bel habit dont tu tu parres tes lâchetés, tes craintes, tes inadéquations, tes frustrations, tes paresses, tes jalousies, tes ressentiments, qui te permet en plus de dénigrer à bon compte la réussite ou le bonheur d’autrui, mis sur le compte de l’orgueil, de l’ostentation, que sais-je encore, alors tu es sujet(te) au syndrome de la grenouille de bénitier.

    À l’ombre de son humilité qu’il voyait comme sa vertu première, il étouffa si bien les élans vitaux qui bouillonnaient en lui, tous ces potentiels créatifs, toutes ces exultations en puissance, tous ces épanouissements, qu’il finit humble, peut être, mais surtout flétri, amer, renfrogné, seul, et pour tout dire, terriblement triste.

  35. mike le 14 Août 2012 à 14:29 35

    d’accord avec cogitons, l’humilité a souvent comme primum movens la crainte de se tromper…

  36. ici le 18 Août 2012 à 0:50 36

    C’est grâce à Toi que j’ai tout ce que j’ai.

    Merci pour tout ce que Tu m’as donné.

  37. radegonde le 17 Jan 2013 à 22:39 37

    je reviens ici pour comprendre le mot » humilité » et si possible le mettre en pratique…puisque cette posture est fondamentale dans notre relation là l’UN…et que je me targue de faire cette démarche !!
    Et comme par hasard, depuis 2 jours je me mets dans en colère, avec des commentaires peu élogieux envers mes « adversaires ».. je suis consternée par une telle capacité à ne rien accepter de la part des autres, avec un MOI aussi dominateur, un vrai fauve..
    Que le chemin est long vers l’humilité ,autant interieure qu’exterieure…donc, je reprends mon bâton de pélerin pour affronter « mon fauve interieur ».. Ste janie disait que le combat dure la vie entière..

  38. leilla le 10 Mar 2013 à 16:32 38

    merci pour les commentaires des uns et des autres qui m’ont permis de comprendre les maux dont je souffre, ces maux sont la timidité, le manque de confiance, la peur, et ces maux constituent un blocus dans mon évolution. j’ai pris la ferme résolution de finir avec ces maux et je vous prierai de m’aider en me prodigant quelques conseils pratiques et avec l’aide de Dieu jepense que j’arriverai à vaincre ces maux merci à vous

  39. ici le 14 Mar 2013 à 4:32 39

    j’ai remarqué que parfois je ciblait des points de travail dans le but de mieux vivre ma vie (par ex. des travaux à rendre, je trouvais primordial qu’il fallait absolument lutter contre mon manque d’organisation),
    à l’inverse rien ne m’empêche d’obtenir aussi les qualités qu’ont les autres..

  40. Rene Valcin le 24 Juil 2013 à 17:25 40

    Pour moi et d’apres moi l’humilite est le chemin qui precede la delivrance, la guerison. D’ou le secret d’etre grand il faut s’humilier. Je recommende tt le monde a tre humble c’est bon pour la vie.

  41. ls le 03 Août 2013 à 15:26 41

    @ Rene Valcin

    L’humilité ou la sincérité tout azimut peut s’avérer nuisible dans certaines circonstances (ex. vécus récemment pour la recherche d’un emploi)

    J’en déduis que cette pratique demande une approche fine et contextuelle (une soi-disant humilité peut aussi être un symptôme d’un orgueil latent).

    Humilité au sens où nous sommes rien face au cosmos, au Créateur,… cela m’aide dans mes moments avec l’Un.

  42. Chien.blanc le 22 Jan 2014 à 22:00 42

    Êtes-vous sûre d’avoir compris ce qu’est l’humilité ?…

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