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Évolution : le hold-up matérialiste

Par , le 7 Juin. 2009, dans la catégorie Lectures - Imprimer ce document Imprimer
Évolution et finalité, Darwin, Monod, Dieu

À voir s’essouffler les débats circulaires sur le hasard ou la finalité, la Théorie synthétique de l’évolution ou le Dessein intelligent, l’Absurde ou le Sens, il fallait que soit rendue visible la particularité radicale de la doxa prévalant en Occident&nbsp: l’Univers serait par postulat non téléologique  toute notion de finalité serait non scientifique et en conséquence non recevable sur la place publique pour les sujets sérieux, ceux qui engagent nos sociétés.

C’est chose faite grâce au livre de Jean-Luc Martin-Lagardette, Évolution et finalité, Darwin, Monod, Dieu, éditions L’Harmattan. Il y est exposé avec précision et rigueur en quoi la position qui consiste à considérer que «&nbspseul le matérialisme scientifique est scientifique&nbsp» est illégitime logiquement et moralement.

Il n’est là nullement question d’opinions, de choix arbitraires ou de préférences d’un spiritualiste en mal de rayonnement. Non, l’auteur nous présente une argumentation structurée exposant les mécanismes par lesquels se sont instaurées et perdurent des confusions. Des confusions logiques et sémantiques qu’il est vital de réduire en élucidant les présupposés de la «&nbspdémarche scientifique occidentale&nbsp» actuelle. Identifiés comme tels, ces présupposés peuvent être acceptés en tant que postulats ou en tant qu’hypothèses. Mais ils ne peuvent plus prétendre à fonder exclusivement la vérité dite scientifique.

Or, vu la considération quasi superstitieuse dont jouit, au niveau des instances organisatrices de nos pays développés, ce qu’on appelle «&nbspscientifique&nbsp», le qualificatif de «&nbspnon scientifique&nbsp» prend mécaniquement une connotation franchement péjorative, synonyme d’«&nbspirrationnel&nbsp», voire de «&nbspsectaire&nbsp». Est désormais classée ainsi toute conception, y compris la plus rigoureuse, ne rentrant pas dans le cadre du matérialisme scientifique. Il n’y aurait finalement, en matière de connaissance, qu’une position possible, celle du matérialisme scientifique  les autres relevant du mysticisme, de la croyance, du rêve ou du fanatisme.

En conséquence douloureuse et ô combien préjudiciable, tout le versant non strictement matérialiste de l’existence est méprisé, marginalisé voire nié. Sous le prétexte que seul le matérialisme est rationnel, la dimension philosophique, spirituelle ou éthique est ainsi évacuée de plusieurs domaines d’application pourtant vitaux&nbsp: éducation, médecine, écologie… Réhabiliter une perception à la fois plus saine et plus complexe de la notion de science, reconsidérer la place, majeure mais non exclusive, de l’approche matérialiste, voilà ce que cet ouvrage salutaire nous propose.

On fête cette année le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, concepteur de la théorie de l’évolution, et le cent-cinquantenaire de la publication de l’ouvrage qui l’a rendu célèbre, L’Origine des espèces. Scientifiquement, l’événement est d’importance&nbsp: il a signé le départ d’un formidable développement des recherches sur l’histoire et le fonctionnement du vivant. Sociétalement, il l’est aussi, parce qu’il a placé l’homme dans une longue chaîne biologique ininterrompue, le faisant descendre de son piédestal au grand dam des religions.

La controverse entre les tenants du hasard et de la nécessité (selon la thèse de Jacques Monod) et ceux du Dessein intelligent, concernant l’origine du monde, n’est toujours pas apaisée. Et un débat serein sur la question est encore rarement possible. L’auteur s’est plongé dans les textes originaux pour mener une analyse épistémologique rigoureuse et apte, nous semble-t-il, à ressituer le débat sur le terrain de la pensée, et non plus de l’invective ou du mépris.

Voici son argumentation : la théorie darwinienne de l’évolution (TDE) est partagée par la majorité des scientifiques. Elle est aujourd’hui appuyée sur de multiples observations. Elle est utile et féconde, notamment en ce qu’elle a rendu inacceptable la thèse du créationnisme littéral et ouvert un champ de recherche illimité sur les origines du vivant. Mais elle comporte des failles et des lacunes importantes &nbsp: la preuve empirique que le paradigme du «&nbsphasard et de la nécessité&nbsp» suffise à expliquer la genèse des espèces n’a pas été apportée. Par ailleurs, la TDE s’est adossée à un postulat (principe indémontrable)&nbsp: celui de l’objectivité du monde et de l’absence de toute finalité (désormais qualifiée d’anti-scientifique). Ce choix métaphysique revient à opter pour le seul mécanisme (matérialisme) afin d’étudier l’Univers.

Du fait de ces lacunes et de ce choix préalable, d’autres voies demeurent parfaitement légitimes. Elles sont d’ailleurs explorées par nombre de chercheurs, preuve que la TDE peut être revue, voire corrigée. Ces voies alternatives font souvent une place, plus ou moins intégrée à la matière, à une forme d’intelligence créatrice. L’auteur nomme cette approche le postulat d’un principe intelligent (PPI). Le PI (principe intelligent) est un concept opératoire&nbsp: il n’implique ni n’interdit aucun lien avec tel ou tel système philosophique ou religieux. D’un point de vue purement logique, puisque qu’elles se basent toutes les deux sur un postulat (ne pouvant faire autrement), le PPI et la TDE ont théoriquement chacune sa place dans la recherche scientifique et dans le débat public. Certes, le PPI, pour avoir cette place, doit satisfaire à des conditions de méthode restant encore à élaborer.

Mais la recherche scientifique publique devant être neutre, elle ne devrait pas favoriser le développement de la science selon le seul angle matérialiste. Elle devrait aussi faire place au postulat de l’Intelligence. L’interdiction d’accès de cette dernière à la place publique revient de fait à confondre volontairement laïcité et athéisme, ce qui n’est démocratiquement pas admissible. Et à couper l’homme d’une de ses dimensions les plus spécifiques. Une précision importante&nbsp: l’auteur ne plaide pas dans ce livre pour le Dessein intelligent ni même pour l’hypothèse intelligente. Il montre seulement que, rigoureusement parlant, celle-ci ne peut pas être évacuée, comme elle l’est trop souvent aujourd’hui.


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21 commentaires

  1. Cogitons le 08 Juin 2009 à 15:27 1

    Ouah, quel titre! Le Hold Up matérialiste, rien que ça! La grande conspiration du monde scientifique contre la Vérité. Aie!
    Vous écrivez, par exemple: « Sous le prétexte que seul le matérialisme est rationnel, la dimension philosophique, spirituelle ou éthique est ainsi évacuée de plusieurs domaines d’application pourtant vitaux: éducation, médecine, écologie »
    Ah bon? Ce genre de propos globalisants, et oserais-je dire, légèrement paranoïaques, me mettent mal à l’aise. Pourriez vous définir ce que vous entendez par « éthique », par « spirituel » et par « philosophique »? Et en quoi ces questions sont évacuées de la médecine, de l’éducation, etc?
    Je discutais justement l’autre soir avec une femme médecin qui est membre d’un comité d’éthique médicale. Croyez bien qu’elle ne chôme pas, et que les questions d’éthique sont centrales à la pratique de la médecine « matérialiste-occidentale-rationnelle » (à commencer par le serment d’Hippocrate). Je laisse les éducateurs défendre la part d’éthique (directe ou indirecte) qu’ils dispensent à leurs élèves.

    Autre point, vous écrivez: « Est désormais classée ainsi toute conception, y compris la plus rigoureuse, ne rentrant pas dans le cadre du matérialisme scientifique. »
    Je ne suis pas certain que la science valide ou invalide une « conception » en fonction de son degré « d’athéisme » (pour appeler un chat un chat). C’est un mauvais procès. Il existe d’ailleurs des théories très matérialistes qui sont pour l’instant hors-paradigme dominant, (par exemple, l’auto-organisation défendue par Stuart Kauffmann, qui postule que le Darwinisme est une théorie incomplète et qui apporte sa pierre à l’édifice). Si demain, l’on découvre des restes ou fossiles d’homo sapiens dans des couches sédimentaires datant de 10 Millions d’années ou plus, les paléontologues, les biologistes, et les Hommes de science en général, mêmes les plus athées, devront revoir leurs théories et ils le feront.

    Pour ce qui est du « PI », pour l’instant, il reste du domaine de la croyance. Les mécanismes du hasard et de la nécessité (je traduis: évolution des espèces par la sélection naturelle de mutations génétiques aléatoires) révélés en partie par Darwin ont rendu l’athéisme rationnel possible, puisqu’ils ont apporté une explication plausible à un monde sans Créateur, sans PID (je préfère « Processus Intelligent Dirigé », car l’on pourrait dire que la sélection naturelle est un processus intelligent). Mais cela ne signifie pas que le PID, Dieu, appelons-le comme on veut, n’existe pas: un monde sans Dieu est rationnellement envisageable, mais cela ne signifie pas que le Monde soit sans Dieu.
    Bien entendu, la question se pose alors de savoir pourquoi ce « Dieu » aura choisi un processus aussi brutal, cruel et destructeur que l’évolution. Mais nous sortons là du domaine de la science.

    A mon humble avis, si le PID existe, ce sont ces horribles scientifiques athées et matérialistes qui en apporteront la preuve. C’est grâce aux outils qu’ils auront développés, aux théories qu’ils auront établies, au travail acharné qu’ils auront fourni que la Vérité se fera jour (c’est déjà le cas) de manière de plus en plus précise (si tant est qu’on puisse l’atteindre, ce que je ne crois pas). Bref, c’est la science en grande partie athée et matérialiste, et non la mystique, qui lève aujourd’hui les voiles. Nous ne sommes pas à un paradoxe près…

  2. Olaf_le_Preux le 08 Juin 2009 à 23:58 2

    A Cogitons.

    Merci de votre commentaire, Cogitons : je m’aperçois en effet que, voulant résumer, j’ai déformé mon opinion.
    Je corrige :

    « Sous le prétexte que seul le matérialisme est rationnel, la dimension philosophique, spirituelle ou éthique est ainsi mutilée dans plusieurs domaines d’application vitaux: éducation, médecine, écologie… »

    En effet, peut-être serez vous d’accord avec moi : essayez d’argumenter sur des questions telles que la médecine, l’évolution, l’écologie, l’éducation publique, par exemple, en tenant compte du fait qu’il existe peut-être une finalité à notre existence. Vous aurez immanquablement la réponse que, pour ce qui est de la sphère publique et donc des lois, du contenu culturel de l’enseignement et du discours public, il convient de « faire comme si » il n’y a avait pas de finalité et de construire la société dans cette optique.

    Toute la question est là.

    Et ce que permet ce livre est de dire et de tenir que cette position est partiale, même si l’on pense qu’elle est peut-être la seule actuellement possible…Accepter de constater cette partialité permettrait pour le moins un comportement moins rigide à l’égard des tentatives d’explorer, y compris avec des moyens publics puisque nos impôts sont « à tout le monde », l’hypothèse de la finalité.
    Alors que par exemple, l’énoncé d’une conception finaliste de la création provoque des tollés de la part d’une grande partie du monde scientifique.
    Une citation de l’ouvrage : « La violence de la diatribe révèle les tensions. Des expressions comme : « …ce qui constitua l’une des plus importantes impostures intellectuelles… », « L’objection est ici de mauvaise foi… », « … il y a incompréhension totale ou travestissement… », « … il revient à chacun d’apporter son frichti à l’auberge spiritualiste… », « ..roquets… », « …combat d’arrière garde… », « l’Intelligent Design constitue une anti-science », « explication pseudo-scientifique », « entreprise de fraude scientifique caractérisée, d’imposture intellectuelle ou d’opération de communication », et même « grave atteinte aux droits de l’Homme », sont écrites ou prononcées par certains à l’encontre des opposants à leur pensée. »

    Encore merci d’avoir pointé ce qui était en effet une erreur.

    Par contre quand vous dites « Je ne suis pas certain que la science valide ou invalide une « conception » en fonction de son degré « d’athéisme » », si vous présentez cette idée en la formulant symétriquement : « La science invalide toute conception en fonction de sa coloration finaliste », ne conviendrez-vous pas qu’elle vous apparaît juste ?
    Or si, comme j’avoue le penser, existe bien une telle finalité, on peut logiquement exprimer, comme le font certains scientifiques audacieux, qu’une science exclusivement et délibérément matérialiste serait logiquement inapte à saisir et décrire le réel.

    Cette difficulté est particulièrement flagrante avec le Darwinisme « moderne », conforté du « monodisme » (voir le titre du bouquin), puisque ce courant de pensée postule à la racine l’absence de finalité (hypothèse chez Darwin, postulat chez Monod).
    Peut-être la Théorie de l’Evolution vous satisfait-elle intellectuellement, moi non.
    Et de loin. Alors, comment faire : prétendre que « j’y crois » ? Accepter les théories incohérentes des créationnismes littéraux ?
    J’ai choisi d’accepter exprimer que je ne sais pas, mais que pour autant, les explications scientifiques actuelles m’apparaissent incohérentes et exagérément tirées par les cheveux. Connaissez-vous la fameuse douve du foie ? Arrivez-vous à concilier cette réalité avec la théorie darwinienne ?

    Que l’ « athéisme rationnel » soit concevable, heureusement ! C’était indispensable pour la libération que cela a permis par rapport au poids mortel des systèmes idéologiques religieux.
    Qu’il s’érige en tronc commun public, déclaré « objectif », et paré du doux nom de laïcité, voilà ce que dénonce ce livre.

    Par ailleurs, cher Cogitons, rassurez-vous, je suis bien d’accord que « c’est la science en grande partie athée et matérialiste, et non la mystique, qui lève aujourd’hui les voiles ».
    Mais une des thèses proposées par l’auteur est que cette science serait tout autant et même plus féconde, et que ses indirectes conséquences préjudiciables seraient pour le moins réduites, sans la forme d’intransigeance qui l’empêche dogmatiquement si souvent de s’ouvrir à tout ce qui n’est pas « matériel », sans d’ailleurs ne posséder de véritable définition de ce mot.
    Ayant « désenchanté le monde », qu’elle soit pour le moins rigoureuse dans son entreprise !

    Or pour beaucoup, l’aventure et les joies de la connaissance sont malheureusement ailleurs, alors que sciences des apparences et science de l’essence pourraient si agréablement et efficacement se compléter !
    Au contraire, échaudés par son parti pris, combien d’humains, en particulier dans d’autres « cultures » repoussent ce qu’ils considèrent – avec raison trop souvent – comme un dogme plutôt que comme une science, creusant encore les incompréhensions ente les peuples…

  3. Cogitons le 09 Juin 2009 à 1:26 3

    Permettez-moi une question: ça serait quoi une recherche scientifique publique qui fasse place au « postulat de l’intelligence »? Auriez-vous des exemples concrets?

  4. MH le 09 Juin 2009 à 11:39 4

    J’en déduis de vos deux précédents commentaires, qu’un ‘véritable’ scientifique doit avoir l’esprit ouvert et AUCUN PRÉJUGÉ, c’est bien ça?
    C’est, pour ma part, la définition du scientifique, du chercheur…

    Or, il semblerait que ce soit loin d’être le cas la plupart du temps!
    Il est difficile de passer outre ses préjugés, mais un scientifique SE DOIT de le faire! Sinon, il n’en est pas un…
    …ou alors, s’il faut ajouter l’adjectif ‘éthique’ ou ‘véritable’, cela prouve qu’il existe bien des scientifiques ‘dogmatiques’?

    En conclusion, j’ai bien envie de lire ce fameux livre!

    Merci Olaf-le-Preux!
    😉

  5. Cogitons le 09 Juin 2009 à 13:23 5

    Cher Olaf_le_Preux, merci de votre réponse.
    Mais poussons un peu plus loin, si vous voulez bien:
    Vous souhaitez « réintroduire une finalité à l’existence dans l’éducation, l’évolution, ou encore, l’écologie… »
    – Dans l’évolution: il y a déjà eu plusieurs procès aux USA, pays en grande majorité croyant, opposant des défenseurs de l’Intelligent Design qui voulaient introduire l’ID au cursus des sciences dans les écoles, contre ceux de l’orthodoxie Darwinienne. Les Darwiniens ont gagné à chaque fois. Pourquoi? Non pas parce que les vilains juges américains sont athées (c’est plutôt rare aux USA), mais parce que l’ID n’est pas une théorie scientifique recevable. Ce n’est simplement pas de la science. Le jour où l’ID (ou un équivalent) deviendra une véritable théorie scientifique (si ce jour arrive), le débat sera rouvert. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, sinon c’est la porte ouverte à tous les obscurantismes dont nous avons tellement souffert tout au long de notre courte histoire humaine.
    – Dans l’éducation: Vous voulez donc remettre en cause la laïcité? Et pour la remplacer par quoi? Quelle « finalité »? Celle des Bouddhistes, des Musulmans, des Sikh, des Scientologues? NON! Si vous voulez que vos enfants reçoivent une éducation religieuse et qu’il vous semble que l’école est le lieu pour cela (je n’en crois rien), envoyez les dans une école religieuse. Elle aura tôt fait de les dégouter de la religion, et vous vous retrouverez avec une brochette de petits athées qui iront jouer au babyfoot pendant que vous allez à la messe (je plaisante). Par contre, je suis assez favorable à l’étude des religions au lycée. Mais c’est un sujet délicat, car que diront les Chrétiens, par exemple, quand on leur montrera que les évangiles sont bourrés d’incohérences et de contradictions, ont été écrits bien longtemps après le Christ, ont été sélectionnés parmi d’autres textes de manière critiquable, et qu’il n’est même pas certain (du point de vue historique) que le Christ ait bien existé? Donc je ne vois pas où vous voulez en venir.
    – Dans l’écologie: c’est quoi la finalité dans l’écologie? Il y en a qui diront, « notre royaume n’est pas de ce monde, alors la planète terre, on s’en fout ». D’autres qu’il ne faut pas écraser le moindre insecte, parce qu’il peut être la réincarnation de sa grand-mère ou encore, que cela affectera son propre Karma de telle sorte qu’il devra se réincarner, et peut-être même en insecte!
    Bref, dans le grand super marché des croyances et des finalités, il y a de tout, cher Olaf. On choisit quoi, et sur quels critères, et en quoi cela sera-t-il supérieur à l’enseignement et à la morale laïcs (des Saints laïcards, j’en connais, autant que des Saints croyants, et inversement)? Vous croyez que Nicolas Hulot est en croisade religieuse?

    Faites ce que vous voulez dans le privé, c’est votre droit (un droit pour lequel il a fallu se battre) et vous en serez d’ailleurs responsable. Exprimez le en public, comme ici, si vous le souhaitez. C’est extraordinaire, la liberté d’expression (encore un truc pour lequel il a fallu se battre et qu’il faut apprécier et défendre)! Ne croyez pas au Darwinisme si celui-ci vous dérange (hé oui, la science « dérange » souvent nos conceptions, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle a tant été réprimée par les institutions religieuses), mais ne demandez pas à la puissance publique ou à l’éducation d’introduire le supermarché des croyances dans la société laïque.
    Tout ceci dit avec véhémence, mais amicalement (je préfère les débats francs aux salamalecs, la vie est trop courte, même si on en a plusieurs).

  6. aldar le 09 Juin 2009 à 23:10 6

    Pour ma part, et j’ai l’impression que le propos du livre va dans ce sens, le plus gros problème réside dans le statut donné à telle ou telle théorie scientifique.

    Dans la vulgate scientifique commune et par transition dans la vision sociale des sciences, la théorie de l’évolution (que je prends dans le sens de la macro-évolution, inter-spécifique, en y incluant la question de l’apparition de la vie sur Terre) est mise sur le même pied que la thermodynamique, pour prendre un exemple physique. Or, que je sache, l’une est très loin d’avoir le même statut de « vérité » que la seconde, dans ce qu’elle prétend décrire. L’hypothèse du hasard et de la sélection naturelle pour expliquer l’apparition de la vie et des formes de vie complexe reste une conjecture, certes recevable, mais assurément pas un principe établi. Elle n’a, d’un point de vue factuel, expérimental, aucunement la valeur des principes de la thermodynamique.

    C’est le fond du problème, et qui fait que parfois, le discours dit scientifique, sur ce point, frôle l’escroquerie.

    Maintenant, le gros problème (et Olaf le souligne en fin de son article) reste que la théorie de l’évolution n’a pas de rivale scientifiquement recevable, même au titre de conjecture. Le PPI n’a pas donné lieu à une théorie viable. La plus grande force de la théorie de l’évolution est qu’elle n’a pas de rivale, et non qu’elle est démontrée par des faits expérimentaux. Ce n’est pas loin de la définition d’un dogme ou d’un paradigme – je dirai d’un « paradogme » – comme, par exemple, au moyen-âge, le système de Ptolémée, qui voulait que la Terre fût au centre de l’univers – et qui amena les astronomes / astrologues de l’époque à proposer des complications monstrueuses pour rendre compte des phénomènes qui ne collaient pas avec le « paradogme » (les mouvements des planètes en particulier). Il a fallu attendre un Copernic pour faire voler en éclat tout cela et libérer l’esprit du « paradogme ».

    Alors la théorie de l’évolution (au sens macro) est-elle un paradogme ? C’est possible, il faut avoir l’humilité de l’accepter. On ne le saura que le jour où un Copernic proposera une alternative sérieuse, PPI-oïde ou autre. Je ne peux que rejoindre Olaf dans l’espoir de plus d’ouverture d’esprit des milieux scientifiques sur ce sujet.

  7. Cogitons le 10 Juin 2009 à 13:46 7

    @Aldar:
    Vous dites: « La plus grande force de la théorie de l’évolution est qu’elle n’a pas de rivale, et non qu’elle est démontrée par des faits expérimentaux. »

    – Que cette théorie n’ait pas de rivale sérieuse, c’est un fait qu’il est utile de rappeler: ça évite ensuite de penser que l’adhésion de la science au Darwinisme est une conspiration matérialiste et athée. Notons, je répète, qu’il y a de nombreux biologistes, généticiens et autres, et non des moindres (Francis Collins, entre autres), qui sont à la fois de fervents Darwiniens et de fervents croyants.

    – Mais dire que c’est « sa plus grande force », ou encore, « qu’on frôle l’escroquerie » est un jugement de valeur tout à fait subjectif et qui ne repose sur rien. Un article de foi, en somme.

    – Dire, enfin, que le Darwinisme, je traduis: « l’évolution par la sélection naturelle de mutations aléatoires » n’est pas démontrée par la science, c’est résolument faux. La génétique nous en a donné les mécanismes (que Darwin, en son temps, ne connaissait pas). L’évolution par sélection naturelle intra-espèces (micro-évolution) a été démontrée en laboratoire sur, entre autres, des populations de mouches, et la macro-évolution, c’est à dire, l’apparition de nouvelles caractéristiques complexes, de changements radicaux, par le même processus Darwinien a été montrée récemment, aussi en laboratoire, par Richard Lenski, sur des populations de bactéries (45000 générations sur 20 ans!).

    Bien entendu, il est plus difficile, et c’est là que le bât blesse, parce que l’évolution, mais surtout, la sélection naturelle sur des organismes complexes prend du temps (des centaines de milliers, voire de millions d’années), de reproduire ces évolutions en laboratoire. Mais les mécanismes ont été montrés. C’est essentiel et on ne peut pas l’ignorer. Pour les grands organismes, la théorie Darwinienne s’appuie en partie sur les paléontologues qui parviennent progressivement à reconstituer l’histoire de l’évolution des espèces. Sur les biologistes et les généticiens aussi, qui observent que l’on retrouve les mêmes gènes, mais surtout, les mêmes structures (parfois tordues et très peu efficaces, signe d’un processus plutôt aveugle, et non d’un travail d’ingénieur – épineuse question) chez des espèces différentes.

    Pour ceux que cela intéresse, je conseille l’excellent livre de Neil Shubin récemment traduit en Francais:
    « Au commencement était le poisson »
    http://www.amazon.fr/commencement-était-poisson-Neil-Shubin/dp/222110692X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1244631068&sr=8-1

    Le titre Anglais était bien meilleur: « Your Inner Fish »:
    http://www.amazon.com/Your-Inner-Fish-Journey-3-5-Billion-Year/dp/0375424474

    Autre entreprise intéressante: après avoir créé un ADN synthétique, Craig Venter, co-décodeur du génôme (avec et contre Francis Collins), est (selon ses dires) à deux doigts de créer la première structure vivante en laboratoire. Un organisme vivant synthétique…

    Décidément, nous ne sommes pas au bout de l’histoire. Mais la « théorie de l’évolution », c’est du solide et du sérieux. Beaucoup de travail et de sueur, aussi. Beaucoup plus qu’un dogme, ou qu’un paradogme (j’aime bien l’expression).
    Ce qui ne signifie pas qu’elle ne sera pas encore modifiée, voire même remplacée un jour. C’est là, bien entendu, qu’il faut garder l’esprit ouvert. Et là dessus, je fais confiance, plus qu’à tout autre, à l’entreprise scientifique, même si elles est, tout comme l’homme, bourrée d’imperfections.

  8. aldar le 10 Juin 2009 à 20:58 8

    « les mécanismes ont été montrés. »

    Je ne le crois pas.

    L’apparition de la vie sur Terre a fait l’objet de nombreuses conjectures dont aucune ne peut sérieusement prétendre avoir trouvé une explication, et je dirais même le bout du début d’une ombre d’explication, sur ce qui a bien pu se passer.

    L’apparition des espèces, de plus en plus complexes, pareil. Que l’apparition d’organes aussi merveilleux et compliqués, qu’un oeil, une trompe d’éléphant ou une aile d’oiseau, peut être le fruit d’une suite de mutations aléatoires, voilà qui est fort loin d’être démontré ni même, en fait, pensable. Que des mutations aléatoires alliées à la sélection naturelle sont le mécanisme de la macro-évolution, ou même qu’elles pourraient l’être, reste une hypothèse qui n’est pas démontrée – vous le reconnaissez « là où le bât blesse ». L' »escroquerie » consiste à dire que c’est démontré, que ça à la valeur d’autres lois scientifiques s’appuyant sur l’expérience – mais c’est faux.

    L’arbre du vivant reste un énorme gruyère avec non pas un mais une infinité de chaînons manquant qu’on n’est pas capable d’imaginer. Le fait qu’il y a des similitudes entre espèces, et qu’un singe ressemble plus à un homme qu’à un lézard, on le sait depuis longtemps, sans avoir besoin d’une analyse génétique – les cladistes (croyants la plupart) des 18-19e siècle ont ainsi, sur la base de critères morphologiques, construit la classification du vivant utilisé encore aujourd’hui. Eux y voyaient le signe d’une sagesse divine. Vous y voyez une preuve qu’il y a eu évolution inter-spécifique. Je pense que l’un comme l’autre, vous faites acte de foi. Vous avez le droit, mais ne dites pas que « c’est scientifique, c’est démontré ».

    Pour ma part je n’ai pas d’hypothèse. Je pense simplement que les scientifiques sur ces sujets (dont vous indiquez à raison l’immense défi qu’ils nous posent), devraient être plus humbles et reconnaître qu’à ce stade, ils ne savent finalement que peu de choses – au lieu de clamer détenir la vérité sur la base de convictions idéologiques. Mais il est vrai que les scientifiques sont humains, et que les humains ont toujours beaucoup de mal à dire « je ne sais pas ».

  9. Olaf_le_Preux le 10 Juin 2009 à 21:42 9

    A Cogitons

    Vos objections sont souvent en résonnance avec le livre qui nous occupe et je ne pourrai pas –et ce ne serait d’ailleurs peut-être pas très « légal »…- vous fournir le développé de l’argumentation de l’auteur.

    Quelques points cependant.
    1/ Vous dites ironiquement –gentiment, s’entend- que « ce sont ces horribles scientifiques athées et matérialistes qui en apporteront la preuve. […] Et là dessus, je fais confiance, plus qu’à tout autre, à l’entreprise scientifique, même si elle est, tout comme l’homme, bourrée d’imperfections. »
    Loin de moi bien sûr l’idée de dire que « les scientifiques » soient « génétiquement » de mauvaise foi ou ceci ou cela…Non, la question est conceptuelle et non personnalisée : si l’on postule l’inexistence de toute finalité (c’est ce dont on parle), alors on ne pourra pas, ou infiniment plus difficilement, trouver, expérimenter, ce qui invaliderait le postulat.
    Ce point, qui me semble assez clair est développé à plusieurs reprises.

    2/ Vous dites : « Permettez-moi une question: ça serait quoi une recherche scientifique publique qui fasse place au “postulat de l’intelligence”? Auriez-vous des exemples concrets? ». Des pistes sont évoquées que je ne voudrais pas trop déflorer, mais par exemple, les recherches sur les états de mort imminente montrent quelles réticences dans les milieux scientifiques ! Comparez cela à l’engouement pour toute découverte de fossile (archéoptéryx, Tiktaalik) et vous savez où penche la balance.

    3/ Vous dites : « L’ID.Ce n’est simplement pas de la science. » Là, l’auteur me semble d’accord / pas d’accord avec vous. Impossible de résumer la question. Je dirais peut-être : s’ils n’étaient pas américains, on verrait que le contenu de certains de leurs écrits est vraiment intéressant ! Et l’auteur rappelle que ces soi disant « pseudo-scientifiques » viennent des mêmes écoles que les « vrais »…

    4/ Vous dites : « Dans l’éducation: Vous voulez donc remettre en cause la laïcité? […] Donc je ne vois pas où vous voulez en venir. »
    Voilà un point intéressant, largement développé aussi ! L’auteur emploie un mot super pour cela : la finalité en tant que « concept opératoire ». Nettoyé de toute croyance !!! Mais utilisable, maniable, énonçable et porteur de conséquences…A nourrir précisément d’expériences et de recherches qui ne seront pas faites sinon !
    Donc, il ne s’agirait nullement d’ouvrir une nouvelle querelle des théories et croyances mais d’arrêter de faire comme si la raison commandait de concevoir qu’il n’y a pas de finalité et d’élaborer tout l’enseignement à partir de là.

    5/ Vous dites : « […] le Darwinisme, je traduis: “l’évolution par la sélection naturelle de mutations aléatoires” » : tout à fait d’accord avec ce résumé.
    Mais pour : « […] n’est pas démontrée par la science, c’est résolument faux. », que voulez-vous dire ? Que le seul hasard peut et doit être invoqué dans les mutations vraiment constatées (micro-organismes « simples », variations légères telles couleurs, taille…) ? Là pourquoi pas. Pour les virus et organismes quasi élémentaires (bactéries…) OK.
    Mais pour les mécanismes complexes, presque tous interdépendants, c’est une autre paire de manche…
    Il y a la même différence entre une mutation de virus d’une part et celle d’une espèce en une autre d’autre part, qu’entre les vagues et les abysses océaniques.
    Non, Cogitons, pour moi, la Théorie de l’Evolution n’est ni prouvée, ni convaincante, ni cohérente.
    Mais cette opinion m’est personnelle : le livre, lui, ne semble pas tant vouloir montrer la fausseté du Darwinisme que les erreurs logiques des fondements de certaines conceptions actuelles à ce sujet, ce qui est radicalement différent.

    La bonne nouvelle, c’est que contrairement à nos chers scientifiques, nous, quelque soient nos différences d’appréciation, nous ne nous traitons pas d’hurluberlus, de malhonnêtes et autres douceurs…

    A MH

    Vous dites : « qu’un ‘véritable’ scientifique doit avoir l’esprit ouvert et AUCUN PRÉJUGÉ, c’est bien ça? ».
    Beaucoup, je crois, partagent cet idéal, et j’en faisais partie.
    L’auteur lui semble penser que ce n’est pas possible et c’est la raison pour laquelle il dit préférer que, puisque personne ne peut échapper sur ce sujet à un positionnement personnel de type métaphysique, les deux postulats soient admis au niveau républicain. Je dois avouer qu’il m’a pratiquement convaincu…

  10. Inc le 10 Juin 2009 à 23:25 10

    La question du hasard pose un certain problème. Dans tout ce que je percois il y a toujours l’enchainement de causes et de conséquences. Certes, il y a des évènements que l’on ne peut prévoir avec certitude, et il est utile de remplacer le manque d’information par la notion de hasard. Ainsi la théorie des probabilités permet de modéliser de nombreux phénomènes dont on ne peut prévoir le résultat mais seulement des probabilités d’occurrences, mais même dans ce domaine, pour faire des simulations informatiques, il est nécessaire de recourir à des suites de nombres bien déterminéees pour modéliser le hasard. Mais du hasard, dans ces simulations, je n’en vois pas. Ces suites sont déterminées à l’avance. Et dans mon expérience quotidienne, du hasard, je n’en vois pas non plus.

  11. Cogitons le 11 Juin 2009 à 15:46 11

    Sympa la discussion, merci.
    @Aldar:
    – Il faut savoir de quoi l’on parle quand on évoque le Darwinisme. Le Darwinisme ne dit rien de « l’apparition de la vie sur terre », et c’est d’ailleurs un des mystères que personne (à part les croyants) ne prétend avoir résolu. Mais attention à ne pas mettre « Dieu » dès qu’il y a mystère. C’est un réflexe humain qui remonte à la nuit des temps, et que la science à taillé en pièce de manière systématique depuis. Que l’on ne sache pas comment la « vie » est apparue sur terre ne montre rien. Pour l’instant, on ne sait pas, point.
    – Vous écrivez: « Que l’apparition d’organes aussi merveilleux et compliqués, qu’un oeil, une trompe d’éléphant ou une aile d’oiseau, peut être le fruit d’une suite de mutations aléatoires, voilà qui est fort loin d’être démontré ni même, en fait, pensable. »
    Voilà une affirmation qui n’a rien de scientifique. Renseignez-vous, à propos de l’oeil notamment, argument sur-employé par les défenseurs de l' »Intelligent Design » et qui a été démonté à moultes reprises. Par ailleurs, l’oeil, et la mécanique qui nous permet de « voir » est merveilleuse, oui, mais c’est loin d’être un modèle d’ingénierie. Si c’est du design, ce serait plutôt de l’UD ou « Unintelligent Design ». Mais nous passons à une autre étape de la discussion.
    – Le fait que vous réduisiez ici le Darwinisme à des « mutations aléatoires » est un argument tronqué. Les mutations sont aléatoires, mais la sélection ne l’est pas. On ne peut pas parler de l’un sans l’autre, sauf à vouloir fausser le débat. Et que pour vous, le Darwinisme ne soit même pas « pensable » est un argument assez curieux et qui n’a pas de valeur objective. La science emmène souvent au delà du pensable, et elle a amené l’Homme, à maintes reprises, à repenser le monde, à se repenser lui-même, à sortir de ses schémas mentaux. Même les plus fervents athées ne prétendront sans doute pas que « Dieu n’est mêmes pas pensable ». D’ailleurs, ceux qui se disent athée pensent généralement souvent à Dieu, même si c’est pour en nier l’existence. La question les préoccupe. Bref, cet argument du « pas pensable » ne me semble pas très solide.
    – Mais au fond, pourquoi ne nous dites-vous pas quelle est votre propre conception de l’apparition de la vie, des espèces et de l’évolution. Quelle est votre théorie, celle qui fait sens pour vous?

    @ Olaf_le_Preux
    3/ Arguments peu convaincants. Ce n’est pas moi qui dis que l’ID n’est pas une théorie scientifique. C’est un fait reconnu par les sciences et par la loi (aux US), et que les uns et les autres sortent des mêmes universités ne montre évidemment rien du tout. Faible argument.
    5/ Vous écrivez: « Non, Cogitons, pour moi, la Théorie de l’Evolution n’est ni prouvée, ni convaincante, ni cohérente. » C’est entièrement votre droit. Mais avez-vous au moins étudié de près la question? Savez-vous vraiment de quoi vous parlez? Avoir des avis et des opinions, c’est très bien, mais si on est sérieux, il faut creuser la question. Vous voulez un bouquin écrit par un biologiste croyant, mais qui réfute de manière argumentée les thèses de l’Intelligent Design, par exemple?
    Lisez celui-ci: Finding Darwin’s God
    http://www.amazon.com/Finding-Darwins-God-Scientists-Evolution/dp/0060930497
    Il est pas mal du tout (quoique, si ma mémoire est bonne, la fin soit un peu faiblarde).
    Ou son nouveau qui a l’air intéressant aussi (je n’ai pas lu)
    http://www.amazon.com/Only-Theory-Evolution-Battle-Americas/dp/0143115669/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1244727139&sr=8-1
    Mais peut-être avez-vous mieux à faire que cogiter sur ces questions.
    Quoi qu’il en soit, merci encore à tous pour ces échanges.
    Ah oui, dernière chose, c’est quoi cette « finalité » si centrale au livre présenté ici? Une bonne âme (ou un bon cerveau, c’est selon) pourrait-il (ou elle) m’expliquer?

  12. Spassky le 11 Juin 2009 à 18:48 12

    Bel échange, qui montre que les questions sont vives. Je crois pour ma part qu’il faut en effet (je rebondis sur le dernier mot de Cogitons) clarifier le problème visé par les uns et les autres : qu’est-ce qu’on attend de la finalité ? Celle-ci n’est pas synonyme de finalisme, ni soluble exclusivement dans l’intelligent design, je suppose. Mais quelle forme prend-t-elle alors ? Et qu’est-ce que ça change, finalement ? Si le problème n’est pas clarifié de manière pragmatique, les raisons de s’opposer restent opaques, on ne sait plus très bien pourquoi on se dispute.

    Sur le fond maintenant, il ne faut tout de même pas oublier ce que c’est que la science, comment elle se fabrique, quel incroyable bricolage elle suppose en pratique. Les opposants du darwinisme, ceux là même qui cherchent à pointer ses incohérences, se font souvent une idée démesurée de ses pouvoirs : ils prennent les scientifiques au mot lorsque ceux-ci leur expliquent qu’on peut réfuter une thèse métaphysique en exhibant simplement un modèle qui a plus ou moins passé le test de l’expérience. En réalité c’est plus compliqué, non pas parce que la métaphysique serait par essence intouchable (réservée aux rêveries des poètes et des théologiens), mais parce qu’elle se fabrique elle aussi, parce qu’elle suppose (si elle est bien faite) un montage de concepts étayé sur l’expérience commune (la notion de finalité y trouve sa source), bref, parce qu’elle ne se réduit pas à des « images » (ainsi l’image d’une collection de « patrons » prédécoupés qui fixeraient de toute éternité les traits des différentes espèces, ou celle d’une évolution orientée vers l’accomplissement d’une « fin » suprême…).

    Pour autant, je ne crois pas qu’il suffise de dire que la science ne peut rien prouver contre la métaphysique, comme si ces deux domaines coexistaient de manière parallèle sans se contaminer l’un l’autre. Le règlement à l’amiable place en regard d’une science purement instrumentale une métaphysique impuissante : on peut mieux faire, en formulant le projet d’une métaphysique qui soit à la mesure de la science, qui intervienne sur ses problèmes au niveau où elle peut effectivement intervenir, à savoir en critiquant certains présupposés métaphysiques véhiculés par le discours scientifique.
    De ce point de vue, il me semble que le « matérialisme » n’est pas une catégorie assez fine. D’une certaine manière, « matérialistes » nous le sommes tous, pour autant que « matière » désigne un plan de réalité soumis à l’ordre des connexions causales. Le réductionnisme lui-même (du « supérieur » à l’ « inférieur ») admet toutes sortes de variétés (physicalisme, émergentisme, etc.) : il faut juger sur pièces.

    Mais pour revenir à la finalité : image pour image, j’aimerais suggérer pour ma part qu’on médite sur celle-ci, qui permet de mieux cerner ce qu’on attend lorsqu’on se penche, par exemple, sur la question du rapport de l’œil (l’organe) à la vision (la fonction). L’image arrive à la fin, mais le développement doit être suivi dans le détail si on veut la comprendre. Je vois là un début de réponse à la question de savoir pourquoi nous tenons à la finalité (sans être nécessairement partisan de l’intelligent design, qui m’apparaît comme une forme raffinée déterministe). Une mention spéciale à celui qui trouvera l’auteur de ces lignes :

     » Il y a, dans la vision, plus que les cellules composantes de l’œil et que leur coordination réciproque : en ce sens, ni le mécanisme ni le finalisme ne vont aussi loin qu’il le faudrait. Mais, en un autre sens, mécanisme et finalisme vont trop loin l’un et l’autre, car ils attribuent à la nature le plus formidable des travaux d’Hercule en voulant qu’elle ait haussé jusqu’à l’acte simple de vision une infinité d’éléments infiniment compliqués, alors que la nature n’a pas eu plus de peine à faire un œil que je n’en ai à lever la main. Son acte simple s’est divisé automatiquement en une infinité d’éléments qu’on trouvera coordonnés à une même idée, comme le mouvement de ma main a laissé tomber hors de lui une infinité de points qui se trouvent satisfaire à une même équation.

    Mais c’est ce que nous avons beaucoup de peine à comprendre, parce que nous ne pouvons nous empêcher de nous représenter l’organisation comme une fabrication. Autre chose est pourtant fabriquer, autre chose organiser. La première opération est propre à l’homme. Elle consiste à assembler des parties de matière qu’on a taillées de telle façon qu’on puisse les insérer les unes dans les autres et obtenir d’elles une action commune. On les dispose, pour ainsi dire, autour de l’action qui en est déjà le centre idéal. La fabrication va donc de la périphérie au centre ou, comme diraient les philosophes, du multiple à l’un. Au contraire, le travail d’organisation va du centre à la périphérie. Il commence en un point qui est presque un point mathématique, et se propage autour de ce point par ondes concentriques qui vont toujours s’élargissant. Le travail de fabrication est d’autant plus efficace qu’il dispose d’une plus grande quantité de matière. Il procède par concentration et compression. Au contraire, l’acte d’organisation a quelque chose d’explosif : il lui faut, au départ, le moins de place possible, un minimum de matière, comme si les forces organisatrices n’entraient dans l’espace qu’à regret. Le spermatozoïde, qui met en mouvement le processus évolutif de la vie embryonnaire, est une des plus petites cellules de l’organisme ; encore n’est-ce qu’une faible portion du spermatozoïde qui prend réellement part à l’opération. […]

    [L]a physique et la chimie sont des sciences déjà avancées, et la matière vivante ne se prête à notre action que dans la mesure où nous pouvons la traiter par les procédés de notre physique et de notre chimie. L’organisation ne sera donc étudiable scientifiquement que si le corps organisé a été assimilé d’abord à une machine. Les cellules seront les pièces de la machine, l’organisme en sera l’assemblage. Et les travaux élémentaires, qui ont organisé les parties, seront censés être les éléments réels du travail qui a organisé le tout. Voilà le point de vue de la science. Tout autre, à notre avis, est celui de la philosophie.

    Pour nous, le tout d’une machine organisée représente bien, à la rigueur, le tout du travail organisateur (encore que ce ne soit vrai qu’approximativement), mais les parties de la machine ne correspondent pas à des parties du travail, car la matérialité de cette machine ne représente plus un ensemble de moyens employés, mais un ensemble d’obstacles tournés : c’est une négation plutôt qu’une réalité positive. Ainsi […] la vision est une puissance qui atteindrait, en droit, une infinité de choses inaccessibles à notre regard. Mais une telle vision ne se prolongerait pas en action ; elle conviendrait à un fantôme et non pas à un être vivant. La vision d’un être vivant est une vision efficace, limitée aux objets sur lesquels l’être peut agir : c’est une vision canalisée, et l’appareil visuel symbolise simplement le travail de canalisation. Dès lors, la création de l’appareil visuel ne s’explique pas plus par l’assemblage de ses éléments anatomiques que le percement d’un canal ne s’expliquerait par un apport de terre qui en aurait fait les rives. La thèse mécanistique consisterait à dire que la terre a été apportée charretée par charretée ; le finalisme ajouterait que la terre n’a pas été déposée au hasard, que les charretiers ont suivi un plan. Mais mécanisme et finalisme se tromperaient l’un et l’autre, car le canal s’est fait autrement.

    Plus précisément, nous comparions le procédé par lequel la nature construit un œil à l’acte simple par lequel nous levons la main. Mais nous avons supposé que la main ne rencontrait aucune résistance. Imaginons qu’au lieu de se mouvoir dans l’air, ma main ait à traverser de la limaille de fer qui se comprime et résiste à mesure que j’avance. À un certain moment, ma main aura épuisé son effort, et, à ce moment précis, les grains de limaille se seront juxtaposés et coordonnés en une forme déterminée, celle même de la main qui s’arrête et d’une partie du bras. Maintenant, supposons que la main et le bras soient restés invisibles. Les spectateurs chercheront dans les grains de limaille eux-mêmes, et dans des forces intérieures à l’amas, la raison de l’arrangement. Les uns rapporteront la position de chaque grain à l’action que les grains voisins exercent sur lui : ce seront des mécanistes. D’autres voudront qu’un plan d’ensemble ait présidé au détail de ces actions élémentaires : ils seront finalistes. Mais la vérité est qu’il y a tout simplement eu un acte indivisible, celui de la main traversant la limaille : l’inépuisable détail du mouvement des grains ainsi que l’ordre de leur arrangement final expriment négativement, en quelque sorte, ce mouvement indivisé, étant la forme globale d’une résistance et non pas une synthèse d’actions positives élémentaires. C’est pourquoi, si l’on donne le nom d’ « effet » à l’arrangement des grains et celui de « cause » au mouvement de la main, on pourra dire, à la rigueur, que le tout de l’effet explique par le tout de la cause, mais à des parties de la cause ne correspondront nullement des parties de l’effet. En d’autres termes, ni le mécanisme ni le finalisme ne seront ici à leur place, et c’est à un mode d’explication sui generis qu’il faudra recourir. Or, dans l’hypothèse que nous proposons, le rapport de la vision à l’appareil visuel serait à peu près celui de la main à la limaille de fer qui en dessine, en canalise et en limite le mouvement.

    Plus l’effort de la main est considérable, plus elle va loin à l’intérieur de la limaille. Mais, quel que soit le point où elle s’arrête, instantanément et automatiquement les grains s’équilibrent, se coordonnent entre eux. Ainsi pour la vision et pour son organe. Selon que l’acte indivisé qui constitue la vision s’avance plus ou moins loin, la matérialité de l’organe est faite d’un nombre plus ou moins considérable d’éléments coordonnés entre eux, mais l’ordre est nécessairement complet et parfait. Il ne saurait être partiel, parce que, encore une fois, le processus réel qui lui donne naissance n’a pas de parties. C’est de quoi ni le mécanisme ni le finalisme ne tiennent compte, et c’est à quoi nous ne prenons pas garde non plus quand nous nous étonnons de la merveilleuse structure d’un instrument comme l’œil. Au fond de notre étonnement il y a toujours cette idée qu’une partie seulement de cet ordre aurait pu être réalisée, que sa réalisation complète est une espèce de grâce. Cette grâce, les finalistes se la font dispenser en une seule fois par la cause finale ; les mécanistes prétendent l’obtenir petit à petit par l’effet de la sélection naturelle ; mais les uns et les autres voient dans cet ordre quelque chose de positif et dans sa cause, par conséquent, quelque chose de fractionnable, qui comporte tous les degrés possibles d’achèvement. En réalité, la cause est plus ou moins intense, mais elle ne peut produire son effet qu’en bloc et d’une manière achevée. Selon qu’elle ira plus ou moins loin dans le sens de la vision, elle donnera les simples amas pigmentaires d’un organisme inférieur, ou l’œil rudimentaire d’une Serpule, ou l’œil déjà différencié de l’Alciope, ou l’œil merveilleusement perfectionné d’un Oiseau, mais tous ces organes, de complication très inégale, présenteront nécessairement une égale coordination. C’est pourquoi deux espèces animales auront beau être fort éloignées l’une de l’autre : si, de part et d’autre, la marche à la vision est allée aussi loin, des deux côtés il y aura le même organe visuel car la forme de l’organe ne fait qu’exprimer la mesure dans laquelle a été obtenu l’exercice de la fonction.

    Mais, en parlant d’une marche à la vision, ne revenons-nous pas à l’ancienne conception de la finalité ? Il en serait ainsi, sans aucun doute, si cette marche exigeait la représentation, consciente ou inconsciente, d’un but à atteindre. Mais la vérité est qu’elle s’effectue en vertu de l’élan originel de la vie, qu’elle est impliquée dans ce mouvement même, et que c’est précisément pourquoi on la retrouve sur des lignes d’évolution indépendantes. Que si maintenant on nous demandait pourquoi et comment elle y est impliquée, nous répondrions que la vie est, avant tout, une tendance à agir sur la matière brute. Le sens de cette action n’est sans doute pas prédéterminé : de là l’imprévisible variété des formes que la vie, en évoluant, sème sur son chemin. Mais cette action présente toujours, à un degré plus ou moins élevé, le caractère de la contingence ; elle implique tout au moins un rudiment de choix. Or, un choix suppose la représentation anticipée de plusieurs actions possibles. Il faut donc que des possibilités d’action se dessinent pour l’être vivant avant l’action même. La perception visuelle n’est pas autre chose : les contours visibles des corps sont le dessin de notre action éventuelle sur eux. La vision se retrouvera donc, à des degrés différents, chez les animaux les plus divers, et elle se manifestera par la même complexité de structure partout où elle aura atteint le même degré d’intensité. »

  13. aldar le 11 Juin 2009 à 21:35 13

    @Cogitons

    Je n’ai aucune conviction de comment la vie est apparue ni de comment les espèces sont apparues. Vraiment aucune ; j’avoue platement mon ignorance totale. Je précise que l’Intelligent Design n’est pas spécialement ma tasse de thé. D’ailleurs, est-il absolument nécessaire d’avoir une conviction ? Pourquoi ce besoin indéracinable dans l’humain de VOULOIR absolument détenir la vérité sur ce sujet ? Je suis fasciné de voir que c’est ce même besoin qui est à l’œuvre que ce soit chez les matérialistes comme chez les spiritualistes, et qui les amènent parfois à des « propos non scientifiques », et surtout à ne pas vouloir admettre leur ignorance. Vous parlez de ce « réflexe humain » comme si les « scientifiques » en étaient exempts ; pour avoir beaucoup côtoyé de scientifiques, je peux vous dire que c’est faux.

    L’apparition de la vie sur Terre est de plain pied un sujet de l’évolution prise au sens large, pas du darwinisme au sens strict. Je ne pense pas qu’on puisse le séparer du reste. De fait, j’apprécie votre prudence lorsque vous admettez que la science ne sait rien ou presque sur ce sujet. Il existe pourtant des « affreux scientifiques matérialistes athés » autrement plus convaincus de détenir la vérité sur le sujet. Je me souviens de cours de biologie au lycée (dans les années 90), où il était écrit noir sur blanc (dans le livres estampillés éducation nationale) que les expériences de stanley miller dans les années 60 avaient démontré que l’apparition de la vie faisait suite à des processus chimiques aléatoires. Or ces expériences ont été très critiqués et de fait ne prouvent rien. On revient à l' »escroquerie » dont je parlais dans mon post initial.

    Vous dites que l’oeil est loin d’être un modèle d’ingénierie, que c’est mal fichu… Vous voulez vraiment que je vous sorte des arguments pour montrer en quoi le monde vivant est plein d’organismes d’une complexité extraordinaire dont, plus on les connaît, plus on s’extasie de leurs incroyables mécanismes ? Des générations de scientifiques creusent ces sujets, et découvrent chaque jour des phénomènes toujours plus extraordinaires, des ingénieurs essayent en permanence de s’inspirer du vivant pour créer des machines, des programmes… Sans jamais d’ailleurs parvenir à les égaler. Et vous voulez me faire croire que le vivant sur Terre, c’est du « Unintelligent Design » ????

    Je ne réduis en rien le darwinisme aux mutations aléatoires. Assurément, c’est le couple hasard et sélection naturelle qui est le moteur de l’évolution. Ce que je veux dire par « pensable » est la chose suivante (argument tiré d’une lecture d’un article du Pr Marcel-Paul Schutzenberger) : dans la mesure où les documents fossiles disponibles ne montrent en rien qu’il y a continuité dans l’arbre du vivant (il y a des chaînons manquants partout partout, la preuve en est la position des « saltationistes » d’un Gould parlant de « sauts » du vivant), on pourrait accepter la théorie de l’évolution comme établie dans la mesure on pourrait penser comment, suivant un processus de mutations aléatoires, passés au crible de la sélection naturelle, l’émergence de la complexité est seulement **possible**. Or, il n’existe aucun modèle mathématique qui soit près d’approcher du bout de l’ombre de la complexité que représente une telle assertion, pour seulement montrer que c’est **possible** ; que c’est possible par exemple, que le passage du reptile à l’oiseau (avec apparition de la plume, passage d’un poumon avec une entrée à un poumon à double entrées, etc.) soit le résultat d’un processus aléatoire passé au crible de la sélection.

    L’évolution, au sens macroévolution, n’est donc ni démontré dans les documents fossiles, ni même pensable en tant que possible sur la base d’un modèle mathématique solide. Je ne dis pas que cela invalide l’hypothèse de la macroévolution darwinienne, mais pour le moins, cela invite à une certaine prudence avant d’y adhérer sans conditions, comme vous semblez le faire.

    Bref, ceux qui croient que l’évolution, au sens macroévolution s’appuyant sur le couple hasard/sélection, est une vérité établie, n’ont pas moins la foi du charbonnier que le juif ou chrétien orthodoxe qui croit dur comme fer que le monde a été créé il y a 6000 et quelques années, sur la base d’interprétations de la bible. Si l’on est raisonnable, on doit considérer que cette théorie de l’évolution est une hypothèse de travail recevable (ce que, à mon avis, le créationisme pur et dur n’est pas) et qui peut servir de cadre à l’investigation scientifique, mais en aucun cas une vérité établie.

  14. Olaf_le_Preux le 11 Juin 2009 à 22:53 14

    A Cogitons (et à tout le monde…),

    Vous avez assez raison de me « renvoyer dans les cordes » quand j’affirme péremptoirement mes doutes.
    Mais je me suis exprimé ainsi de manière un peu tranchante pour abréger le débat sur ce sujet, car il est souvent interminable et peu fécond, chacun s’arrimant à ses certitudes.
    Se quitter (quitter des certitudes) est sans doute l’acte le plus difficile : pourquoi le ferions-nous sans un puissant attrait ? Voilà pourquoi je suis d’accord pour envisager les deux postulats parallèlement. Mais encore faut-il reconnaître que certaines conceptions sont fondées sur un postulat…Je ne peux que vous conseiller la lecture de cet ouvrage pour le constater.

    Cependant, un peu piqué au vif par vos questions : « Mais avez-vous au moins étudié de près la question? Savez-vous vraiment de quoi vous parlez?», je me permets tout de même de vous répondre que oui je crois commencer à connaître un peu la question.
    Je lis, réfléchis, étudie, échange sur le sujet depuis une bonne année, pas à temps plein mais tout de même assidûment.
    Regardez sur le net l’ouvrage suivant « Les Preuves de l’évolution Les origines de la vie Histoire évolutive des êtres vivants », série coordonnée par Michel Delsol et Jean-Marie Exbrayat, et vous verrez que je ne fais pas que survoler quelques ouvrages de vulgarisation.

    Mais plutôt que de tenter de me justifier par mes lectures, j’aimerais vous proposer, à vous et à tout lecteur de passage, une petite expérience, en toute simplicité.
    Elle concerne le problème de l’apparition des oiseaux volants.

    1/ Enoncé de la problématique :
    Pour s’envoler, l’oiseau doit avoir plumes, cœur, poumon, os spécifiques et muscles, coexistant et parfaitement aboutis dans une harmonie qui impressionne qui l’étudie.
    Une progression, une mutation progressive, est-elle envisageable ?
    Le premier « candidat » aurait-il pu commencer à « voleter » ?
    Doté d’ailes susceptibles de le porter, même sur quelques mètres, celles-ci n’auraient pu commencer à se développer que parce que leur progressive apparition lui apportait un avantage adaptatif…Lequel ? Quel avantage d’avoir des ersatz d’ailes au lieu de membres avec des mains ou des pieds ?????

    – En plaine, au contraire de courir plus vite, il en aurait été ralenti (le mouvement des membres antérieurs nécessaires à la course n’a rien à voir avec celui nécessaire à l’envol, il lui est même contradictoire) et rendu plus vulnérable pour ses inévitables prédateurs. Sa prévalence sur les autres membres non « évolués » de son espèce aurait été impossible.
    – En forêt, quelle transformation imaginer qui lui soit favorable ? Planer ? A partir d’ailes épanouies oui, mais les stades intermédiaires, indispensables, l’aurait empêtré terriblement. L’absence de mains pour grimper, s’accrocher…rend cette hypothèse impossible. Fonctionnellement, ça n’est pas envisageable.
    Un animal planant (type écureuil volant) aurait-il pu se transformer vers une morphologie d’oiseau ? Encore plus impossible dès qu’on y réfléchit…
    Les théories disponibles (origine dinosaurienne, ou autres…) sont balbutiantes.

    2/ L’expérience que je vous propose :
    Mais je peux me tromper…Alors ? Creusons-nous les méninges, imaginons, soyons créatifs : si ça a existé, et qu’on sait que cela est apparu par transformations progressives, par un mécanisme qu’on dit certifié et qu’on décrit jusque dans son fonctionnement intime premier (erreurs dans la duplication des éléments génétiques donnant des variations gardées ou non selon les avantages adaptatifs induits), on devrait bien pouvoir trouver !

    Et donc, je vous propose d’essayer de produire une représentation graphique, même sommaire, mais convaincante, montrant la continuité de cette naissance de l’aviation animale selon le modèle darwinien, comme cela a été censé être fait en imageant la succession de générations de simiens donnant progressivement naissance à des hominiens et à des hommes ! (Si vous ne crayonnez pas, vous pouvez l’imaginer dans votre tête…)
    Moi je ne vois pas…

    Si vous obtenez une séquence intéressante, faites le moi savoir.
    Si vous n’y arriviez pas, vous seriez en position de dire : nous savons mais notre savoir n’est pas applicable au concret, il n’est pas visualisable, ni même imaginable.

    Et donc, tant que l’on ne sera pas en mesure de produire un tel document, tant que les si belles images de synthèse que l’on réalise aujourd’hui ne pourront pas représenter cette évolution, comment pourrait-on affirmer que ce modèle est valable et qu’il est le seul cohérent et rationnel ? Que ce qui est donc littéralement inconcevable serait vrai de manière certaine ?
    Pour ma part je préfère dire que nous ne savons pas encore comment apparaissent les espèces. Croire savoir empêche de réfléchir.

    Autre sujet : concernant le contenu de la finalité sur lequel vous m’interrogez, je crois que ce n’est pas vraiment le sujet (bien que là soit l’essentiel, à mon idée), car si je vous exprime mes conceptions sur « le sens de la vie », la « raison d’être » humaine, etc…nous nous placerons, comme vous le redoutez plus haut, sur le plan métaphysique où se rencontreraient essentiellement des croyances…
    Voilà pourquoi je « milite » pour rester sur le plan de la pure rationalité grâce à ce concept « opératoire » de finalité et non pour un retour aux innombrables concepts religieux.
    (Je n’esquive pas, seulement c’est un niveau d’échanges certes passionnant mais qui ne peut selon moi se mener qu’en privé).

    Bien cordialement.

  15. Cogitons le 12 Juin 2009 à 0:12 15

    Tiens, Bergson est revenu parmi nous… Non, non, je n’ai ni une culture, ni surtout une mémoire aussi vastes, ni encore, un ange qui me souffle la réponse à l’oreille. Un coup de Google sur un élément de phrase et le tour est joué… Pitoyable, je le reconnais!
    Bon, c’est bien joli, tout ça, la main dans la limaille, cher brillantissime joueur d’échecs (ça je le savais), mais c’est quoi, « l’élan originel de la vie » selon ce bon roi Henri?
    Est-ce que Craig Venter, qui assemble, tel un mécano, des petits morceaux de matière inerte pour en faire un organisme vivant (c’est à dire, capable de s’auto-reproduire et d’entrer dans le cycle de l’évolution) produit de l’élan vital?
    Je regrette beaucoup que tout ces grands penseurs et philosophes ne puissent revenir parmi nous confronter leurs thèses aux nouvelles avancées de la science. Comme Freud serait passionné par les avancées des neurosciences! Et comme Bergson et Darwin seraient captivés par les travaux de Venter! Aristote et Newton par la théorie des cordes, et ainsi de suite. Quel tristesse que les géants du passé ne puissent venir converser avec ceux qui, juchés sur leurs épaules, poussent toujours plus loin l’interminable travail de vérité, qui est aussi celui de la science.

  16. Cogitons le 12 Juin 2009 à 12:02 16

    @Aldar:
    On commence à tourner en rond. A chacun donc de mener ses propres recherches et de tirer ses conclusions ou questions.
    Juste une chose: le fait que vous bondissiez sur mon « unintelligent design » est assez révélateur. Ce n’est pas parce que la nature est géniale à sa manière, et qu’on puisse légitimement s’en extasier, comme le fit Darwin qui lui consacra sa vie entière, qu’elle porte les signes de l’ingénierie de haut vol. Les graves imperfections abondent. Les morts d’avoir avalé de travers, terrassés par une arrête de poisson (je prends un exemple trivial) seraient sans doute de mon avis: pourquoi diable faut-il que la nourriture, la respiration et les sons passent par le même canal (la bouche)? Ou encore, pourquoi faut-il que les foetus humains (qui ont des têtes de géants) naissent via un canal aussi étroit et mettent ainsi leur propre vie et celle de leur mère en danger (combien de millions de mortes-et de morts-en-couche à travers l’histoire? Y-a-t-il des mères, voire des césarisées – et leurs Jules – dans la salle)?
    Du point de vue de l’évolution Darwinienne, ça peut éventuellement s’expliquer. Du point de vue de l’ingénierie, c’est une autre affaire. Il y a des procès qui se perdent.
    Et du point de vue de la bienveillance? Cette question subsidiaire qui a tant secoué Darwin à savoir pourquoi un Créateur Bienveillant (version monothéisme récent, car le Créateur de l’ancien testament ne cherchait même pas à se montrer bienveillant) aurait choisi de bâtir un modèle de fonctionnement du vivant si cruel, plein de violence, de souffrance et de mort. Les questions ne sont pas nouvelles. Elles ne sont pas triviales. Ce sont des questions légitimes qui taraudent d’ailleurs les athées et les croyants (enfin, ceux qui cogitent sur ces questions).
    Que nous dit l’ami Bergson à ce propos? Et que nous dit Ostad Elahi, à qui ce site est dédié? Bon, on sort la tisane (ou le café, c’est selon)? Cordialement à tous.

  17. Spassky le 13 Juin 2009 à 0:25 17

    @Olaf :

    “Concernant le contenu de la finalité sur lequel vous m’interrogez, je crois que ce n’est pas vraiment le sujet (bien que là soit l’essentiel, à mon idée), car si je vous exprime mes conceptions sur « le sens de la vie », la « raison d’être » humaine, etc…nous nous placerons, comme vous le redoutez plus haut, sur le plan métaphysique où se rencontreraient essentiellement des croyances…”

    Mais parlons-en ! Je ne comprends pas comment ça peut ne pas être le “sujet” alors que c’est pourtant l’”essentiel”. Par ailleurs (c’était un peu le sens de mon post précédent), je ne crois pas que ce soit une bonne méthode de chercher à séparer les domaines de manière aussi stricte. Ménager une place pour la foi ou la spiritualité à côté de la science pour que chacun soit tranquille dans son coin, demander à la science d’être plus “neutre” et réserver le “plan métaphysique” à la seule “croyance”, c’est affaiblir les deux côtés et entretenir la schizophrénie.

    La science s’est toujours développée en produisant une métaphysique sur mesure (songez à Newton, à la manière dont il “cadre” sa théorie physique en développant une métaphysique du temps et de l’espace absolus, assurant la présence immédiate de Dieu à l’ensemble de l’univers !). Il faut inciter les scientifiques d’aujourd’hui à produire plus de métaphysique (et de la meilleure), pas moins. Le problème du matérialisme, chez les scientifiques qui y trouvent une métaphysique « ready-made », ce n’est pas que c’est une thèse métaphysique abusive dont le physicien ou le biologiste devrait se garder : c’est que c’est le plus souvent une thèse triviale, ou alors très faiblement étayée. En règle générale, le matérialisme spontané des savants se formule par une série de refus (refus des hypothèses inutiles, de l’introduction de causes « transcendantes »), doublé d’une d’allégeance diffuse à l’empirisme le plus plat (je-ne-crois-que-ce-que-je-vois). Sur ce terrain aussi, on peut mieux faire.

    Je ne dirais certainement pas comme on l’entend parfois (stratégie relativiste) que la science se fonde sur des “croyances” au même titre que n’importe quel discours : c’est jouer sur les mots et confondre l’hypothèse scientifique avec une simple adhésion subjective. Par contre il est évident que la science charrie une métaphysique plus ou moins consciente, et inversement que les convictions concernant “le sens de la vie” peuvent être soutenues par des arguments rationnels, des constructions conceptuelles, et pourquoi pas des hypothèses en prise avec l’expérience, etc. La confrontation est possible ; elle se joue sur les bords de la science et de la métaphysique.
    Je trouve dommage pour ma part qu’on s’intéresse de si près aux questions liées à la finalité dans la nature et aux théories de l’évolution pour finalement en tirer la conclusion que la science ne peut (par principe ?) rien nous apprendre au sujet des “grandes questions” métaphysiques, et conserver ces dernières pour les conversations privées.

    @Cogitons :

    Bravo Cogitons ! C’était Bergson qui parlait, en effet. En son temps il avait bien travaillé, et L’Evolution Créatrice (1907) témoigne des derniers développements de la biologie de l’époque. Pour le coup je trouve encore assez actuelle sa manière de renvoyer dos-à-dos mécanistes et finalistes comme deux versions possibles du déterminisme. Ce qui est manqué d’après lui, c’est la question de la création sur le plan de la vie.

    Le mécanisme impressionnant et en même temps pas nécessairement optimal de l’oeil, témoigne d’une “puissance de vision” répandue à travers tout le règne animal. Ce que décrit joliment Olaf lorsqu’il parle des proto-oiseaux qu’on a de la peine à imaginer en train de s’essayer à “voleter”, Bergson y verrait une “puissance de vol” qui cherche à s’exprimer sans plan préétabli, qui invente ses solutions en chemin en tournant les obstacles, en faisant feu de tout bois… D’où d’ailleurs les ratés de l’évolution, qui chagrinent tant ceux qui croient y voir une contradiction avec la Bienveillance et la Toute Puissance divine : comme si Dieu s’occupait de sa création à la manière d’un gigantesque puzzle ou d’un vaste jeu de mécano dont il aurait devant lui la notice de montage !!!

    On s’échine à reconstituer les mécanismes de l’auto-organisation, avec des succès plus ou moins encourageants (Craig Venter, okay), mais si on approfondissait l’intuition selon laquelle il y a, dans la nature, quelque chose d’analogue au sentiment de tension qui accompagne l’effort créateur ? Non pas un plan à exécuter, ni des patterns d’auto-organisation, mais une puissance d’invention qui traverse l’univers, qui se diffracte au contact de la matière. A cet égard le problème de l’intelligent design, c’est moins le “design” que l’idée d’une intelligence qui trouverait son modèle dans le cerveau d’un super-ingénieur. Peut-être que Dieu est Artiste, autant qu’Architecte (c’est une hypothèse de travail…) ?

    Tout ça est à méditer, mais je crois que c’est déjà un début de réponse à la question de savoir pourquoi nous tenons, au fond, à l’idée de finalité : ce n’est pas pour restaurer un déterminisme à rebours (les “causes finales” d’Aristote, qui déterminent toutes les étapes depuis la position d’une fin ou d’un modèle à reproduire), ou pour installer un plan supérieur où tout se déciderait, qui orienterait les formes de l’évolution, mais peut-être pour sentir qu’il y a à l’oeuvre, à travers l’univers pris dans son ensemble, quelque chose d’analogue à une intention, une force explosive, à la fois intelligente et créatrice, c’est-à-dire capable d’invention.

    La polarisation sur le débat “ID vs matérialisme aléatoire” ne doit pas nous empêcher de réfléchir à la manière dont la science, en dépit de la métaphysique spontanée des savants (pas tous !), peut nourrir et PRECISER ce type d’intuition.

  18. MH le 14 Juin 2009 à 20:12 18

    Merci à tous pour ces échanges passionnants! Vous êtes, pour moi, tous des « savants » dans votre genre… et je suis, hélas, loin de vos compétences.
    Mais je ferai juste une synthèse de chacun de ces commentaires, en conclusion : personne ne détient la vérité sur l’origine et la finalité de l’univers (si elle existe ?), et aucun d’entre vous ne le clame, fort heureusement…

    J’ai beaucoup apprécié les deux derniers posts de Cogitons, quand il « regrette que tous ces grands penseurs et philosophes ne puissent revenir parmi nous confronter leurs thèses aux nouvelles avancées de la science. Comme Freud serait passionné par les avancées des neurosciences! Et comme Bergson et Darwin seraient captivés par les travaux de Venter! Aristote et Newton par la théorie des cordes, et ainsi de suite. Quel tristesse que les géants du passé ne puissent venir converser avec ceux qui, juchés sur leurs épaules, poussent toujours plus loin l’interminable travail de vérité, qui est aussi celui de la science…

    … « Et que nous dit Ostad Elahi, à qui ce site est dédié? Bon, on sort la tisane (ou le café, c’est selon)? »

    Et oui : que dit Ostad Elahi à ce sujet ? Y a-t-il quelqu’un qui connaît suffisamment bien ses écrits pour nous éclairer ?
    J’aimerais vraiment le savoir, si c’est possible…

  19. Olaf_le_Preux le 17 Juin 2009 à 10:36 19

    @ Spassky,

    Eh bien, cher Spassky, je ne sais pas si vous reviendrez sur ce fil pour voir ce message, mais je tiens à vous exprimer le plaisir que j’ai eu à vous lire.

    Combien j’apprécie votre position sur les relations souhaitables entre les hommes de sciences et la métaphysique !

    Mais il ne vous a pas échappé que ce sujet n’attire plus, depuis plusieurs décennies, les chercheurs scientifiques. J’ai été frappé par le contraste que vous révélez en rapprochant par exemple Newton de nos « têtes chercheuses » actuelles. On en dirait autant pour Descartes, Einstein, Euclide, Pythagorre…

    Qu’en déduire ?

    Pour ma part, deux réflexions :
    1/ aucune spiritualité, aucune religion, aucun système de pensée finaliste reconnu n’est actuellement suffisamment convaincant et aimable pour rallier l’humanité. Donc ceux qui pensent un Sens préexistant à l’Univers, dont je fais partie, nous avons à progresser pour fournir des expressions probantes.
    2/ l’idée de finalité est plus évacuée que jamais du discours public par une frange active de notre intelligencia. De ce fait, des gens comme Hubert Reeves, Jean-Marie Pelt par exemple, n’ont pas d’espace pour développer leurs pensées dans ce domaine. Des « pointures » comme Bernard d’Espagnat se font taxer de folie par certains scientifiques matérialistes bon teint.

    Qui ne voit qu’une formidable pression culturelle tend à étouffer toute expression arrimant l’hypothèse de la finalité à la science ?

    Il est vrai que c’est en partie grâce à cette dernière que nous ne subissons plus certains jougs conceptuels hérités des traditions…Aussi est-elle justifiée d’être vigilante.

    Mais actuellement, ce n’est plus de la vigilance, c’est une oppression.
    Et c’est bien pour déverrouiller un tant soit peu cet état de fait que ce livre peut être utile.

    Alors, me direz-vous, pourquoi me retrancher derrière cette séparation public/privé et ne pas « causer métaphysique », au moins entre nous ?…

    Nous savons bien la difficulté, même nous croyant de bonne volonté, de quitter nos conceptions et certitudes pour nous ouvrir à d’autres…et pour espérer donc un jour par le simple débat d’idées produire une conception universelle et consensuelle de la finalité.
    Il est déjà délicat parfois même entre amis de gérer harmonieusement divergences, oppositions, conceptions contradictoires : c’est bien en partie ce que nous reprochent à juste titre nos chers matérialistes. Un immense patchwork incohérent !
    Alors que la science porte en elle le projet de l’universalité des savoirs.

    Aussi, ce que nous pouvons partager sur la place publique doit, pour l’instant, de mon point de vue, se constituer de ce que nous construisons de rationnel, clair, universalisable sur la base du postulat finaliste.
    Des pistes sont présentées dans ce livre (discours rationnel sur les origines, thèmes à traiter différemment dans un logique scientifique non réductionniste, nécessité de penser des méthodes adaptées,…).

    Rien n’empêche par ailleurs de nous confier nos convictions intimes, d’échanger, de débattre dans nos rencontres « non virtuelles ».

    Vous pouvez lire aussi un nouvel article de l’auteur,  » L’écologie comme tremplin vers la spiritualité », qui envisage une évolution possible vers ce type de spiritualité (http://www.jlml.fr/asp/listes_1.asp?doc_cat_1=Qui+suis-je+%3F&doc_cat_2=Ana&doc_id=134).

    Amicalement.

  20. aldar le 17 Juin 2009 à 23:59 20

    @Olaf

    j’ai lu cet article que vous indiquez et je le trouve intéressant, notamment dans la phrase « Je mettrai en œuvre une écologie de mon corps et de ma conscience. »

    je pense qu’on peut trouver là une clé : le rapprochement entre métaphysique et science n’a pas pour objectif (en tous cas objectif principal) de rendre la science plus performante, de découvrir ce qui autrement ne serait pas découvert. L’enjeu c’est le sens de la vie, et comment les données de la science peuvent s’inscrire dans un sens – parce que si la science ne s’inscrit pas dans un sens, la conséquence en est que ma vie ne peut plus avoir de sens.

    ainsi l’exemple de l’écologie. Les données de la science nous disent (en gros, je simplifie) : les espèces sont en voie d’extinction, l’humanité est en danger, etc. So what ? Que me chaut que les grenouilles colorées d’amazonie disparaissent à jamais ou que le sub-sahel se désertifie entraînant dans la misère et la détresse des populations entières ? C’est là que sans la disponibilité d’un sens ces données scientifiques ne débouchent sur rien. Pourquoi pas ? Sauf qu’au fond de chacun d’entre nous il y a cet élan qui nous titille, ne nous laisse pas tranquille, appelons-le comme on veut – amour de l’humanité, conscience morale, sens du sacré, respect du Droit, etc. L’écologie est au croisement de la science et du sens.

    mais là où cela devient vraiment intéressant c’est la recherche d’un écho entre l’intime et le global. L’écologie de mon corps et de ma conscience n’est pas séparable de l’écologie globale, je dirais à la fois matérielle (notre écosystème biologique) et spirituelle (les idées, les informations qui nous traversent et nous nourrissent et qu’en retour nous produisons et diffusons). Chaque geste que je fais, qu’il s’agisse d’un acte ou d’une pensée, a un effet sur moi-même, sur les autres, sur tout mon environnement. On voit bien que la prise de conscience de cela, de ma responsabilité, ce n’est pas juste un enjeu scientifique (je mesure froidement la conséquence de mes actes) mais un enjeu éthique et spirituel.

    et là j’aimerais revenir à la question posée par MH : et Ostad ELahi dans tout ça ? Je ne suis pas un grand connaisseur de sa pensée, mais je dirai ce que j’en ai compris : l’homme a un destin spirituel à accomplir sur terre, celui de se perfectionner spirituellement (cf. la conférence « perfection » dans la section « conférences »). Son âme est d’origine double : d’un côté elle est animale-humaine, issue d’un processus de perfectionnement de la création terrestre, du minéral, au végétal à l’animal ; de l’autre côté elle est d’origine céleste, issue de ce « souffle divin ». C’est dans cette dualité qu’émerge la possibilité de la connaissance et du perfectionnement, en même temps que ce profond mal-être ou insatisfaction au coeur de chaque homme, ce conflit intérieur où il doit en permanence arbitrer, décider ce qui est bien ou mal, en fait décider, à chaque instant, plus ou moins consciemment, quel est le sens de sa vie, quel sens il donne à sa vie.

    c’est évidemment très résumé, mais ce que je trouve impressionnant dans cette pensée c’est comment elle arrive, justement, à esquisser un mouvement global dans lequel je peux inscrire un geste du quotidien en lui donnant un sens éthique et spirituel.

    vous me direz quel rapport avec toute la discussion qui précède ? il me semble que c’est le coeur du débat sur la rencontre entre métaphysique et physique (science), sur le territoire du sens. En postulant un mouvement de perfectionnement de l’esprit qui serait le moteur de l’apparition de la vie et de la complexité sur terre (je ne sais pas si Ostad Elahi le dit explicitement, mais sans doute qu’on peut l’inférer de sa vision du perfectionnement de l’esprit orienté par le Divin), je postule que moi aussi, j’ai un destin de perfectionnement à accomplir parce que, moi aussi, je m’inscris dans ce mouvement ou en tous les cas je devrais m’inscrire consciemment et volontairement dans ce mouvement pour me réaliser. Ces deux questions sont inséparables ; je suis assez fasciné par l’idée de cette inséparabilité.

  21. MH le 26 Juin 2009 à 0:08 21

    Merci pour cette réponse, cher aldar !

    En effet, en lisant les conférences (très intéressantes!) de ce site sur la pensée d’Ostad Elahi, on trouve en filigrane cette idée primordiale de perfectionnement des créatures.
    Cela donne un sens à la création et donc à la vie !
    Cela veut donc dire que, pour Ostad Elahi, il existe bien une finalité de l’existence : « la perfection »!
    C’est une idée très tentante… surtout pour moi, perfectionniste!
    😉

    D’autre part, il y a aussi le titre de ce livre de Bahram Elahi ‘La Spiritualité est une Science’ (Cf. bibliographie) qui donnerait donc à penser qu’il n’y a pas de scission entre la science et la spiritualité !
    Considérant la définition de la science dans le billet de André Marzuk sur le livre : ‘Notre existence a-t-elle un sens ?’ qui serait : ‘la recherche des lois de la causalité qui régissent l’univers’, j’en déduis que la spiritualité devrait également dépendre de lois de causalité? … ou plutôt de ‘lois de métacausalité’ ?

    Cela fait-il écho à qq’un de plus doué que moi?

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