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D’insidieux préjugés

Par , le 29 Mar. 2009, dans la catégorie Pratiques - Imprimer ce document Imprimer
insidieux préjugés

Une contribution de Scr, commentateur régulier d’e-ostadelahi.fr, qui témoigne de ce que peut être la pratique éthique pour celui qui œuvre à son perfectionnement. Ici, deux scènes banales de la vie quotidienne sont l’occasion d’un retour sur soi. Que l’on partage ou non les analyses de l’auteur, sa démarche nous semble digne d’intérêt : une démarche introspective qui conduit à une prise en compte de ses émotions et qui constitue un tremplin vers un réajustement éthique de la pensée et du comportement.

Scène n°1

Je suis dans la phase métro de ma routine parisienne quotidienne, somme toute assez confortable. Quelques jeunes entrent dans la rame. Ils sont un peu bruyants mais rien de bien méchant. Il est évident qu’ils ne viennent pas d’un quartier huppé de la capitale, mais plutôt de la périphérie. Mais voilà qu’après un instant de peur, difficile à avouer, je suis envahi par un certain mépris à leur égard. Que s’est-il passé ? Je ne suis pourtant pas raciste, conscient que nous sommes tous des êtres humains, faits de la même substance, issus de la même source. Alors quoi ? Comment ce sentiment a-t-il pu s’immiscer en moi ?

Le premier facteur est la peur, puis une réaction de mâle dominant, une comparaison et pour compensation, le mépris catalysé par la mauvaise presse dont jouissent ces jeunes dans l’opinion publique ; une opinion qui imprègne l’air que l’on respire et qui en vient parfois à nous contaminer. Il est vrai que dans certains milieux la gestion des conflits est moins aseptisée que dans d’autres. Il est vrai aussi qu’assis dans le métro, j’assiste ce matin-là à des comportements particuliers : l’un met la musique de son téléphone portable de manière à ce que toute la rame en profite. Un autre se vante verbalement d’être en mesure de « mettre à l’amende » tel autre… Mais cela justifie-t-il le mépris ressenti ? Bien sûr que non. Ce mépris est une agression envers ceux à qui il s’adresse et un poison pour mon âme ! Alors que faire ?

Commencer par différencier les actes des personnes, par se rappeler la dignité humaine, l’étincelle divine qui est en chacun. Puis remettre ces actes dans leur contexte. Il est évident qu’écouter de la musique dans le métro, ce n’est pas très discret. Soit. Mais bon, ce n’est pas non plus bien méchant ; ce sont des adolescents, il faut bien qu’adolescence se passe. Quant au fait de se vanter de pouvoir intimider quelqu’un, ce n’est pas terrible, d’accord. Mais là encore, ce n’est qu’un jeune qui frime devant ses potes. En ce qui concerne ma peur, elle n’est pas légitime. Il n’y a pas de réel danger. Et quand bien même cela présenterait un réel danger, je suis entre les mains de Dieu. Il ne faut pas généraliser. Ces jeunes sont comme tous les autres, comme moi dans ma jeunesse. Comment ai-je pu si vite oublier ? Et combien d’entre eux ont-ils un caractère admirable dont je pourrais m’inspirer ?

Est-on seulement conscient de la blessure que peut causer un regard méprisant ? Je me souviens d’une discussion avec un ami. Adolescent, il s’est retrouvé un jour en train de se balader avec des copains dans les allées d’un magasin où se vendaient des produits de luxe. Certains de ses comparses étaient sans doute un peu plus agités que la moyenne. Ils avaient alors été traités avec un grand mépris par l’un des responsables du magasin. Cette réaction a nourri pendant longtemps son indignation et sa colère. Mais surtout il y a puisé une justification pour les actes de plus ou moins grande délinquance qu’il a commis pendant une dizaine d’années.

Scène n°2

Je suis actuellement en doctorat. A mon arrivée, j’étais assez détendu. Mais au bout de quelques années, avec la pression et le stress, je suis plus tendu et je ressens parfois des émotions négatives. J’ai fait mes études à l’Université. D’autres doctorants viennent des grandes écoles. L’autre jour, deux d’entre eux, plus jeunes que moi, discutaient de leurs travaux. J’ai compris à leur discussion qu’ils utilisaient des outils théoriques que je n’ai jamais eu l’occasion d’utiliser. J’ai ressenti une émotion négative proche de la jalousie et un ressentiment : du fait de leur apparence et de leur attitude, je les ai étiquetés « présomptueux-étudiants-de-grandes-écoles ». Pour la jalousie liée aux outils théoriques, elle est absurde car le fait de ne pas utiliser ces outils m’a permis d’avancer dans d’autres directions. S’ils sont plus jeunes, c’est très bien comme ça, chacun son chemin. Quant au ressentiment dû à leur provenance des grandes écoles, il est nauséabond, il est clairement nocif, aussi bien pour eux que pour moi. Il est fort possible que, durant leur parcours, ils aient développé une certaine suffisance que j’ai pu percevoir. Mais à vrai dire, quand bien même ce serait le cas, ce n’est pas à moi de juger leur personne pour cela. Ce sont des créatures de Dieu tout comme moi, ils ont une dignité et je dois les respecter, les considérer avec bienveillance. Ce ressentiment est d’autant plus grave qu’ils ont toujours été sympathiques envers moi et ont sûrement de nombreuses qualités. Depuis cet incident, je m’efforce d’être particulièrement bienveillant envers eux. Et cela a déjà porté quelques fruits.

Conclusions

Deux scènes de ma vie quotidienne dont l’analyse succincte m’a conduit à une prise de conscience : les préjugés – préjugés envers les jeunes de banlieues, préjugés envers les étudiants des grandes écoles – peuvent atteindre les personnes les mieux intentionnées ; ils peuvent pénétrer insidieusement la pensée et les émotions et teinter en négatif la vision que nous avons du monde et des autres.

Plusieurs gardes fous existent. Pour moi, ce fut de me rappeler que tous les êtres humains ont été créés de la même source. Que tous ont le droit au respect de leur dignité et qu’il faut agir envers chacun avec bienveillance. Attention, il ne s’agit pas de tomber dans un optimisme béat. Certains actes nuisent et sont, de ce point de vue, condamnables. Il faut être capable de les reconnaître, mais sans en arriver à juger la personne : juger ne nous appartient pas, ce n’est pas notre rôle et encore moins dans nos capacités. Certains groupes peuvent adopter des codes qui ne sont pas éthiques. Mais là encore, il s’agit de juger les actes et non les individus, et s’abstenir des généralisations hâtives, auxquelles nous sommes conduits sous l’influence du milieu ambiant et de nos émotions. Enfin, c’est un fait que tous les milieux ne sont pas les mêmes et qu’ils peuvent favoriser l’émergence de défauts ou de qualités spécifiques. Mais la diversité des milieux, propice à la multiplicité de mises en situations, n’est-elle pas justement un facteur indispensable à notre perfectionnement moral et spirituel ?


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22 commentaires

  1. Radegonde le 29 Mar 2009 à 19:10 1

    En prenant un bus qui va en banlieue , pendant 3/4 d’heure tous les matin , je rencontre aussi toutes sortes de gens..ceux qui mettent la musique très fort, ceux qui posent les pieds sur les sièges,les enfants qui hurlent …
    Ces situations me confrontent à mes limites, à mon intolérence et m’obligent à penser à travailler sur ces « mauvaises pensées » qui arrivent rapidement.. c’est un bienfait pour moi, même si je râle souvent…

  2. Agathe le 30 Mar 2009 à 12:15 2

    Article très instructif… Tant par les exemples qu’il analyse que par la façon dont l’analyse est menée. A travers deux simples exemples, chacun se retrouve : il y a quelque chose d’universel là-dedans. Car qui pourrait se venter de n’avoir jamais eu ce genre de préjugés ?
    Et puis, on part d’un tout petit point du quotidien pour aller très loin, au plus profond de soi. C’est passionnant !
    Pour qui cherche à s’améliorer, il n’y a vraiment plus besoin de courir à l’autre bout du monde, prendre le métro suffit !

  3. MH le 31 Mar 2009 à 13:09 3

    Et oui! Nous avons tous vécus de genre d’expériences de vie quotidienne…
    J’avoue que je ne ressens pas tout à fait la même chose que vous, Scr… Peut-être parce qu’étant une femme, je me sens moins « en rivalité » avec ces jeunes gens?
    Je vais régulièrement dans une salle de sport et rencontre de ces jeunes (j’habite en banlieue) et je dois dire que je les connais bien! Je les regarde plus comme des adolescents qui auraient pu être mes enfants! Et pris seuls, ils sont très gentils…
    Bien sûr, ils sont bruyants, mais je me souviens très bien de mes camarades d’école d’art, avec nos grands cartons à dessins: nous prenions (exprès) toute la place, nous parlions et riions fort! Nous voulions nous faire remarquer: nous étions la jeune génération, pleine de fougue! « A NOUS LA PLACE À PRÉSENT! VOUS, LES VIEUX, NE POUVEZ PAS COMPRENDRE! » (c’est-à-dire : « vous n’avez jamais été jeunes ! »)
    Ca leur passera comme ça nous est passé… 😉
    Quant à votre deuxième exemple, je ressens toujours la même chose avec ceux qui ont fait des écoles d’art prestigieuses alors que je n’ai suivi qu’une petite école privée peu connue…
    C’est de la jalousie pure!!! et malgré le temps, je n’arrive pas à ne pas ressentir une petite brûlure.. encore…
    Même si c’est complètement obsolète, à présent!
    C’est terrible, ces idées négatives qui arrivent toutes seules, alors qu’on croit les avoir surpassées!!!

  4. KLR le 05 Avr 2009 à 20:22 4

    Ces derniers temps il m’est arrivé plusieurs expériences intéressantes à propos des préjugés, au cours desquelles mes collègues m’ont répondu la petite phrase qui fait mouche et qui amène une prise de conscience.
    Le mari d’une collègue, qui est musicien et qui joue du cor, venait de s’acheter une Mercedes noire d’occasion (voiture d’ambassade). Il était ravi et sa femme nous explique qu’il en rêvait depuis longtemps mais qu’il ne pouvait s’offrir une Mercedes neuve vu le prix.. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire une petite réflexion en aparté vers une autre collègue : « c’est bien un cuivre ». Dans cette remarque il y avait à la fois un préjugé sur les musiciens qui jouent des cuivres (cor trompette…), avec au passage une pointe de mépris et d’orgueil ; et un préjugé sur un certain penchant masculin pour les voitures de luxe…
    Ma collègue m’a immédiatement répondu avec beaucoup de douceur et d’empathie vis à vis de cet homme : « il faut aller au bout de ses rêves ». Dans sa réponse il y avait un parfum de tolérance et de souplesse, et cela m’a fait comme un électrochoc…
    Heureusement que les autres sont là pour nous aider à prendre conscience de nos défauts !

  5. MH le 06 Avr 2009 à 18:26 5

    En relisant les commentaires, et spécialement celui de Radegonde, je me demande si nous devons tolérer l’intolérable?
    Quand nous devons voyager avec des gens mal polis, mal élevés, qui gênent tout le monde, que doit-on faire???
    Doit-on « laisser faire »? Vraiment!?
    Je vous ai déjà raconté l’histoire de ce jeune qui avait mis ses pieds sur la banquette d’en face, et, lorsque je lui ai dit de les retirer – comme j’aurais dit à mon fils! – il les a retirés, sans faire de problème! Évidemment, je ne l’ai pas pris « à rebrousse poils » ! car il y a l’art et la manière de dire les choses…
    Qu’en pensez-vous ???

  6. siata le 07 Avr 2009 à 23:32 6

    @MH, je dirais que tout dépend du contexte. Il faut certainement au préalable user de bon sens et se poser les bonnes questions (est-ce mon rôle, est-ce indispensable, quels sont les risques, quel est le résultat que je recherche précisément …).
    Je retiens tout particulièrement la notion de tolérance mentionnée par Scr. Je suis persuadée que travailler sur la tolérance constitue un moyen très intéressant et efficace afin de limiter les jugements négatifs envers autrui, et c’est sans doute un pas vers la bienveillance ;-). Personnellement, face à chacune de ces situations de la vie quotidienne, qui sont autant d’occasions de comprendre et de progresser, je voudrais que me vienne à l’esprit comme par reflex, l’idée suivante : « attention, au travers de ton comportement (tes pensées/tes jugements/tes actions) maintenant et dans les minutes qui viennent, tu influes sur la trajectoire de ton cheminement spirituel, concentre-toi et fais le bon choix !

  7. MH le 10 Avr 2009 à 15:24 7

    @siata
    Merci pour cette réponse!
    En effet, à chaque fois qu’une occasion se présente, il faudrait pouvoir réfléchir très vite en s’étant posé ces questions:
    – est-ce que ma réaction est exagérée ou non?
    – dois-je intervenir?
    – en ai-je le droit?
    – vais-je léser le droit d’autrui?
    – au contraire, vais-je être utile?…
    il faut vraiment réfléchir TRÈS VITE!
    😉
    Une autre anecdote m’est arrivée avant-hier, alors que je faisais la queue dans la rue à Paris, en attendant l’ouverture de l’institut où je me rendais. Il y avait des travaux, à quelques mètres à peine, et le chauffeur d’un gros camion s’est mis à klaxonner très fort, sans arrêt!
    C’était très gênant, assourdissant, mais de ma place, je ne savais pas pourquoi cet ouvrier klaxonnait…
    Puis, une dame a ouvert sa fenêtre au-dessus de nous, et a invectivé le chauffeur d’une voix péremptoire…
    Le chauffeur du camion s’est alors arrêté, penaud ; je suis allée voir d’un peu plus près : en fait, le chauffeur voulait juste appeler un de ses collègues, sans prendre la peine de descendre du camion ! Il a fini par comprendre qu’il gênait tout le monde, et est allé parler à son collègue, un peu plus loin…
    Ma réaction ainsi que celle des autres personnes faisant la queue a été que cette dame avait tout à fait raison de se mettre en colère comme elle l’a fait, alors que, moi, je n’aurais sans doute pas oser crier de ma fenêtre à sa place…
    En effet, je pense qu’il faut un certain courage pour oser lever le ton et faire taire un (ou des) gêneur(s) devant tout un tas de gens !
    Il ne faut pas prendre la lâcheté pour de la tolérance !!!

  8. Inc le 11 Avr 2009 à 23:14 8

    Intéressant tout cela. J’aimerais ajouter un autre schéma de pensée:
    – peur, honte de la peur, réaction excessive…
    Trouver la réponse exacte à chaque situation n’est pas évident!

  9. siata le 12 Avr 2009 à 19:57 9

    Merci MH pour cette anecdote très intéressante. Finalement, si l’on estime que la situation à laquelle on est confronté appelle une intervention de notre part, autrement dit : si on a très vite réfléchi 😉 et pris une telle décision, je dirais que l’important est de ne pas être dans le jugement négatif « à chaud », au risque de donner sa couleur à notre intention. Et là, le résultat est loin d’être garanti ;-))
    Pour ma part j’ai aussi une anecdote eh oui, tout arrive ;-)) concernant la question de la lâcheté ou du courage, et aussi sur la tolérance ma foi. Il y a deux jours : un groupe de jeunes (de ceux qui ne viennent pas des quartiers huppés) au beau milieu de la rue. L’un d’entre eux est sur le sol pour la bonne et simple raison qu’il est en train de se faire tabasser par les deux autres. Plus loin trois ou quatre copains font le gué. Je voulais intervenir bien sûr (m’interposer serait trop fort …) en menaçant d’appeler la police, mais j’hésitais encore car une petite voix me disait que cela comportait des risques pour moi et par ricochets des risques pour les passants : manque de courage ou preuve de bon sens ? Je vis une maman qui faisait tout un détour avec sa fillette pour éviter le groupe, d’autres passaient sans prêter attention à la scène, chacun d’entre nous vivait l’événement différemment. En m’approchant plus près, je compris qu’ils jouaient, ils se bousculaient, se maltraitaient mais c’était par jeu, c’était leur façon de se divertir et de passer le temps, et tout simplement … d’attirer l’attention ! … OUF ! Sur ce coup là j’étais contente de ne pas avoir réfléchi trop vite !

  10. KLR le 13 Avr 2009 à 20:16 10

    @ MH siata. Pour ma part, j’ai le sentiment que lorsque je n’interviens pas face à des actes d’incivilité c’est souvent par indifférence, peur ou lâcheté. Je crois que cela dépend vraiment de chaque cas. Par exemple il m’est arrivée d’être témoin de scène de violence dans le RER, et je crois qu’intervenir aurait pu me mettre en péril, je ne pouvais que tirer la sonnette d’alarme.
    Il faut avoir les moyens d’intervenir. Face à des jeunes d’1m80, battis comme des armoires à glace, je ne fais pas le poids.
    Mais face à de petites incivilités : j’ai aussi un devoir, car le droit des autres ou de la société peut être en jeu.
    Je me souviens d’une anecdote que quelqu’un m’a raconté : lorsque cette personne voyait quelqu’un promener son chien pour faire ses besoins dans le quartier, elle lui disait « il faut que vous ramassiez ». Je m’étais dit : « tout le monde ne peut pas faire cela »…. Cette personne le faisait tout à fait naturellement, et je crois qu’à ce moment là, son intention étant d’être utile aux autres, elle jouait le rôle de conscience pour l’autre.
    Dans certains pays comme en Allemagne par exemple, lorsque vous passez devant tout le monde dans une queue, tout le monde vous le fait remarquer…

  11. Cogitons le 13 Avr 2009 à 22:02 11

    Très difficile de savoir.
    L’héroïsme dépasse généralement les calculs de prudence ou de sécurité personnels.
    Que ce soit en temps de guerre (où certains mettent non seulement leur propre vie en jeu, mais aussi celle de leur famille, par exemple, pour la cause de la résistance ou de l’aide aux opprimés, Juifs ou autres), ou en temps de paix, quand il s’agit de mettre sa sécurité en jeu pour porter secours à autrui.
    Aurais-je le courage d’un résistant? J’ai peur que non et j’espère, comme tout le monde, ne jamais avoir à répondre dans les faits.
    J’ai aussi l’impression que notre société sur-protégée nous a ramollis et rendus lâches, craintifs à la moindre douleur, qu’elle soit physique ou psychologique, et terrifiés par l’idée même de la mort. Demeurer courageux dans un monde qui incite à la lâcheté, voilà une tâche aussi noble que difficile. C’est quoi, être courageux aujourd’hui? Aller faire son jogging quand on n’a pas envie?

  12. siata le 15 Avr 2009 à 0:09 12

    @ KLR, merci pour ces remarques – Intervenir par devoir face à de petits actes d’incivilité, soit, mais comment s’y prendre ? En effet, une remarque qui se veut gentille est souvent perçue comme une leçon, et quoiqu’il en soit une réponse pour le moins sèche sur le ton de « de quoi j’me mêle » ne tarde pas à se faire entendre. Pensez-vous que cela soit un problème d’intention ?
    @Cogitons, être courageux ne serait-ce pas dans un premier temps tout faire afin de ne pas se laisser soi-même influencer et entraîner par le courant puissant et ravageur de cette société « ramolisante » ?

  13. Inc le 15 Avr 2009 à 9:03 13

    Peut être faut il parfois se forcer. Se demander quel est son devoir (c’est une grande difficulté!), et s’il le faut, surmonter les résistances et les peurs….S’appuyer sur quelqu’ Un de puissant et agir par devoir.
    Il ne s’agit pas en même temps de chercher à corriger les autres, chercher à changer le monde, et s’offenser pour tout et rien.

  14. why le 15 Avr 2009 à 14:25 14

    j’ai lu et relu et ma gêne demeure. J’ai l’impression que vous passez un peu vite sur les raisons de votre peur et de votre mépris. Vous êtes vous dit que pouviez également leur faire peur ?
    J’apprécie les mérites de l’auto-suggestion, mais dans votre cas, est-ce un bouclier ou un tremplin pour aller plus loin dans la réflexion ? et si oui, jusqu’où?

  15. KLR le 18 Avr 2009 à 8:59 15

    @siata, Je pense en effet qu’il est très difficile d’intervenir, sans tomber dans le « donneur de leçon ». Dans l’anecdote que j’ai cité, j’avais justement été interpellé par cette personne car elle manifestait une grande sincérité et un certain courage. C’est évidemment un cas particulier…

  16. Aurore le 21 Avr 2009 à 18:34 16

    En lisant les différents commentaires, je me suis rendue compte qu’il y a certains comportements que l’on a soi-même, mais pour lesquels ont est intolérant lorsque ce sont les autres qui les ont. Par exemple, ca m’arrive de mettre les pieds sur les sièges du metro (quand il n’y a pas beaucoup de monde j’entends!!). Par contre si je vois qqn le faire, ca va me gêner et je serais tenter d’avoir des pensées négatives. Ce qui est abérant! Je m’oblige donc à couper court aux pensées négatives en me disant que je ca m’arrive de faire la même chose sans pour autant me préoccuper de ce que pense les autres personnes.

    Autre exemple : manger « mal » à table. Ca m’agace de voir qqn manger vite et sans manières et pourtant je le fais pertinement lorsque je suis toute seule ou avec mon frère, ma soeur ou même avec des amis.

    Donc, comment peut on se permettre d’etre intolérant vis-à-vis de comportements que l’on fait soi meme??
    Je pense que ca arrive à tout le monde de faire du bruit dans le métro, de parler fort au portable, de gêner qqn dans la rue etc. En me remémortant cela, souvent ca me calme intérieurement et je deviens plus tolérante face à des attitudes ou des comportements qui me gênent -clairement.

    J’ai un exemple tout frais qui est arrivé hier : j’étais dans le bus et arrivée à ma station j’ai voulu descendre. Mais le bus étant plein j’ai mis du temps à atteindre les portes qui se sont fermées devant moi, le bus repartant. J’ai donc dû crier le fameux « la porte »! Ce que je déteste faire parce qu’évidemment le chauffeur n’entend jamais du premier coup, donc tout le monde s’y met etc. C’est ce qui s’est passé hier.
    En fait, je n’avais pas dit « s’il vous plait » et j’ai pu entendre une dame dire, alors que je desendais enfin du bus, « il faut dire le mot magique c’est pour cela, on voit qu’il y en a qui ne connaissent pas la politesse ».

    Cela m’a fait beaucoup de mal à entendre (j’ai été vraiment blessée) parce qu’à ses yeux je suis passée pour qqn d’impoli alors que je ne le suis pas. Vous allez me dire: si je ne le suis pas, pourquoi n’ai je pas dit de manière automatique le fameux mot magique. Je pense que j’étais un peu agacée : c’était le soir, il avait fait chaud toute la journée, le bus était plein et si je n’avais pas pu accèder aux portes c’est parce qu’une jeune fille avec des écouteurs dans les oreilles me bloquait le chemin alors que je lui répétais « pardon, pardon », evidemment, sans succès. Mais ce n’est pas le problème, la dame qui m’a critiquée ne le savait pas, elle n’était pas dans mes pensées.

    Elle a juste vu la scène une fois devant les portes et elle a dû simplement se dire: ces jeunes n’ont aucune éducation, ils ne connaissent pas la politesse. En somme, j’étais un vrai cliché pour elle, celui de la jeunesse mal élevée.

    Voilà, il faudra juste que je n’oublie pas cette histoire, ni le sentiment que j’ai ressenti, lorsque je serai dans des situations qui pourraient me pousser à la critique et aux préjugés.

  17. scr le 21 Avr 2009 à 19:30 17

    @why:
    à vrai dire il est difficile de distinguer les raisons exactes de la peur, on peut mettre en évidence quelques facteurs et mécanismes:
    – un stimulus extérieur véhiculant objectivement ou subjectivement une idée de rapport de force.
    – un mecanisme de défense, la peur que l’on trouve chez les animaux.
    – une vision du stimulus dépendant de notre état intérieur. Dans le cas de mes émotions, on peut voir quelques causes de déformation: une comparaison physique en terme de dominant/dominé. Il y a peut-être aussi des causes plus profondes : complexes, noeuds psychiques…De là une réaction d’orgueil, pour repasser en dominant, puis jugement avec amalgame entre personnes et actes.
    La peur fait partie des réactions normales chez les animaux et peut donc se manifester chez tous, je peux donc bien entendu éveiller la peur, que mon comportement soit inadapté ou que les récepteurs, en face, soient déréglés.
    Est-ce un bouclier….
    L’objectif du processus (analyses, autosuggestion…) est de réajuster les schémas de pensées de manière à adopter un comportement en phase avec de nobles convictions. Cela passe par une analyse des faits, des émotions, des pensées la plus objective possible pour une action juste. Mais effectivement, si l’on n’y prend garde, des traces d’orgueil peuvent subsister dans les analyses, mais ce n’est pas ce qui est souhaité et il faut alors affiner les analyses.

  18. MH le 22 Avr 2009 à 16:17 18

    Il me semble avoir ouvert le débat… 😉
    En lisant tous les commentaires après le mien, il est bien évidemment que l’on juge toujours trop vite: il est très difficile de ne pas avoir de préjugés devant une situation, même si on veut s’en défendre! (Merci pour ce texte, scr!)
    Évidemment, s’il nous arrive nous aussi, parfois, d’agir mal, on ne peut « jeter la première pierre »! => regarder d’abord en soi, notre propre façon de se comporter…
    Nous ne sommes pas dans l’esprit des gens et ne savons pas pourquoi certains ont un comportement incivil… ça peut être exceptionnel, comme ça peut être le comportement habituel de qq’un qui n’a pas eu la chance d’avoir d’éducateur « à la hauteur ».
    Mais que cela ne nous empêche pas d’intervenir! Nous ne sommes pas des « donneurs de leçon », mais indiquons simplement à l’autre, s’il ne le sait pas déjà, ET EN SOURIANT, que « cela ne se fait pas »… ou qu’il a « oublié le mot magique »!
    😉
    @ Aurore: si vous vous êtes rendu compte que vous aussi mettiez les pieds sur la banquette, je suppose qu’à présent, vous ne le faites plus!? 😉
    Rappelez-vous mon anecdote: lorsque j’ai demandé à un ado de retirer ses pieds de la banquette, je l’ai fait comme j’aurais parlé à mon fils: gentiment, sans agressivité! Et ça a marché…
    J’imagine que si un ado répond qu’on se mêle de se qui ne nous regarde pas, il faut simplement lui répondre que tous les adultes sont des éducateurs et qu’il est normal qu’on intervienne, comme il le ferait lui-même avec des plus jeunes…
    Le remède serait donc de prendre du recul, dès que nous avons une pensée négative: ne pas agir dans l’instant…
    (sauf si c’est par autodéfense! là, c’est l’instinct qui doit nous sauver, c’est différent!)
    … et s’adresser à l’incivil comme on s’adresserait à qq’un de SA FAMILLE, un enfant, un frère, une soeur…
    Je veux en venir à cela : si l’on considère l’autre, qu’on lui porte du respect, on lui parlera convenablement, et, normalement, il ne devrait pas être vexé et surtout pas humilié…

  19. Inc le 23 Avr 2009 à 1:24 19

    Je ne suis pas certain qu’il faille obligatoirement intervenir. Cela dépend à mon avis des cas. En revanche, une réflexion sur nos sentiments intérieurs et leur légitimité à chaque fois ne peut pas faire de mal.

  20. KLR le 23 Avr 2009 à 20:03 20

    Il est vrai que l’on ne se comporte pas toujours au mieux et l’expérience qu’Aurore a vécu, m’arrive assez fréquemment. Par exemple étant pressé ou dans mes pensées, j’oublie de dire merci à un automobiliste qui me cède la place dans une rue où l’on ne peux se croiser à deux voitures…Ou bien, étant pressé, j’oublie de dire s’il vous plaît ou bonjour Monsieur à un agent de la RATP à qui je demande des renseignements. Très régulièrement je reçois des rappels à l’ordre de la part des gens à qui je n’ai pas répondu ou parler avec politesse.
    Je dirai même, comme un fait étrange ou un clin d’oeil (une sorte de signe), que c’est systématique : lorsque j’ai oublié (sans mauvaise intention) la politesse, il y a rappel. Ce rappel n’est pas toujours agréable, mais il est éducatif si l’on a envie de s’améliorer, et c’est cela que j’ai envie de retenir. Cela remet immédiatement ma conscience en marche, et c’est donc très positif.

  21. Dan le 25 Avr 2009 à 11:40 21

    Dans mon travail, il m’arrive régulièrement de juger « intérieurement » certains de mes collègues (en général mes supérieurs). Cela est notamment du aux préjugés que je peux avoir sur leur catégorie sociale, leur parcours académiques etc…
    A ce sujet, je me suis aperçu récemment d’une chose simple : tout jugement « intérieur » était systématiquement suivi du besoin d’en parler à d’autres collègues afin de trouver un écho à mes préjugés. En définitive le fait d’en parler ne faisait que renforcer mes préjugés. J’ai donc décidé de limiter l’extériorisation de mes jugements « intérieurs ». Je pense tenir là une bonne piste de lutte mais je n’ai pas encore le recul suffisant pour vous dire si ça marche concrètement.
    En revanche, vos avis ou expérience à ce sujet m’intéresse…

  22. MH le 28 Avr 2009 à 19:55 22

    @Dan
    Oui! C’est une très bonne piste, je trouve aussi!
    Cela nous oblige à faire attention à ne pas médire… même si l’envie nous démange! Dur! Dur!
    😉
    @Inc
    En effet: on ne doit pas OBLIGATOIREMENT intervenir! mais ne pas s’en priver, si l’on pense que ça peut être utile, à mon avis…
    @KLR
    Eh eh! Quand des réflexions nous sont désagréables, ne serait-ce pas souvent parce qu’elles touchent un point faible???
    😉

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