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“L’art de la vertu” selon Benjamin Franklin: mode d’emploi

Par , le 28 Mar. 2011, dans la catégorie Lectures - Imprimer ce document Imprimer - English version
Benjamin Franklin

De Benjamin Franklin (1706-1790), nous savons tous au moins qu’il inventa le paratonnerre. Mais cette icône américaine a plus d’une corde à son arc : imprimeur de métier, inventeur de génie, il fut aussi un businessman talentueux, un scientifique pionnier des expériences sur l’électricité, un homme d’état, un diplomate (il fut le premier ambassadeur américain en France), enfin l’auteur de plusieurs essais sur des thèmes aussi variés que la politique, le mariage ou le jeu d’échecs. Il existe pourtant une face moins connue du personnage : Franklin a mené toute sa vie durant une quête qui l’a conduit à explorer les racines spirituelles de la moralité. Méfiant à l’égard de tous les dogmes religieux, il était néanmoins attaché aux principes fondamentaux de la religion naturelle (l’existence d’une divinité, l’immortalité de l’âme, la rétribution du bien). Plusieurs de ses essais ou recueils d’aphorismes sont consacrés à la question de la moralité et de l’importance des vertus civiques et individuelles. Sa passion pour la vertu était telle qu’il en avait fait une partie intégrante de sa vie quotidienne. C’est ce dont témoignent plusieurs passages de son Autobiographie.

L’extrait que nous présentons ici est une bonne illustration du genre d’approche concrète privilégiée Franklin en matière d’éthique individuelle. Il souligne la nécessité de mettre au point des protocoles précis pour soutenir un travail régulier et de long terme sur les vices et les vertus, autrement dit sur les mauvaises et les bonnes « habitudes ». Le message de Franklin est simple : le processus de transformation de soi par lequel se développent les qualités éthiques telles que la tempérance, la discipline, la volonté, la sincérité, ne peut pas être livré à l’improvisation. Si l’éthique est autre chose qu’un mot agréable, elle appelle une méthode. Dans le passage qui suit, Franklin explique de quelle manière il en est venu à concevoir un support ingénieux qui lui permettait de tenir le registre de ses exercices d’éthique pratique : il s’agit d’un carnet (« un petit livre ») où, en s’aidant d’une grille, il dressait le bilan quotidien de ses pensées et de ses actions. Les lecteurs qui ont un peu fréquenté les manuels de développement personnel ne seront pas trop dépaysés. Mais si les capacités d’organisation de Franklin sont impressionnantes, ses dons d’auto-observation, sa capacité à analyser les idées et les émotions intriquées qui constituent les ressorts de ses conduites les plus ordinaires, le sont encore davantage.

Nota bene : la méthode de Franklin peut aisément être transposée à des technologies plus sophistiquées, telles que les téléphones portables : les applications du genre Daily Tracker® ou The Habit Factor®, destinées à l’organisation et à la motivation personnelle, peuvent servir à autre chose qu’à maintenir sa ligne…

Source de l’extrait : Benjamin Franklin, Autobiographie, trad. E. Laboulaye, Paris, Hachette, 1887, p. …

[Voici un extrait de son Autobiographie – pdf format]


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10 commentaires

  1. KLR le 29 Mar 2011 à 21:16 1

    Cette méthode a vraiment l’air passionnante et j’aimerai lire cette biographie plus amplement pour comprendre comment Benjamin Fanklin a mis en oeuvre ces différentes vertus au quotidien…
    Je suis frappée par cet esprit ordonné. En effet, les vertus ont souvent un lien entre elle, et lorsque l’on en pratique une, cela est utile pour en acquérir une autre. je trouve qu’il est très judicieux de comprendre leurs liens, de les organiser et de les prévoir sur le long terme.
    Cela ouvre de nouvelles pistes pour l’investigation pratique !

  2. KLR le 29 Mar 2011 à 21:35 2

    Oups ! je n’avais pas téléchargé tout le document..
    c’est vraiment édifiant ! quel bel exemple de pratique de la connaissance de soi !

  3. andreu le 29 Mar 2011 à 21:47 3

    Merci beaucoup pour cet article qui fait connaître une facette malheureusement trop méconnue de la personnalité de Benjamin Franklin.
    Il est fascinant de voir comment d’un point à l’autre de la terre et par delà les époques, des sages ont su exprimer et expliquer la démarche spirituelle sous l’angle d’une pratique systématique basée sur l’introspection, la lutte contre nos défauts éthiques et en s’appuyant sur la foi et l’aide du Divin.
    La première idée que je retiens de la démarche de Benjamin Franklin est la force de la volonté. Sans cette volonté dirigée vers l’amélioration constante de son propre caractère, on ne peut avancer pas à pas dans le travail de connaissance de soi. Comme le dit Ostad Elahi, dans une de ses maximes : La clé qui ouvre l’accès à tous les niveaux de la spiritualité, c’est la volonté.
    Ma deuxième réflexion porte sur la nécessité, pour mener à bien ce travail le développement des vertus dont nous parle B. Franklin, de canaliser et maîtriser nos propres émotions. Il ne s’agit pas bien sûr de se dégager de toute forme d’émotion mais d’apprendre à opposer à chaque excès, à chaque manifestation opposée aux vertus, une contre émotion raisonnée et appropriée. N’est-ce pas cela la tempérance dont Benjamin Franklin nous parle !

  4. why le 30 Mar 2011 à 12:52 4

    Depuis Lundi je voulais lire ce billet mais je me disais » Benjamin Franklin c’est un peu vieillot ». Et puis, j’ai cliqué juste »pour voir ». Pour faire court : en voilà un qui sait de quoi il parle et qui ne s’est pas contenté d’écrire.
    Ce billet arrive à point nommé pour me ramener à la réalité, à ma réalité! Je crois que je n’échapperai pas à cette fichue grille dans l’espoir d’acquérir à mon rythme et à ma façon « une écriture belle et lisible ».

  5. Serena le 08 Avr 2011 à 0:05 5

    Je suis épatée par sa méthodologie et par la force de sa conviction!!! Ce que je retiens de ce billet c’est que pour changer en bien, il faut vraiment y croire. Pourtant, moi j’ai l’impression d’être convaincue que pour lutter contre ses faiblesses, il est bien de tenir un journal quotidien, d’y aller étape par étape etc. Alors, pourquoi est-ce que j’ai temps de mal à m’accrocher? Pourquoi est-ce qu’un jour j’y arrive et un autre (enfin… plus qu’un autre) je suis à côté de la plaque?
    Qu’est ce qu’il me manque? Je suis paresseuse sûrement… Je manque de volonté… ??

  6. KLR le 12 Avr 2011 à 10:17 6

    @Serena: je me pose la même question que vous. Ce qui me frappe c’est cette force sourde, rapide, et changeante qui opère de sorte que l’on ne voit même pas comment on bascule dans la paresse, l’oubli et la négligence…On est motivé, mais l’état est tellement éphémère.
    Finalement le plus grand des efforts est déjà de s’obliger à maintenir cette permanence. Pour cela, nous avons heureusement des moyens à notre disposition (si on pense à les utiliser…)
    Se connecter à ce site et lire votre commentaire en est un, et me permet de repartir vers le bilan délaissé ! merci !

  7. Serena le 13 Avr 2011 à 12:57 7

    @KLR: Ephemere… Ce mot est tres juste mais il fait mal!!

  8. anis le 19 Juin 2011 à 23:15 8

    J’ai beaucoup apprécié cet article, notamment la méthodologie employée pour arriver à « la perfection morale » et le fait qu’il met en place une méthode qui ne contient « aucun dogme particulier » lié à une confession religieuse ; ce qui en fait une méthode exploitable par n’importe qui.

  9. Wilhelm le 03 Déc 2013 à 17:53 9

    Benjamin Franklin mettait en œuvre ce qu’il préconisait. Ainsi, lorsqu’il inventa le paratonnerre il refusa de le faire protéger par un brevet. Le rendant ainsi accessible à tous gratuitement. Son but était réellement le bien de l ‘humanité car il voulait que les villes et villages puissent utiliser le paratonnerre immédiatement et prévenir de la sorte les nombreux incendies qui avaient ravagé les grandes villes américaines. Ce fut le cas.

  10. kbld le 15 Jan 2014 à 16:08 10

    Dans la veine de ce que propose cet article, il y a toute une série d’applications pour smartphone qui peuvent être extrêmement utiles. J’avais fait énormément de tests il y a 6 mois / un an avec les versions démo, et je partage ici les applications que j’ai retenues (dans le cadre de l’utilisation pour la pratique éthique) parmi la somme qui existe. Attention, ces tests datent (même si j’ai revu, j’ai peut-être loupé de nouvelles pépites sorties depuis), et sont uniquement basés sur les versions démo (sauf deux, achetées car bien). Quant au test en réel, ce n’est pas moi-même un proche qui l’a fait pour certaines. Mais je me dis qu’ils peuvent quand même servir.
    Il y a énormément de solutions en ligne, beaucoup destinées au milieu des affaires, j’ai sélectionné celles qui peuvent être utilisées dans le cadre de la pratique éthique de Benjamin Franklin, en rapport avec le thème du « développement personnel ». En plus de l’objectif d’outil au perfectionnement de soi, j’ai aussi pensé en faisant les tests à un outil pour l’évaluation de mes prières (degré d’attention par exemple).
    Je conseille de tester soi-même (je donne par contre les liens vers les versions pro, payantes).

    Il y a trois degrés.

    *****1. Objectifs particulier*****

    Goal Tracker – Smart Goals est une application que je conseille. Elle n’est pas si générale : elle ne vise pas à tout enregistrer du quotidien mais divise plutôt les objectifs, de différentes sortes. Je connais quelqu’un qui l’a essayé. Bonne statistiques. Elle ne permet pas de chronométrer et de noter la même activité par contre, il faut séparer en deux objectifs. Son gros défaut est qu’il ne permet pas l’exportation des données.

    *****2. Gestionnaires de temps *****

    Study Checker est une application très bien faite, à l’origine faite pour des étudiants. Très bonnes statistiques, exportables en version pro. Très bonne ergonomie. Le proche l’a essayé pendant plusieurs semaines (on peut bien voir l’évolution) et les résultats sont très probants ! Elle a du coup abandonné SmartGoals. Solution sûre.

    LiteLog est très bien fait, a de bonnes statistiques et est le seul qui conjugue sur un même calendrier activité ponctuelle et activité qui se déroule dans le temps. Très personnalisable et très bonnes statistiques.

    aTimeLogger a l’air bien aussi.

    *****3. Synchronisation en ligne*****

    La synchronisation permet de rentrer les données depuis plusieurs outils et surtout d’aussi utiliser l’outil sur son ordinateur. Ici, cela dépasse la simple application. Mais j’ai sélectionné trois solutions qui comprennent une application Android.

    RescueTime est la plus complète des solutions. Elle s’utilise par abonnement, donc cela devient beaucoup plus cher. Elle permet le plus de gain de temps car / mais c’est Big Borther incarné : il s’installe sur votre ordi, vos téléphones etc. et enregistre automatiquement toute les activités. Évidemment, on peut configurer pour qu’il en enlève, et c’est à l’origine fait pour le bureau donc on peut donner des heures d’activité. On peut noter chaque activité de -2 à 2 (le mieux il me semble), et une note automatique par activité peut être attribué (changeable). Il fait des statistiques détaillées par activité et par catégorie (on peut voir évoluer le pourcentage de temps passé à la spiritualité ou à telle activité par exemple). On peut s’écrire un bilan de sa journée en version pro, le tout exportable. L’application est moche mais marche. On ne peut mettre de sous-catégories, et on ne peut faire plusieurs applications en même temps. Une version gratuite ne sauvegarde que sur trois mois, donc ne sert à rien (exporter en Excel n’est possible que dans la version payante) et ne permet pas de renseigner des horaires (très handicapant).

    Toggl est dans le même style, c’est plus connu. Aussi sur abonnement. On peut attribuer une note en « tag ». Je trouve qu’il y a moins d’outils adaptables à la pratique éthique que le logiciel précédent.

    Paymo est une petite application, destinée aux professionnels. Mais pour la prière, c’est très bien : chronométrage à le seconde et on peut mettre en commentaire la note qui se retrouvera sur une colonne sur Excel. C’est gratuit pour une personne.

    Pour ceux qui veulent quelque chose uniquement sur ordi et sans abonnement (mais payant), il y a ManicTime.

    *****4. Conclusion*****

    La parfaite application de l’ « étudiant en médecine de l’âme » n’existe pas… pour l’instant. L’idéal serait que tout soit sur une interface, avec statistiques et calendrier, avec commentaires, objectifs, chronométrage et indication d’activité entre telles horaires, pratiques ponctuelles, notamment permettant de voir l’interaction entre les pratiques et surtout entre les durées et qualités de prière et la pratique éthique, etc. Mais il est probable que Rescue Time s’en rapproche beaucoup.
    Pour ceux qui veulent quelque chose de léger, je conseille Smart Goal pour la pratique + Paymo pour la prière. Pour ceux qui veulent quelque chose de très complet ou qui ne sont pas très smartphone, il y a Rescue Time, mais ça a un coup. Ce qui convaincra le plus de personne est probablement une solution intermédiaire et efficace comme Study Checker, comme ça été le cas du proche.
    Un site sur le sujet en bonus : http://www.asianefficiency.com/productivity/time-tracking/ .
    Le bémol à Rescue Time & Co réside dans le fait qu’on peut voir que la pratique éthique est beaucoup plus subtile que mettre une note. C’est pour cela que cela reste un peu à côté de la plaque. Mais cela peut d’ores et déjà être très utile, mais en sachant rester maître de ces outils.
    Se forcer à enregistrer ses actes juste avant de le faire, le proche en a fait l’expérience, améliore largement la qualité et la quantité de travail. Puisqu’on ressent le fait que cela va être enregistré… C’est comme pour faire une pause lors d’un travail chronométré : si on est obligé de de mettre en pause le chrono, on va beaucoup moins en faire, pour pouvoir voir le temps aller de plus en plus loin… Ici, je parle de travail matériel, mais par exemple, si un étudiant étudie dans le but d’accomplir ses devoirs envers soi-même, cela devient spirituel. C’est l’intention qui change tout. C’est un exemple qui montre que ces outils peuvent être formidable à condition de comprendre que ce sont des moyens et non une fin en soi ; comme tout, il faut savoir en rester les maîtres, mais à cette condition l’utilité peut être très grande.

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