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Le chercheur de Vérité

Par , le 15 Avr. 2012, dans la catégorie Articles - Imprimer ce document Imprimer - English version
Newton et la pomme

Écoutant dernièrement l’un de ces débats dont le paysage audiovisuel nous gratifie régulièrement, j’observais combien peu de Vérité s’exprimait dans ces échanges ! Comme l’esprit se meut facilement dans l’univers verbal, malléable à souhait ; idées et concepts se succèdent et s’échangent, dépourvus de tout poids, délestés de toute réalité, vides de tout savoir.

Pour quelle raison ? C’est que connaître, comprendre vraiment, implique autre chose que le simple jeu des idées et l’échafaudage théorique, fut-il ingénieux et brillant ; connaître implique l’expérience intime de la réalité, l’épreuve de la réponse du réel à nos convictions et à nos croyances.

J’aime beaucoup cette anecdote rapportée par le philosophe Emmanuel Berl. Adolescent et grand admirateur de Henri Bergson, voilà qu’il défendait avec zèle l’ouvrage du Maître auprès d’un ami. « On parlait du rire », nous raconte-t-il ; « mon ami me chatouilla ; je ris. Vous voyez, me dit-il, votre Monsieur Bergson n’en parle pas dans son livre ! Je restai confus ; je réfléchis et m’aperçus avec surprise, que j’admirais M. Bergson éperdument, mais sans croire à peu près rien de ce qu’il disait. »

Ainsi, un léger chatouillis venait-il défaire avec légèreté l’édifice de la théorie bergsonienne !

On peut écrire des pages et discourir des heures, disait un maître, sur le sel et le goût salé, mais un seul petit grain sur la langue, vous l’apprend à jamais.

C’est sur ce caractère irremplaçable et heuristique de l’expérience qu’insiste, en permanence, Ostad Elahi. « Je n’ai rien écrit, nous dit-il que je n’ai moi-même expérimenté et mis en pratique. »

Ce qui ne signifie aucunement que la théorie soit vaine. Mais, nous dit-il, « la pratique seule est aveugle, et la théorie sans la pratique est impotente ». Cette maxime me semble définir le chemin de ceux qui souhaitent se revendiquer « chercheurs de Vérité ».

Oui, la raison est un outil essentiel. Personne n’imaginerait que Newton eut découvert la théorie de la gravitation en regardant simplement tomber les pommes ? Il fallait bien que la raison eût préparé le cadre de cette découverte. Mais la raison doit être confrontée à l’expérience qui valide ses inspirations, ses déductions et en fixe les limites.

Cela est vrai en sciences. Mais de même en spiritualité. Car « la spiritualité est une science » nous enseigne Ostad Elahi et la vie en ce monde, notre laboratoire, pourvoyeur d’expériences en permanence renouvelées et source d’opportunités de progrès infinies dans la connaissance de soi.

Pour le chercheur de Vérité, l’effort réside dans la mise en œuvre sans cesse renouvelée de sa pratique éthique. « On peut apprendre ce que l’on savait déjà » aimait à dire Vladimir Jankélévitch. Quels effets attendre de la pratique, sinon de voir s’enraciner en soi, à des profondeurs toujours plus inattendues ce qui n’était que simplement pensé et de vérifier progressivement le sens de notre présence dans cette matrice provisoire que nous appelons le corps.

Pour le chercheur motivé par la pratique et en quête sincère de vérité, soyez sûr qu’au détour du chemin, au-delà de l’effort, émergera soudain la joie et parlera enfin en lui l’humain, l’humain véritable !


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12 commentaires

  1. marie le 15 Avr 2012 à 10:40 1

    Merci pour votre article, qui résume si bien le couple théorie/pratique, inséparable et incontournable sur le chemin du perfectionnement. Votre conclusion me donne beaucoup de motivation et d’énergie!
    Pour poursuivre, je remarque que la parole « vraie vécue »présente un signe clair, celui de son poids, de son effet. A tel point que lorsque je dis une chose vraie, mais qui n’est que répétition de ce que j’ai pu entendre ou lire dans un livre, je sens pour moi et pour les autres qu’elle n’a pas sinon peu de poids/ d’effet. Mais quand j’ai pu expérimenter et intégrer une vérité, mon témoignage a du poids/de l’effet. Depuis j’essaye de me taire lorsque je n’ai pas expérimenté et intégré une chose.

  2. joseph Locanda le 15 Avr 2012 à 11:18 2

    Très bonne synthèse du rôle de l’expérience dans la recherche de la vérité. La raison et la pratique font bon ménage et l’une ne va pas sans l’autre. Nous devrions prendre comme principe de vie de marier en permanence les deux.
    On n’imagine pas devenir un grand cuisinier en passant son temps à lire des recettes de grands chefs! De même il est n’est pas possible de devenir un grand cuisinier sans connaître les bases théoriques de la cuisine. Rien ne vaut la pratique mais la pratique sans la connaissance n’est rien n’ont plus.
    Pour la spiritualité, connaître les principes propres à la spiritualité sont nécessaires. Les pratiquer et se nourrir de l’expérience de cette pratique me paraît la seule voie pour qui veut comprendre la vérité et la trouver un jour.
    Au milieu le trait d’union est la raison qui est propre à l’homme. Elle créé le lien entre les deux univers en les rendant intelligibles. Elle est aussi l’outil d’appropriation à sa propre nature de la théorie et de la pratique. Pour reprendre l’analogie de la cuisine, je lis une recette de gigot de 7 heures pour lesquelles il y a des règles précises pour réussir ce mode de cuisson. La pratique consiste à acheter un gigot et à appliquer la recette. La raison intervient pour analyser et adapter la recette en fonction du poids de la viande, du gout particulier que je veux y apporter, du four dans lequel je vais faire cuire le gigot et du plat qui le contient.
    Ce triumvirat théorie/raison/pratique est aussi la clé pour comprendre les vérités spirituelles.
    Le résultat sera toujours juste au final si l’on s’appuie sur triumvirat et apportera beaucoup de joie gustative d’un côté, spirituelle de l’autre. Et l’une n’empêche pas l’autre!

  3. charlie le 15 Avr 2012 à 18:40 3

    Pour reprendre le commentaire de @marie, en effet, quand il s’agit de réconforter quelqu’un par exemple, je vois bien que lorsque j’assène des théories, ma parole n ‘a aucun effet, même si ces théories paraissent « justes ». Et cela peut même avoir un effet contraire, à savoir, embêter la personne ou la rendre encore plus mal.
    J’essaie donc dorénavant de trouver ce qui dans mon expérience personnelle fait écho à ce que la personne me confie. Et seulement alors, la personne en face se sent mieux, ou du moins, allégée d’ avoir parlé de son souci, car elle sent que quelqu’un (en l’occurrence moi dans cette expérience)la comprend.

    Si je prends cette fois l’exemple de conseils qu’on m’a donnés, je me rends compte qu’en effet, ça m’allégeait, je les écoutais, mais, souvent, je ne les suivais pas pour autant, même si je reconnaissais que la personne avait raison. il fallait que je prenne un jour moi-même la décision de faire cette chose, pour comprendre que le conseil qu’on avait pu me donner, par exemple il y a des années, était juste. Il fallait que quelque chose déclenche véritablement en moi cette envie de suivre le conseil. J’ai du mal à exprimer ce que je veux dire alors je reprends un passage que j’ai lu un jour dans un livre : « le conseil n’est qu’une parole mais quelle est son utilité ? tant que l’on ne s’investit pas dans quelque chose, on ne saisit pas l’utilité du conseil. C’est quand on se trompe que le conseil nous revient à l’esprit et qu’on en saisit l’utilité. Tant que l’homme ne connait pas ses défauts, il ne saisit pas ses erreurs et les conseils ne lui servent à rien. Donc l’utilité du conseil est de le garder en mémoire pour que le jour où l’on se trompe, il nous revienne à l’esprit. Sinon, les livres sont remplis de conseils… ».

  4. mike le 15 Avr 2012 à 19:37 4

    et c’est bien au sein de notre vie quotidienne que nous réalisons sans cesse cette cuisine avec de temps en temps des plats de chefs et par moment des plats complètement grillés et la ligne de conduite qui permet de ne pas s’enorgueillir ou inversement déprimer devant l’échec c’est bien l’humilité.

  5. lepersan le 15 Avr 2012 à 20:36 5

    je trouve par expérience que la connaissance des vérités divines relève du miracle.

    on travaille la théorie, on met cette théorie en pratique….. et rien. on ne comprend pas. Alors comme on sais que c’est bien de le faire(toujours par expérience), on continue sur notre lancée avec « réflexion, volonté et persévérance ». et d’un coup, par intermédiaire d’une chose anodine comme un sourire, une péripétie, une grande joie,un battement d’aile d’un insecte insignifiant….., on comprend, on est éclairé. à Seconde -1, l’interrupteur de la lumière est sur off et à Seconde 0 sur on. Quelqu’un a allumé la lumière(bien sur si grâce nous est faite)
    cela ne relève t il pas du miracle?

    On se rappelle, en analysant ce miracle moderne, que Dieu ne nous doit RIEN, et qu’on Lui doit tout. On pourrait travailler la théorie la mettre en pratique matin et soir, si Dieu ne veux pas on reste dans l’obscurité et cela sans justification!!!!!
    mais bien sur Dieu est plein de grâce et normalement si on persévérant, on est « récompensé » pour nos efforts
    « avance d’un pas et Dieu te feras avancer de dix »

  6. mike le 16 Avr 2012 à 23:52 6

    elle relève du miracle c’est vrai mais apparemment on peut, par nos efforts et intention sincères, solliciter ce miracle…belle expérience de vie qui nous montre cette manière dont on doit pétrir notre for intérieur (réflexion, volonté, persévérance) pour espérer être un jour sur le ON de l’interrupteur définitivement.

  7. A. le 18 Avr 2012 à 5:07 7

    Bien que j’aie maintes fois pu observer l’importance de la pratique pour accéder à une compréhension de la théorie – l’exemple qui m’a le plus marqué à ce propos est la « loi de la confiance en Dieu » : QUAND ON S’EN REMET A DIEU, TOUT CE QUI NOUS ARRIVE D’AGREABLE OU DE DESAGREABLE EST POUR NOTRE BIEN

    La première fois que j’avais lu la loi en question, je croyais avoir compris alors que je n’avais rien compris du tout. C’est seulement grâce à l’expérimentation, à force de voir comment des choses désagréables étaient/sont en faite utiles, soignent nos dysfonctionnements et/ou nous permettent de mieux nous connaitre et/ou nous préservent de plus grands malheurs, que l’on rend compte de la portée immense de cette loi. Pour comprendre sa portée, il suffit de penser pour un instant à ce que serait notre comportement si on avait vraiment assimilé cette loi à 100% – alors on n’aurait peur de rien, nous serions des personnes extrêmement sereins et confiants dans la vie. De surcroît nous serions unitaristes et nous comprendrions que tout est géré par un Etre Bienveillant et que rien, vraiment rien ne se passe si Lui ne le veut pas.

    Bien entendu, en ce qui me concerne le chemin est encore long mais à force de mettre en pratique des principes vrais, et vérifier par soi même les lois spirituelles vraies, on se rapproche de la réalité des choses, c’est à dire on se connaît mieux et on comprend vraiment comment fonctionne ce monde (les lois qui régissent son ordre)

  8. ajile le 22 Avr 2012 à 15:38 8

    Théorie bien assimilée et raison saine conduisent à l’expérience, à la pratique. C’est bien sûr la voie royale pour apprendre, mais je pense qu’il y manque sentiments, émotion, amour.
    Nous savons maintenant que le Quotient Intellectuel (QI) ne décrit QUE nos aptitudes à raisonner, qu’il est incomplet. Nous sommes encore plus par notre QE, quotient émotionnel.
    Dans la recherche de la Vérité, n’oublions donc pas la dose de sentiments, d’implication, de foi, d’amour; nul doute alors que le chercheur deviendra trouveur !

  9. Wilhelm le 26 Avr 2012 à 7:41 9

    Il y a souvent un volet dialectique dans la relation entre la théorie et la pratique. Les expériences que j’ai eues dans ce domaine me montrent que parfois, après avoir pris connaissance d’un principe divin dans sa formulation authentique avec les paramètres pertinents applicables qui l’accompagnent, la pratique apporte des précisions, des détails ou même dans certains cas le corps de la réflexion lui-même sur le sujet et/ou l’enseignement lié au principe de référence.
    Souvent, de l’observation de choses en général désagréables, mais aussi lorsque je fais des efforts en observant des choses agréables, je tire une interrogation sur la raison, le « pourquoi » de la survenance d’un événement. A partir de cette interrogation sur le sens d’un événement, je réfléchis, me documente, lis l’enseignement théorique éthique qui semble correspondre à la nature de l’événement et/ou de son résultat, compare l’événement avec des éléments similaires ou voisins, etc.
    Si ces événements ont eu des résultats différents, j’essaie de savoir pourquoi et notamment quels sont les facteurs distincts qui ont pu conditionner [ou pas] le résultat différent ; lors je tente une analyse comparative de ces facteurs et de leurs résultats.
    Ainsi l’expérimentation pratique me fait aller à la théorie, pour me faire revenir ensuite à une pratique plus précise (au moins dans sa tentative de compréhension et d’analyse).

  10. igloo le 28 Avr 2012 à 13:31 10

    D’accord avec @Wilhelm. J’ajouterais qu’en parlant du couple théorie/pratique, on a tendance à critiquer celui qui théorise et qui ne pratique pas – à juste titre très certainement. Mais je retiens quand même cette phrase citée dans l’article: « la pratique seule est aveugle ». J’ai remarqué même en ce qui me concerne qu’elle est quasi impossible sur la durée : sans réfléchir, lire, me documenter sur le sujet éthique qui me préoccupe, c’est comme si ma pratique se vidait de sa substance et que je ne savais même plus pourquoi je travaillais.

  11. radegonde le 17 Mai 2012 à 20:33 11

    « le grain de sel sur la langue » me fait dire: mais c’est bien sur.. je le savais…!!!! et pourtant sans gouter à l’amertume du réel comme cette idée est « imaginée ».
    J’ai le sentiment de dire la même chose de la Foi..cette Foi dont tout le monde parle, soit qu’il est illuminé de cette Foi, soit qu’il pense que ça ne peut exister que dans l’esprit délirant de croyants rétrogrades..
    La Foi, c’est ce « quelque chose » qui arrive dans ma vie et qui me fait comprendre mes actes, le sens de la vie. « Le petit grain de sel »qui change tout… et que je ne peux expliquer puisque j’ai bien senti le goût mais que je n’ai pas les mots pour le transmettre.. Il faudrait en parler avec celui qui a mis aussi le « grain de sel » sur sa langue pour échanger nos expériences….

  12. juliette le 27 Mai 2012 à 23:33 12

    « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais ». Cette phrase est symbolique de notre fréquent comportement. Car pour attirer les éloges, l’admiration, la considération, le statut social des autres nous nous affublons de magnifiques discours plein de vertus et de bons ens, nous paradons, nous nous montrons sous notre meilleur jour même si cela n’arien à voir avec ce que nous sommes réellement, loin de toute vérité. Pourquoi faire fi de ce manque de pratique qui nous menerai à la porte de la vérité ? Peur d’être jugé, d’être déconsidéré, besoin de paraître, de tenir sa place dans la société, avec nos enfants, nos amis etc. Nous archivons de beaux discours que l’on répète avec emphase et la conscience tranquille, sans vergogne. Par peur d’être différent, de « détonner », alors on parle, on s’écoute parler, on palabre, on se gonfle, on s’admire, on se fait admirer. Mais où est la vérité dans tout ça ? Où est le courage de dire que si on ne sait pas, on ne sait pas ? Où est la volonté de prendre le temps de chercher, de trouver, de pratiquer et surtout de savoir se taire et d’agir quand on pense avoir trouvé et en fin de compte, de devenir un exemple bienveillant, humble, tourné vers les autres et surtout « MUET » mais agissant !

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